Ceux qui, en leur for intérieur, ne souhaitaient pas que la Banque centrale de Tunisie (BCT) réduise de cinquante points de base son taux directeur, pour le moment du moins, doivent rire sous cape face à l’évolution de la conjoncture nationale et extérieure et à son impact sur l’inflation. Car, qu’ils aient tort ou raison quant au retour de l’inflation, celle-ci ne prendra pas forcément la forme qu’ils envisageaient – c’est-à-dire une inflation endogène, quoique les risques à ce niveau soient importants – mais prendra la forme d’une inflation importée. Finalement, ils auraient raison, même s’ils se trompent sur les causes d’un retour à court, voire très court terme, de l’inflation.
Contexte économique et interventions sur le marché
En tout cas, à la lecture du Périodique de conjoncture de janvier 2025, qui revient sur les résultats économiques du pays pour l’ensemble de l’année 2024, tout comme la Note de conjoncture d’avril 2025, qui affiche les performances de l’économie tunisienne durant les deux premiers mois de l’année, rien ne laissait présager que l’institut d’émission déciderait de réduire son taux directeur. Ces derniers mois, les interventions sur le marché monétaire se sont accrues en raison des besoins de liquidité de plus en plus pressants des banques.
En deux mois, ces besoins ont augmenté d’environ un milliard de dinars, obligeant l’autorité monétaire à accroître sa politique de refinancement d’un montant similaire. Après avoir affiché 4,1 milliards de dinars fin décembre 2024, les appels d’offres de la BCT sur le marché monétaire ont atteint 5,5 milliards fin février 2025 et affichent un montant de 6,5 milliards pour la journée du 10 mars 2025. Grâce à ces interventions, le taux du marché monétaire (TMM) a été maintenu stable à 7,99%. À certains jours du début d’année 2025, le TMM affichait 8,02%.
Motivations de la baisse du taux directeur
Cela étant, qu’est-ce qui a pu amener l’autorité monétaire à abaisser son taux directeur ? Le communiqué issu de la réunion périodique du Conseil d’administration de la BCT du 26 mars 2025, qui a décidé cette baisse, n’apporte pas de réponse claire à cette question.
L’initiative de l’institut d’émission semble davantage relever d’une anticipation que d’une analyse approfondie des données monétaires. Celle-ci estime que « le taux d’inflation devrait revenir de 7% en 2024 à 5,3% en 2025 ». Car, si l’inflation continue de montrer des signes de ralentissement, l’inflation sous-jacente affiche, quant à elle, une certaine surchauffe. De plus, la BCT admet elle-même que « la trajectoire future de l’inflation reste entourée de plusieurs risques haussiers. Elle serait particulièrement tributaire de l’évolution des prix internationaux des principaux produits de base et des matières premières, de la dynamique de la demande et de la capacité à gérer le déséquilibre du budget de l’État ».
Ce dernier scénario ne serait-il pas le plus plausible ? La guerre commerciale qui se profile à l’échelle mondiale, la dynamique de la demande intérieure avec « les augmentations de salaires, dans un contexte de capacités de production moins dynamiques en lien avec le stress hydrique persistant et le rythme lent de mise en œuvre des réformes stratégiques » ainsi que l’incertitude entourant « la capacité [du gouvernement] à gérer le déséquilibre du budget de l’État » ne plaidaient-ils pas pour le maintien du taux directeur ?
Décision finale sous la pression ambiante
Il semble que l’autorité monétaire ait davantage cédé aux pressions de toutes parts pour desserrer l’étau du crédit que fondé sa décision sur un contexte logique. Elle l’a fait en demi-mesure, « en faveur de la stabilité des prix, sans négliger le soutien à la croissance ».
En d’autres termes, céder à la pression, mais pas trop.