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Migrants expulsés : Washington trouve preneurs en Afrique

*Photo par Charly Triballeau / AFP

Plus d’aide humanitaire ou financière, moins de sanctions ? Après le Salvador, quatre pays d’Afrique — Ouganda, Rwanda, Eswatini, Soudan du Sud — acceptent d’accueillir des migrants expulsés des États-Unis, mais leurs dirigeants restent discrets sur leurs motivations, tandis que leurs détracteurs dénoncent des arrangements avec Washington.

Jeudi, Kigali a annoncé l’arrivée mi-août sur son sol « d’un premier groupe de sept migrants approuvés » par ses soins, qui ont reçu « le soutien approprié et la protection du gouvernement rwandais ». 

Soit la dernière venue connue sur le continent des « criminels », tels que les désigne l’administration Trump, qui a fait de la lutte contre l’immigration clandestine sa priorité.

Le Salvador, petit pays d’Amérique centrale dirigé par Nayib Bukele, l’autoproclamé « dictateur le plus cool du monde », a été le premier pays à accepter ces expulsés. Pendant quatre mois, 252 Vénézuéliens accusés d’appartenance au gang « Tren de Aragua » y ont été incarcérés.

Si seulement vingt d’entre eux avaient un casier judiciaire aux États-Unis, selon Caracas, et si plusieurs ont raconté à l’AFP un enfer carcéral subi au Salvador, Nayib Bukele a ainsi montré sa proximité avec le président américain.

Il « se sent protégé d’une certaine manière par son association » avec Donald Trump, estime l’analyste Noah Bullock, alors que la Constitution salvadorienne vient d’être modifiée, lui permettant de se représenter indéfiniment.

« Honteux » 

Un Salvadorien est devenu le symbole malgré lui de la politique répressive américaine : Kilmar Abrego Garcia, expulsé à tort en mars vers le Salvador, puis ramené aux États-Unis, a été de nouveau arrêté lundi et placé en détention avant une nouvelle expulsion, cette fois-ci vers l’Ouganda, qu’il conteste judiciairement.

Selon le département d’État américain, le secrétaire d’État Marco Rubio s’est entretenu par téléphone avec le président ougandais Yoweri Museveni sur ce dossier, dont les contours restent flous.

Kampala, qui compte environ 1,7 million de réfugiés sur son sol — un accueil largement financé par des fonds étrangers — est le dernier pays en date à avoir annoncé un accord avec Washington.

Le 21 août, son gouvernement expliquait « préférer » que les expulsés sur son territoire soient « des personnes originaires de pays africains », ce qui n’est pas le cas de M. Garcia.

« Mais pourquoi l’Ouganda est-il impliqué dans ces choses honteuses ? », a récemment questionné sur X l’ex-chef du renseignement ougandais David Sejuda. Et cet ancien proche de Yoweri Museveni, devenu critique du président — au pouvoir depuis quarante ans et candidat à un nouveau mandat l’an prochain — de dénoncer la disparition de « la morale » dans le pays.

Interrogé par l’AFP, le porte-parole du gouvernement ougandais Chris Baryomunsi rejette les « insinuations » selon lesquelles l’Ouganda coopérerait avec les États-Unis pour éviter des sanctions et vante plutôt « la promotion du commerce et des liens économiques » entre les deux pays.

Le Rwanda, dirigé depuis trois décennies par Paul Kagame — arrivé au pouvoir en 1994 et réélu l’an passé avec 99,18 % des voix — a indiqué en août qu’il accueillerait jusqu’à 250 personnes expulsées par Washington, dont les sept récemment arrivées.

Empêtré dans son soutien au groupe armé M23 — qui s’est emparé ces dernières années de larges pans de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), notamment des grandes villes de Goma et Bukavu au cours d’une vaste offensive lancée fin 2024, accompagnée de violations massives des droits humains — Kigali a expliqué vouloir recevoir ces migrants au nom de ses « valeurs sociétales ». Mais aucune éventuelle contrepartie n’a été mentionnée.

« Démocraties faibles »  

Le Soudan du Sud a, lui, déjà accueilli huit migrants arrivés des États-Unis. Mais son exécutif reste muet sur le sujet.

Plus jeune État de la planète depuis son indépendance du Soudan en 2011, ce pays est instable et parmi les plus pauvres au monde. Il sort en outre d’une guerre civile qui a fait quelque 400.000 morts entre 2013 et 2018.

En avril, Washington avait annoncé révoquer tous les visas accordés aux Sud-Soudanais après le refus initial de Juba d’accueillir un Congolais expulsé des États-Unis.

« La plupart des responsables sud-soudanais ont été frappés par des sanctions, et pour alléger cela, ils doivent se prosterner », décrypte Akol Madwok, enseignant à l’université de Juba.

Cinq expulsés qualifiés de « barbares » par l’administration Trump sont également incarcérés en Eswatini, dernière monarchie absolue d’Afrique, où les atteintes aux droits de l’Homme sont nombreuses. 

« On ne sait pas » ce que l’Eswatini a obtenu en retour, commente Melusi Simelane, membre d’une ONG qui conteste en justice la constitutionnalité de l’accord avec Washington.

Mais, dit-il, « il est important de souligner que l’administration Trump vise des démocraties faibles où elle sait qu’aucune question ne sera posée ».

© Agence France-Presse

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