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L’intelligence suspecte

Par Maya Bouallégui

Hier vendredi 11 avril s’est tenu, en toute discrétion et visio-pudeur, le deuxième épisode du procès dit du “complot contre l’État”, ouvert le 4 mars dernier. Un feuilleton judiciaire qui, à défaut de preuves, déborde de rebondissements, d’absurdités et de morts revenus d’outre-tombe. De quoi faire pâlir Netflix et réhabiliter les scénaristes de téléfilms du dimanche après-midi.

Ils sont quarante. Quarante affreux, sales et (supposément) méchants, ligués contre la République. Quarante cerveaux en ébullition, dont un (feu Bouali Mbarki, paix à son âme depuis 2020) aurait même eu la gentillesse de comploter depuis l’au-delà. Il faut dire que quand on aime sa patrie, on ne compte pas les frontières entre ici-bas et là-haut.

À l’origine du scénario, deux super-informateurs, XX et XXX. Non, ce ne sont pas les noms de code de James Bond, mais ceux de deux gentlemen peut-être bien tunisiens, peut-être bien en prison, ou au Parlement, ou les deux. L’un aurait entendu un ami belge, qui tenait d’une amie britannique, qu’un Tunisien parlait à un autre Tunisien de Kaïs Saïed. Voilà, crime d’État.

Les preuves ? Aucune. Les confrontations ? Aucune. Les lieux de rencontre ? Luxembourg, Libye, Marsa, Gammarth. Même l’ambassade à Bruxelles aurait accueilli une réunion secrète, en présence d’un ambassadeur qui, curieusement, a été promu ensuite pour devenir ministre. Bel esprit d’équipe.

Le juge ? Nommé par la ministre, parce que le Conseil de la magistrature, c’est surfait. Il a auditionné les prévenus ? Non. Il les a confrontés ? Non. Il a vérifié que les accusés n’étaient pas morts ? Toujours pas. Il a prolongé les mandats de dépôt sans les voir ? Bien sûr. Juste après, il a pris la poudre d’escampette pour s’installer au Moyen-Orient.

Et tout ça, dans une ambiance feutrée, à distance, en visioconférence, parce que dans cette République nouvelle, la justice ne regarde plus ses prévenus dans les yeux. Elle les contemple à travers une webcam 480p.

Alors, complot ou cabotinage ? À ce stade, même Netflix aurait refusé le scénario : trop invraisemblable. Mais en Tunisie, on appelle ça un procès. Et certains osent encore parler d’État de droit sans rougir.

Trump appuie sur “pause” : les marchés jubilent, les neurones vacillent

Jeudi 10 avril, Donald Trump a eu une idée brillante — une de plus. Il a décidé que la révolution tarifaire qu’il avait lui-même lancée la semaine précédente méritait… une pause. 90 jours de répit, le temps de relire « L’Art de la négociation » et de comprendre ce qu’il a écrit dedans.

Le génie stable — c’est lui qui le dit — a donc fait marche arrière à 145 à l’heure. Pourquoi ? Parce que les marchés lui ont fait les gros yeux. Parce que même Elon Musk, son cheerleader en chef, a commencé à sortir les rames. Et parce que, semble-t-il, regarder le cours des obligations depuis ses toilettes dorées lui donne des frissons économiques.

Alors Trump, toujours aussi imprévisible que sa mèche, a dit : « Stop. » Sauf pour la Chine, bien sûr. Elle, c’est le vilain de service. 145 % de droits de douane, bim, parce que “l’ami Xi” est intelligent, certes, mais un peu trop communiste au goût du Donald.

Et voilà que vendredi 11 avril, Pékin a répondu avec le sourire carnassier des vieux empires : « très bien, on monte à 125 % nous aussi ». Le ministère des Finances chinois précise, pince-sans-rire, que les produits américains ne trouvent déjà pas preneurs sur le marché local, donc… ils ignoreront toute future augmentation. Autrement dit : bon courage avec vos Harley-Davidson invendables.

Pendant ce temps, les conseillers de Trump jonglent avec la narration : une masterclass de stratégie, affirment-ils. Il tweete dès 9h37 que « c’est le moment d’acheter », fait grimper le S&P 500 de 9,52 %, puis déclare que tout était prévu depuis le début. Un plan brillant, pensé… ce matin-là, au petit-déj.

« Nous avons rédigé ça avec le cœur », dit-il, ému, comme un poète fiscal en goguette. Et quand un journaliste lui parle des représailles européennes, il hausse les épaules et répond : « OK, je suis content qu’ils se soient retenus. » Traduction : je n’ai rien compris mais je fais genre que si.

Bref, l’Amérique joue à la roulette russe commerciale. Et la planète croise les doigts pour que la balle ne soit pas dans le barillet.

Macron, entre les deux États, son cœur balance

Mercredi 9 avril, sur le plateau feutré de « C à vous » sur France 5, Emmanuel Macron a lâché l’info comme on lâche un pigeon blanc au milieu d’un champ de mines : la France pourrait reconnaître l’État palestinien en juin. Enfin ! diront certains. Trop tôt ! s’étranglent les autres. Juste à temps pour les élections européennes, pensent les plus cyniques. Nous, on se contentera de prendre du pop-corn.

Car tout est là : Macron, ce funambule de la diplomatie, propose un deal cosmique — reconnaître la Palestine pour inciter les pays arabes à reconnaître Israël. Une sorte de troc moral à l’échelle de l’ONU. On appelle ça de la géopolitique quantique : deux réalités contradictoires cohabitent, jusqu’à ce qu’un Premier ministre israélien les observe et les fasse exploser.

Israël, sans surprise, voit rouge. La Palestine ? Elle y voit l’aurore. La gauche française applaudit, la droite tousse, l’extrême droite hurle. Bref, la République est en pleine schizophrénie diplomatique, comme souvent quand elle tente de jongler entre droits de l’homme et ventes de Rafale.

Et puis surtout : que reconnaît-on exactement ? Un État sans frontières définies, sans contrôle de son territoire, dont une partie est tenue par le Hamas (pas franchement amateur de la solution à deux États). Mais chut, ne compliquons pas la symbolique avec des détails logistiques.

Macron veut « peser dans l’Histoire » — et il le fera peut-être, entre la chute de Bachar, la flambée des morts à Gaza, et la déclaration d’un État dont le principal pouvoir est… d’ouvrir une ambassade rue des Renaudes à Paris.

Mais bon, si ça peut faire croire le journal libanais L’Orient-Le Jour qu’Emmanuel est devenu Émir-Manuel, pourquoi pas. Après tout, l’Histoire, c’est aussi une question de storytelling.

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