Le professeur universitaire en sciences économiques, Ridha Chkoundali, a commenté, dans la soirée du lundi 7 octobre 2025, sur son compte Facebook, la dernière évolution du taux d’inflation en Tunisie, publié par l’Institut national de la statistique (INS). Si le taux d’inflation a reculé à 5% en septembre 2025, contre 5,2% en août, M. Chkoundali estime que cette baisse apparente ne reflète en rien une amélioration du pouvoir d’achat des Tunisiens.
Selon les données de l’INS, cette diminution s’explique principalement par le ralentissement du rythme d’évolution des prix des produits alimentaires (5,7% contre 5,9%), des services de loisirs et de culture (4,6% contre 5,4%), des restaurants, cafés et hôtels (10,1% contre 10,6%) et des services de transport (3,1% contre 3,6%). Sur un mois, les prix ont toutefois progressé de 0,6%, en raison notamment de la hausse des coûts liés à la rentrée scolaire et de l’augmentation continue de plusieurs biens de consommation.
Dans son analyse, Ridha Chkoundali souligne que « la baisse du taux d’inflation à 5% ne signifie pas que les prix ont reculé ni que le pouvoir d’achat du citoyen tunisien s’est amélioré ». Il rappelle que les prix ont continué d’augmenter en septembre de 0,6% par rapport à août, alors que les salaires sont restés inchangés.
L’économiste relève par ailleurs que près de la moitié du panier de consommation des ménages (47,1%) – comprenant l’alimentation, les boissons, les vêtements, les chaussures, l’éducation, les restaurants et les cafés – a connu des hausses de prix supérieures à 5%. « Les prix des légumes frais ont augmenté de 21,1%, ceux de la viande ovine de 20,2%, des poissons de 10,1%, des fruits de 9,9%, des vêtements et chaussures de 9%, et ceux des restaurants et cafés de 10,1% », détaille-t-il.
Pour M. Chkoundali, ce léger repli du taux d’inflation n’est pas le résultat de la politique monétaire de la Banque centrale de Tunisie (BCT), mais plutôt d’un effet externe lié à la baisse des prix mondiaux de certains produits. « La baisse marquée des prix internationaux de l’huile d’olive a entraîné une chute significative des prix des huiles alimentaires, ce qui a contribué à ramener l’inflation à 5 % », explique-t-il. Il ajoute que la diminution des prix du pétrole à l’échelle mondiale a également permis un certain ralentissement des coûts de plusieurs biens et services importés.
L’économiste estime que cette évolution pourrait pousser la BCT à revoir sa politique de taux. « Ce recul du taux d’inflation va contraindre le Conseil d’administration du gouverneur à réduire le taux directeur d’au moins cinquante points de base, car l’écart entre le taux d’intérêt directeur et l’inflation est désormais confortable, autour de 2,5 points », affirme-t-il. Une telle décision serait, selon lui, « bénéfique pour l’investissement et pour les citoyens ayant contracté des crédits bancaires ».
Ridha Chkoundali critique la stratégie actuelle de la BCT, qu’il juge fondée sur une lecture erronée des causes de l’inflation. « La Banque centrale considère que la hausse des prix provient d’une consommation excessive des ménages, et qu’il faut donc relever les taux d’intérêt pour freiner la demande. Or, en augmentant le coût du crédit, elle pénalise l’investissement productif et étouffe la croissance », déplore-t-il.
Il ajoute : « Ce que la Banque centrale retire de la main droite aux citoyens en renchérissant les prêts, elle le donne de la main gauche à l’État, en lui accordant des emprunts directs de quatorze milliards de dinars en deux ans. C’est comme vouloir éteindre le feu en y versant de l’huile ».
Pour l’universitaire, la véritable cause de l’inflation en Tunisie réside dans les obstacles à la création de richesse productive : « Les lourdeurs administratives, la fiscalité excessive, les taux d’intérêt élevés, un climat d’affaires dissuasif et un système économique rentier qui profite à quelques familles seulement ».
Il plaide pour une libération de l’initiative privée et une stimulation de l’investissement afin de dynamiser le marché des biens et des services, condition nécessaire à une baisse durable des prix.
Enfin, M. Chkoundali suggère un changement d’approche dans le financement énergétique, en encourageant les investissements dans les énergies renouvelables. « Si la Banque centrale accordait un prêt sans intérêt à la Société tunisienne d’électricité et du gaz (STEG) pour développer le photovoltaïque, cela permettrait de réduire le déficit énergétique et commercial, de baisser les prix et de préserver les réserves en devises », conclut-il.

I.N.