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La société civile et un directeur de lycée, boucs émissaires désignés d’un scandale d’État

Par Marouen Achouri

Cet État arrivera décidément à toujours nous surprendre. Face au drame de Mezzouna, qui a coûté la vie à trois jeunes lycéens, l’État a fait la seule chose qu’il sait faire depuis des années maintenant : dépêcher les unités sécuritaires sur place et désigner un bouc émissaire pour le mettre en prison. La nuit a été mouvementée à Mezzouna et des unités de la Garde nationale l’ont passée à poursuivre quelques manifestants et à garder le calme. Il ne faudrait pas que la colère échappe à la maîtrise des autorités. Pour les ambulances, les soins, l’éducation et autres, il faudra les chercher dans les discours — pour ceux qui y croient encore.

Le sacrifice du directeur

Mais cela ne suffit pas au pouvoir pour sortir du bourbier de Mezzouna. Il faut trouver des boucs émissaires pour éloigner la responsabilité du régime en place et de son président, Kaïs Saïed. Le premier, tout désigné, est le directeur du lycée dont un mur s’est effondré. Peu importe s’il a déjà alerté les autorités de tutelle sur l’état de ce même mur en demandant une intervention d’urgence. Peu importe s’il s’agit d’un cadre éducatif qui n’est pas responsable, au moins de manière directe, de l’état des infrastructures scolaires. Le plus important, c’est de donner une tête à la guillotine et de trouver un responsable à qui on fera porter le chapeau. En plus, cela fera écho au discours du président de la République, qui attaque les responsables locaux et les administratifs à tous les niveaux.

Une attaque contre la société civile

L’autre bouc émissaire désigné par les soutiens du pouvoir en place est la société civile. La députée Fatma Mseddi a publié un statut pour dire à l’UGTT que le don d’une journée de travail aurait été bien plus utile que d’organiser un jour de grève. Comme s’il était du rôle de l’UGTT ou de n’importe quel syndicat de financer les caisses de l’État pour reconstruire les murs et éviter les catastrophes. Le tout pour les beaux yeux d’un pouvoir qui n’écoute personne, qui monopolise les décisions et qui a clairement fait part de tout le mépris qu’il a pour les syndicats, partis politiques et autres associations. Ces dernières ont aussi été évoquées par certains, qui leur ont reproché de ne pas être intervenues avant l’effondrement du mur.

Cependant, les mêmes qui tiennent ce discours ont, par le passé, diabolisé les associations et les ont accusées de financement illicite, d’être à la solde de forces étrangères et de fomenter de sombres complots. Plusieurs dirigeants d’associations, dont Saadia Mosbah, sont actuellement emprisonnés sur la base de prétextes fallacieux que la justice n’a pas encore démontrés. La société civile a été prise pour cible par le pouvoir en place et a été diabolisée par ses porte-paroles dans les plateaux médiatiques. On a même prétendu qu’il y avait bien trop d’associations en Tunisie et qu’il fallait y mettre un terme, notamment en mettant en place un cadre juridique contraignant qui renforcerait la mainmise de l’État sur leurs activités.

Mais à l’heure de la catastrophe, et dans le seul but de diluer les responsabilités, on se souvient de la société civile pour lui mettre sur le dos la responsabilité d’une catastrophe dont seul l’État est responsable.

Une stratégie de diversion bien rodée

Il ne fait aucun doute que le pouvoir cherche à contenir la colère provoquée par la catastrophe de Mezzouna tout en essayant de diluer les responsabilités. Tour à tour, ce sont la société civile, les responsables locaux ou encore les parents d’élèves qui ont été évoqués, car ils n’ont rien fait alors que le mur menaçait de s’effondrer. L’image de ce mur sur le point de s’effondrer illustre la situation dans plusieurs secteurs comme la santé, le transport et, évidemment, l’éducation. Les discours du président de la République évoquent le rôle social de l’État et la nécessité de réformer ces secteurs, mais la situation ne change pas. Ces secteurs restent sinistrés et menacent de s’effondrer. Tout comme le mur de ce lycée de Mezzouna.

Par Marouen Achouri

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