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La nouvelle envie de Kaïs Saïed : supprimer des institutions publiques ! 

Par Marouen Achouri

Le 14 janvier 2025, les quelques Tunisiens qui suivent encore l’actualité nationale ont pu lire un communiqué publié sur la page de la présidence de la République à 2h du matin. Aucune mention de la révolution et de son anniversaire, évidemment, puisque le président Kaïs Saïed a choisi que la commémoration se fasse le 17 décembre de chaque année. Dans ce cadre, il faut avouer que ni l’une ni l’autre des deux dates ne mobilisent plus grand monde.

Le communiqué présidentiel relate une réunion entre le président de la République, le chef du gouvernement et les ministres des Affaires sociales, de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Kaïs Saïed donne des instructions à ses ministres pour préparer un inventaire des institutions qui ne servent plus à rien. Les institutions en question, « loin de remplir efficacement leurs missions, représentent une charge inutile pour le budget de l’État et les fonds publics ». Toujours selon le même communiqué, la multiplication des institutions publiques ne garantit pas nécessairement leur efficacité. La priorité, selon le chef de l’État, doit être donnée à « l’existence d’organismes réellement nécessaires et performants, capables de servir les intérêts de la nation et des citoyens de manière optimale ».

Comme à l’accoutumée, le communiqué présidentiel enfonce des portes ouvertes en parlant d’institutions étatiques qui devraient remplir le rôle pour lequel elles ont été fondées et en insistant sur la nécessité de servir les intérêts de la nation et des citoyens. Un amas d’évidences qui n’avance à rien de concret. Toutefois, ce qui attire l’attention, c’est plutôt les ministères à qui il est demandé de procéder à un tel inventaire. Y a-t-il des institutions inutiles dans les Affaires sociales ou bien dans l’Enseignement supérieur ? Y a-t-il besoin de dégraisser au niveau de l’Éducation ou de la Formation professionnelle ? Le communiqué ne donne pas plus de détails sur le type d’institutions qui seraient visées par cette mesure drastique de suppression, et surtout par ce verdict irrévocable selon lequel elles ne serviraient plus à rien. Au regard des secteurs visés, une telle mesure serait en totale contradiction avec le slogan du caractère social et la nécessité impérieuse, répétée à maintes reprises par le président de la République, de redonner à l’État son rôle social. C’est à l’aune de ce fameux rôle social de l’État que, par exemple, la Loi de finances 2025 a été conçue. À longueur de communiqués, la présidence de la République a évoqué les réformes dans le transport, l’éducation, la santé et autres domaines sociaux, sans expliquer comment financer tout ça, soit dit en passant. Par conséquent, il paraît contradictoire et paradoxal de vouloir subitement se lancer dans la suppression pure et simple d’institutions à caractère social au vu de leur ministère de tutelle. Se pose également la question de l’évaluation de ces institutions et de leur utilité : sur quelle base affirmer que telle ou telle institution ne sert plus à rien ? Peut-être qu’un communiqué de la présidence du gouvernement, après une réunion sur le même sujet, viendrait nous donner plus d’éléments quant à cet ordre présidentiel.

En soi, le fait de supprimer des institutions qui ne sont plus utiles et qui représentent « une charge inutile pour le budget de l’État » n’est pas une mauvaise chose. Reste à savoir selon quels critères. Malheureusement pour le budget de l’État et pour la poche du contribuable, cette vision change diamétralement quand il s’agit d’entreprises publiques. Chiffres à l’appui, il est possible, et bien plus facile également, de déterminer les niveaux d’utilité et de rentabilité de ces entreprises. On peut se rendre facilement compte du poids qu’elles constituent sur le budget de l’État sans délivrer grand-chose. Mais sur ce sujet, la position présidentielle est radicalement opposée à ce qu’il préconise pour des institutions à fonction sociale. L’ordre du président est de garder toutes les entreprises publiques et de continuer à les entretenir sur le compte du même budget de l’État que l’on cherchait à ménager plus haut. Les entreprises publiques sont des « trésors » qu’il faut garder à tout prix, le président semble inflexible à ce sujet. Il faut dire aussi qu’une telle décision ne serait pas populaire. Le président Kaïs Saïed a répété à plusieurs reprises que les entreprises publiques étaient intouchables et qu’elles font partie de la souveraineté de la nation, cela va d’une usine de sucre, à El Fouladh à Bizerte, en passant par la Siphat (produits pharmaceutiques), la SNCPA (Usine de papier de Kasserine) et les entreprises publiques de transport. En attendant, toutes ces entreprises pataugent dans la même situation de crise et pratiquement rien n’a été entrepris pour les réformer. Le président pousse la nostalgie jusqu’à évoquer la société de produits laitiers Stil comme il s’en rappelle dans les années 70 ou encore une obscure minoterie à Dahmani dans le gouvernorat du Kef.

Pourtant, le même souci du budget de l’État et du bon emploi des deniers publics commande de se passer de certaines entreprises publiques dans des domaines où l’État n’a rien à faire. Si l’on souhaite mordicus conserver ces entreprises, il faudrait au moins entamer les réformes. Mais l’immobilisme ne fait qu’empirer la situation et la facture ne fait que grossir avec le temps. Finalement, on préfère garder toutes les entreprises publiques en dépit de toute logique financière, on poursuit la politique d’endettement (intérieur au lieu de l’extérieur), on augmente la pression fiscale, et quand il s’avère qu’on a du mal à joindre les deux bouts, on rogne sur le social. En somme, rien de très nouveau sous l’appellation pompeuse « approches innovantes » et « rupture avec le passé ».

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