La question du handicap demeure souvent un sujet délicat, abordé de manière timide dans notre société. Les enjeux politiques s’entrelacent avec un sentiment de honte, créant un tableau complexe. Les préjugés, quant à eux, nourrissent une perception stéréotypée et simpliste des personnes en situation de handicap.
Une exclusion silencieuse amplifiée par les préjugés
Les personnes handicapées sont souvent invisibilisées, parfois même au sein de leur propre famille. Combien d’entre nous ont découvert tardivement qu’un ami proche a un frère ou une sœur en situation de handicap, longtemps caché ? Combien de mères se dévouent dans le silence pour s’occuper seules d’un enfant handicapé, rongées par un sentiment de culpabilité ?
Le rôle de l’Islam dans la perception du handicap
Cette exclusion silencieuse est exacerbée par des regards condescendants, des remarques blessantes et des stéréotypes profondément ancrés. Pourtant, rien ni dans notre culture ni en Islam ne justifie de telles attitudes. L’histoire du non-voyant Abdallah Ibn Umm Maktoum avec le Prophète Mohamed (SWAT) est une illustration de ce que devrait être notre conduite face au handicap.
Cet homme, aveugle de naissance, est venu demander conseil au Prophète (SWAT) alors qu’il s’entretenait avec les notables de Quraysh. Le Prophète (SWAT), préoccupé par sa mission, lui prêta peu d’attention, ce qui entraîna la Sourate 80, Versets 1-10 (Sourate ‘Abasa’) : « Il s’est renfrogné et il s’est détourné, parce que l’aveugle est venu à lui. Qui te dit que peut-être [cet homme] cherche à se purifier ? »
Dans la Sourate 24, Verset 61, Allah nous ordonne de faire preuve de compassion envers les handicapés : « Il n’y a pas d’obligation pour l’aveugle, ni pour le boiteux, ni pour le malade. » Les personnes handicapées bénéficient de la miséricorde et de la récompense divine. La Sourate 67, Verset 2 : « Celui qui a créé la mort et la vie afin de vous éprouver [et de savoir] qui de vous est le meilleur en œuvre » nous enseigne que l’Islam rejette fermement l’idée que le handicap soit une punition divine, en rappelant que les épreuves font partie du plan que seul Allah connaît.
Le Coran et les enseignements du Prophète Mohamed (SWAT) encouragent l’inclusion, la bienveillance et le respect envers les personnes en situation de handicap. Ils rejettent toute forme de discrimination et invitent ainsi les croyants à considérer le handicap comme une partie de la diversité de la création divine et une occasion de montrer de la compassion et de renforcer l’humanité partagée.
Repenser l’inclusion sociale : un impératif collectif
Malheureusement, dans notre société, les personnes handicapées font face à de terribles épreuves. Les obstacles, tant visibles qu’invisibles, affectent de manière significative leur quotidien, restreignant leurs possibilités de se déplacer ou de s’intégrer simplement dans le tissu social. Pourtant, la Constitution tunisienne de juillet 2022 affirme l’inclusion complète des personnes handicapées, engendrant un besoin d’accompagnement tout au long de leur vie, et la loi impose aux employeurs d’intégrer 1% de postes pour des personnes handicapées. Cependant, pour le secteur privé, bien que l’inclusion soit encouragée, aucun quota obligatoire n’est établi. Mais la réalité est tout autre.
Le philosophe Alexandre Jollien lui même lourdement handicapé par infirmité motrice cérébrale suite à un accouchement compliqué nous rappelle que « nous sommes tous plus ou moins handicapés ». Cette vérité nous met devant nos peurs et angoisses. Le handicap, au-delà des apparences, fait intrinsèquement partie de notre condition humaine. Chacun porte en soi ses propres vulnérabilités, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sociales. Reconnaître ces fragilités chez soi et chez autrui constitue une étape essentielle vers une compréhension mutuelle plus profonde. Notre humanité doit se mesurer à l’attention que nous portons aux plus vulnérables.
Vers une société inclusive : sensibilisation et respect mutuel
Le handicap devrait nous apprendre l’humilité, l’écoute et l’accueil de l’autre. Sensibiliser et éduquer dès le plus jeune âge sont des leviers indispensables pour déconstruire les préjugés et briser la honte. Cette éducation à l’empathie et à l’acceptation transforme non seulement notre perception du handicap, mais aussi notre relation à nos propres vulnérabilités.
L’accessibilité, tant matérielle que sociale, représente un pilier fondamental. Cela ne consiste pas uniquement à ériger des rampes ou à adapter des infrastructures, mais à repenser notre société pour qu’elle devienne véritablement accueillante pour tous. Les technologies, les entreprises et les institutions doivent adopter des pratiques inclusives.
Dans cette optique, les talents des personnes en situation de handicap doivent être mis en valeur. Loin d’être définis par leurs limites, ces individus apportent souvent une richesse de compétences et une résilience capables de transformer le monde du travail et la société dans son ensemble.
Les médias jouent enfin un rôle déterminant dans cette évolution. En véhiculant des représentations authentiques et positives du handicap, ils peuvent contribuer à déconstruire les stéréotypes.
En définitive, ce n’est pas de la pitié mais du respect dont ont besoin les handicapés. Réexaminer le rapport de chacun d’entre nous, de notre société face au handicap, c’est aussi nous remettre en question. Un long cheminement, qui nécessite des actions concrètes et des changements de mentalité et de comportements profonds, nous invite à reconnaître la richesse de chaque individu. En valorisant les différences, en célébrant les talents uniques et en apprenant de nos propres fragilités, nous avons la possibilité de construire une société où chacun trouve sa place, dans la dignité et le respect.
Ensemble, pas à pas, nous pouvons édifier un avenir où la diversité ne sera plus perçue comme un obstacle, mais comme une force essentielle à notre épanouissement collectif.