Les réseaux sociaux font ressortir le meilleur chez les gens… mais surtout le pire. Et le pire, c’est l’ignorance. Alors que la Tunisie entame, depuis hier, sa première campagne de vaccination contre le cancer du papillomavirus, des voix s’élèvent pour donner leur avis. Et l’on se rend rapidement compte qu’il suffit d’une connexion Internet pour se transformer en expert autoproclamé et remettre en question des études basées sur des faits scientifiques et des données solides.
Avoir un esprit critique et s’interroger sur l’utilité d’un vaccin ou sur ses effets secondaires est évidemment tout à fait louable, sauf lorsqu’il s’agit d’exploiter ces informations et les pervertir pour construire une théorie du complot qui remet en question la médecine et toute volonté de fournir des soins de santé conformes aux normes internationales. Surtout lorsqu’il s’agit de personnes censées être censées et dont l’avis est suivi par les foules.
Le vaccin : un prétexte pour attaquer la sexualité des femmes
Pour de nombreuses personnes, cette campagne de vaccination n’a pas été l’occasion de se renseigner sur l’efficacité du vaccin face à ses effets secondaires. Non, elle a surtout été l’opportunité rêvée de s’attaquer aux femmes, de remettre en question leurs mœurs et leur sexualité. « Un outil de dépravation, éloigné de nos mœurs et valeurs, réservé à ceux qui ont une sexualité délurée et non contrôlée ». Ces propos sont révélateurs d’un imaginaire collectif profondément ancré : celui qui associe la sexualité féminine au danger, à la maladie, à la honte. Le corps des femmes devient ainsi un champ moral à surveiller, et non un sujet de santé publique à protéger.
Des médecins obstétriciens se sont lancés dans des diatribes sur le pouvoir de la vertu pour protéger contre les cancers du papillomavirus. « Ce genre de vaccin ne concerne que les femmes à petite vertu » ; « si on ne papillonne pas, on ne peut pas être attaqué par le papillomavirus », soutiennent-ils, sous les applaudissements d’une foule confortée dans ses croyances les plus profondes.
Certains prônent la médecine alternative – à la limite du charlatanisme – avec une vision de la religion bien définie, d’autres érigent la vertu en principe scientifique. Mais les véritables arguments, eux, sont ailleurs.
Les adeptes de la théorie du complot, quant à eux, sont convaincus que le monde tourne autour d’eux et qu’ils sont la cible d’une vaste campagne de stérilisation financée par les puissances mondiales. Là encore, les arguments scientifiques n’ont aucune place.
Un remède contre le cancer ou un complot mondial ?
En réalité, il suffit d’une simple connexion Internet pour comprendre que la Tunisie ne fait pas partie des cobayes testant ce vaccin pour la première fois, et que les Tunisiens ne font pas partie d’une opération mondiale visant à éradiquer une population « inférieure ». Ce vaccin est administré depuis près de vingt ans dans d’autres pays, il a prouvé son efficacité et a largement dépassé la phase des essais. Il suffit aussi de se renseigner sur ses bienfaits, mais aussi ses effets secondaires. Est-ce que les cas de préménopause ou de maladies auto-immunes, peuvent éclipser la protection qu’il offre contre un cancer largement répandu ? Là encore, des études existent.
Crise de confiance : l’ombre du passé sur la santé publique
Le fait est là. Les gens n’ont plus confiance. En cette ère de la politique du jetable et du « tous comploteurs », pas moyen d’avoir confiance en un vaccin qui nous viendrait d’un monde plus que jamais honni, vue l’actualité. Surtout lorsque les pouvoirs publics ne communiquent pas, n’expliquent pas et ne rassurent pas. Une crise de confiance en la santé publique tunisienne et en la corporation des médecins, gangrénée elle aussi par l’opportunisme et l’appât du gain. Un élan de méfiance alimenté par les effets indésirables à rallonge causés par un vaccin anti-Covid à ARN messager, vendu comme le salut de l’humanité alors qu’il a été développé dans l’urgence. Aucun moyen de comparaison donc avec un vaccin administré dans le monde depuis une bonne vingtaine d’années et qui a déjà prouvé son efficacité…au-delà des effets secondaires indéniables.
Une décision éclairée face à l’ignorance et aux théories complotistes
Ceux qui s’attendent à ce que cet article les éclaire sur le choix à faire seront déçus. Au final, que les parents choisissent ou non de faire vacciner leurs enfants doit être une décision éclairée, basée sur des faits scientifiques et sur une comparaison bienfaits/effets secondaires, et non sur une victimisation des femmes ou sur les balivernes véhiculées sur les réseaux sociaux, alimentées par un peu de complotisme…et une bonne dose d’ignorance.