Une nouvelle fois, le Trésor public tunisien s’apprête à recourir à un financement direct auprès de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Après les sept milliards de dinars accordés dans la loi de finances 2025, remboursables sur dix ans, avec une période de grâce de trois ans et sans intérêts, le projet de loi de finances 2026 prévoit d’étendre cette mesure exceptionnelle à onze milliards de dinars, remboursables sur quinze ans, dont trois années d’emprunt différé et toujours sans intérêts.
L’article 12 du projet de loi de finances 2026 autorise, à titre dérogatoire à l’article 25 de la loi n°35 de 2016 relative au statut de la BCT, la Banque centrale à accorder au Trésor public des facilités financières destinées à soutenir la trésorerie de l’État.
Une convention sera conclue entre le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque centrale pour définir les modalités de décaissement et de remboursement de ces facilités.
Cette mesure traduit la poursuite d’un mécanisme déjà mis en œuvre en 2025, dans un contexte de forte contrainte budgétaire et de besoins croissants en liquidités.
Le projet de loi évalue à 27,064 milliards de dinars le volume total des ressources de trésorerie que l’État devra mobiliser en 2026.Ces fonds se répartiront entre :
- emprunts extérieurs : 6,808 milliards de dinars,
- emprunts intérieurs : 19,056 milliards de dinars,
- autres ressources du Trésor : le solde complémentaire.
Ces emprunts permettront de couvrir le déficit budgétaire et les remboursements de la dette, estimés à plus de quinze milliards de dinars — dont 7,932 milliards pour la dette intérieure et 7,917 milliards pour la dette extérieure.
Les recettes globales de l’État sont fixées à 52,560 milliards de dinars pour 2026, réparties entre :
- recettes fiscales : 47,773 milliards de dinars,
- recettes non fiscales : 4,437 milliards de dinars,
- recettes des établissements publics : 350 millions de dinars.
Les dépenses de l’État atteignent 63,575 milliards de dinars, tandis que les crédits d’engagement s’élèvent à 66,8 milliards de dinars.
Elles englobent la masse salariale, les subventions et le service de la dette, confirmant la rigidité structurelle du budget.
Le projet fixe également à 1,585 milliard de dinars les budgets des établissements publics rattachés à l’État, et autorise un effectif global de 687.000 agents dans la fonction publique.
Le maintien, voire l’amplification, du financement direct par la Banque centrale illustre la fragilité persistante des équilibres financiers de l’État.
Alors que la loi interdit en principe ce type d’intervention, cette dérogation exceptionnelle souligne l’ampleur du déséquilibre entre recettes ordinaires et besoins de financement, ainsi que la pression accrue sur la trésorerie publique.
Si cette mesure permet de préserver la liquidité budgétaire à court terme, elle interroge sur le risque de dépendance structurelle vis-à-vis du soutien monétaire et sur les implications macroéconomiques à moyen terme, notamment en matière de stabilité monétaire et de crédibilité financière.
En définitive, le projet de loi de finances 2026 prolonge les mécanismes d’appui financier interne déjà mobilisés en 2025, tout en cherchant à sécuriser les financements extérieurs.
Il révèle une gestion prudente mais contrainte, où la Banque centrale devient, une fois encore, le principal garant de la soutenabilité budgétaire de l’État tunisien.