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Affaire de complot : une audience interrompue, des avocats en colère

Par Sarra Hlaoui

L’audience tenue, vendredi 11 avril 2025, dans le cadre de l’affaire dite de complot contre la sûreté de l’État, a été brutalement levée alors que les avocats de la défense plaidaient encore un point central, notamment, la demande d’amener les détenus dans la salle d’audience.

Cette interruption soudaine a suscité une vive réaction dans les rangs de la défense et parmi les observateurs présents. Pour Me Dalila Ben Mbarek Msaddek, avocate engagée dans le dossier, cette journée incarne « un moment grave dans l’histoire du droit à un procès équitable, public et contradictoire ». Dans une déclaration partagée sur les réseaux sociaux, elle dénonce « la peur d’un système face à la vérité » et une volonté manifeste de « priver les Tunisiens et les Tunisiennes de leur droit à comprendre ce qui se joue dans cette affaire ».

Parmi les voix qui se sont élevées, celle de l’avocate Hana Hatay, qui dénonce, dans une publication au ton acerbe, le caractère absurde de cette justice à distance« On était littéralement en train de regarder une audience en direct, comme à la télé », écrit-elle. Elle décrit une scène surréaliste où les agents apparaissent à l’écran dans une ambiance presque détendue : certains fument, d’autres plaisantent, tandis que le juge lance : « Éteins ta cigarette, mon garçon. »

Mais derrière l’ironie perce la colère. « Ce sont des conditions indignes pour juger des personnes risquant la peine de mort, poursuit-elle. Ils doivent pouvoir se défendre, être entendus, être présents dans la salle avec leurs avocats. Ce qu’on a vu aujourd’hui, c’était à la fois risible et tragique. »

Monia Brahim, épouse de l’homme politique et ancien dirigeant nahdhaoui Abdelhamid Jlassi, a dénoncé, quant à elle, l’interdiction d’accès à la salle d’audience aux familles des détenus. Elle a souligné les difficultés et les restrictions imposées par les autorités. Elle a assuré que les familles des détenus avaient scandé des slogans exigeant un procès en présentiel. « Le juge n’a pas pu faire face à ces revendications et il a quitté la salle pour recevoir les consignes. Cependant, nous n’allons pas renoncer aux droits des détenus à un procès équitable ».

L’ancien ministre et avocat Mohamed Abbou a vivement réagi, appelant au respect des garanties fondamentales d’un procès équitable. Invité de l’émission Midi Show sur Mosaïque FM, Mohamed Abbou a rappelé que la tenue des audiences en présence des accusés « ne devrait même pas faire débat ».

Il a invoqué explicitement l’article 141 bis du Code de procédure pénale, qui impose la comparution des prévenus, sauf risque sécuritaire grave ou accord préalable de ces derniers pour une audience à distance. Or, selon lui, ni l’un ni l’autre de ces critères n’était réuni ce vendredi : « certains détenus n’ont même pas été convoqués, un fait encore non élucidé ». Il dénonce une violation manifeste de la loi, aggravée par le flou juridique entourant l’ensemble de la procédure. « Une audience sans les accusés est une audience viciée. Le procès ne peut se faire à huis clos ou par écran interposé, sauf exception légale clairement établie. ».

L’avocat Ahmed Souab a fermement condamné le procès à distance, soulignant que la présence des accusés est une condition nécessaire pour la garantie d’un procès équitable. Il a ajouté que les conditions étaient catastrophiques pour les avocats, assurant que la chaleur était insupportable et qu’aucune communication n’était possible avec le juge. « Ce qui s’est passé est une honte. J’ai dit aux juges que si j’étais à leur place, je n’aurai pas assisté à un procès dans de telles circonstances ». 

L’audience devait examiner notamment les demandes de comparution physique des détenus, dont plusieurs sont incarcérés depuis plus d’un an dans cette affaire hautement politisée. Pour le collectif de la défense, leur absence entrave fondamentalement l’exercice des droits de la défense et nuit à la transparence du procès.

Malgré ce qu’ils qualifient d’entrave grave à la justice, les avocats présents ont exprimé leur détermination à poursuivre le combat. « Ce fut aussi une journée de courage, de combativité, et d’attachement aux causes justes », a déclaré l’un d’eux en quittant le palais de justice.

S.H

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