Depuis sa prise de pouvoir, le président ne cesse d’égrener des intentions grandioses, promettant des lendemains radieux. Ces discours, parfois enflammés, ont su capter l’attention d’une population lassée des échecs des gouvernements successifs. Mais si les intentions suffisent à maintenir l’espoir pendant un temps, elles ne remplacent ni une stratégie claire ni une action concrète.
Encore et toujours, le président redit les mêmes choses dans ces discours. Si on venait à comparer un communiqué d’il y a trois ans avec un autre d’aujourd’hui, on tomberait imparablement sur les mêmes rengaines. Il réclame, exige, appelle, exhorte, insiste, souligne… Cela donne l’impression qu’on est coincé dans une boucle temporelle sans fin, dans laquelle le futur se rattache au passé et vice versa. Une répétition continuelle qui provoque le vertige chez les personnes qui gardent les yeux bien ouverts. Ceux qui ont été endormis par les belles paroles, n’y voient que du feu et continuent d’applaudir, à leur tour, en boucle.
Conseil des ministres au palais de Carthage, présidé par le chef de l’Etat. L’activité est relayée vers 2 heures du matin vendredi, histoire de respecter les nouvelles traditions et de conforter le caractère ubuesque de ce que nous subissons depuis un certain 25 juillet. Mais passons la forme. Lors de ce conseil, le président « a mis l’accent sur la nécessité d’inscrire toutes les législations dans l’esprit et les objectifs de la Constitution, tout en appelant à un engagement accru des responsables pour répondre aux attentes du peuple tunisien ».
Il a aussi « souligné l’importance de travailler avec une vision innovante et un esprit militant, plaçant l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de tout », affirmant que « les approches traditionnelles, les solutions partielles ou les ajustements temporaires n’ont aucune utilité : La solution doit être radicale, ou elle ne sera pas ! ». Met l’accent, appelle, souligne… Rien de nouveau sous le soleil. Du mâché et du remâché.
Les promesses se heurtent à deux réalités fondamentales : leur irréalisme criant et une méconnaissance des complexités du terrain. Certaines annonces, bien que séduisantes sur le papier, s’avèrent impossibles à concrétiser en raison d’approches marquées par un amateurisme évident. Ces stratégies, souvent déconnectées des réalités contemporaines, passéistes et non étudiées, ne font qu’alimenter un cercle vicieux d’insuccès.
Prenons l’exemple de la loi sur les chèques. L’idée semblait porteuse, mais sa mise en œuvre révèle une absence flagrante de préparation. La loi est sur le point d’entrer en vigueur, mais les perturbations sont déjà visibles. Parlez à ce parent qui ne peut plus payer l’école de ses gamins, à ce patient qui retourne sur ses pas incapable de régler immédiatement son IRM, à ce nouveau locataire qui doit régler à l’avance deux mois de loyer et un mois de cautionnement… Parlez à ce commerçant qui voit sa boutique désertée par les clients et qui se retrouve bloqué ne pouvant commander chez ses fournisseurs… Voyez l’angoisse qui s’empare des Tunisiens et de l’impact néfaste que cette loi aura irrémédiablement sur l’économie et la croissance.
À rebours de l’objectif annoncé, cette initiative a exacerbé les tensions et laissé place à un beau cafouillage. Sur le papier, cette loi devait simplifier les transactions et faciliter la vie des citoyens. Mais dans la réalité, elle devient un fardeau supplémentaire, déstabilisant des millions de Tunisiens au quotidien.
La politique ne peut reposer éternellement sur des intentions, même si ce sont les meilleures qui soient. À défaut de résultats tangibles, l’effet hypnotique des promesses mal pensées finit par s’étioler. À force, même les plus engourdis se réveilleront du rêve dans lequel ils ont été plongés. L’édifice s’effritera et laissera place au désenchantement, dévoilant les failles d’un leadership plus focalisé sur l’effet d’annonce que sur le concret. Et même quand il agit, ce n’est pas en trouvant des solutions viables et pragmatiques, mais pour empirer encore plus les choses.
L’utopie déconnectée du réel et les discours enflammés ne pourront, en aucun cas, résoudre nos problèmes et nous faire avancer.