On a beau l\’impression que l\’actualité est jonchée de rebondissements intéressants, mais en réalité rien de significatif ne se passe en Tunisie. Si le dernier fait en date, à savoir l\’arrestation de l\’homme le plus détesté du pays, pour une malheureuse déclaration, semble apporter une certaine remontée de moral chez les Tunisiens, elle devrait être considérée comme un simple fait divers sans plus.
Un évènement tout à fait banal dans cette dictature assumée qui s\’installe, où on ne porte plus aucun égard ni à la justice, ni à la loi, ni-même aux règles élémentaires d\’adversité. Une dictature où de tels faits se répèteront indéfiniment, jusqu\’a ce qu\’il n\’y ai plus le moindre souffle d\’opposition dans le pays. Un évènement tout à fait banal aussi, parce qu\’il n\’apporte concrètement rien à l\’intérêt public malgré les apparences. Ni politiquement, puisqu\’il n\’ajoute aucune réponse aux grandes questions restées suspendues des dix dernières années, à savoir les abus, les assassinats et le terrorisme. Ni surtout économiquement, puisque ça confirme encore une fois l\’orientation totalitariste de Saïed, laissant peu de place à une quelconque éclaircie en matière de coopération et de financements étrangers… même pas avec les fameux Brics.
Force est de constater que mis à part ces faits divers, dérangeants pour les uns, euphorisants pour les autres, selon le coté où on se place, il ne se passera pas grand chose au pays des merveilles. Le pays de toutes les contradictions, où le peuple qui n\’a privilégié que des incapables depuis 2011, accuse l\’élite à elle seule de sa débâcle. Où on accable la démocratie des échecs, que nos choix ont causé et ou on court se jeter dans les bras d\’un homme qui ne jure que par le pouvoir absolu et qui n\’a pas la moindre solution à nos problèmes. Et surtout, où on trouve le moyen de considérer « stratégie », l\’inertie des deux dernières années, ou mieux encore, la conséquence d\’un complot que le monde fomenterait contre nous.
Nous vivons dans l\’errance, nous perdons tous les jours nos acquis. Nos fondamentaux sont démantelés un à un, sans que la moindre initiative positive ne soit entreprise, et surtout sans que ça n\’émeuve grand monde. Et cela n\’est pas prêt de finir, malgré les croyances de certains qui se réconfortent à l\’idée que les erreurs économiques successives commises par Saïed, auront raison de lui. Qu\’elles finiront par le mettre à nu devant le peuple, qui une fois alerté et conscient quant à la supercherie commise, se révoltera.
En réalité, il n\’en sera rien. Comme ces deux dernières années, les prochaines seront aussi plates et aussi frustrantes. Et Saïed continuera à faire ce qu\’il veut du pays, à détruire tout ce qui lui semble bon à détruire et à emprisonner le peu de personnes qui continueront à déranger son règne, les accusant au passage de ses échecs.
Pourquoi ? Parce que le peuple, seule entité capable de lui enlever son pouvoir, ne se révoltera pas. Malgré les conditions de vie difficiles, malgré la dégringolade du pouvoir d\’achat et malgré un éventuel effondrement de l\’Etat et du dinar avec… Tout simplement parce que la partie du peuple qui est capable de se révolter, a été dégoutée méthodiquement et minutieusement de l\’idée de révolte. Pendant dix ans, on n\’a fait que lui faire regretter son désir de liberté et d\’émancipation, tout en ridiculisant le processus démocratique. Ajouté à cela, ceux qui ont eu le courage d\’affronter la violence et de la subir pendant la révolution, ont été humiliés, dénigrés et ignorés. Alors pourquoi iraient-ils encore une fois se sacrifier pour un peuple qui leur a refusé même les honneurs et la reconnaissance redevable aux héros ?
Si Saïed a emprisonné l\’opposition, c\’est pour une raison… Sa conviction que le peuple ne se révoltera jamais spontanément, sans un leadership fort et crédible porteur de projet. Voilà pourquoi il fait de la neutralisation de toute alternative à son pouvoir une priorité. Il faudra donc une génération, ou du moins une dizaine d\’années, pour faire oublier les traumatismes de la révolution et voir renaitre le souffle de la liberté chez les Tunisiens. Et là peut-être une révolte sera possible. Entre temps armez-vous de patience et reprenez vos habitudes de sujets du roi, la traversée du désert sera longue.










