Mardi 14 octobre 2025, la chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme près la Cour d’appel de Tunis a rendu ses jugements dans l’affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd.
Les verdicts, prononcés à l’aube, se sont échelonnés entre le non-lieu et la peine de mort par pendaison. La Cour a statué sur le sort de vingt-trois accusés, dont quatorze en état d’arrestation et neuf en liberté.
Le Parti des patriotes démocrates unifié (Watad), dirigé par Mongi Rahoui, a réagi, samedi 18 octobre 2025, au verdict. Dans un communiqué signé par son secrétaire général, le parti estime que cette étape judiciaire ne marque pas la fin du procès, mais bien son commencement.
« Ce n’est que le début du procès »
Le Watad rappelle que les jugements rendus concernent uniquement « certains éléments du groupe d’exécution », et que l’affaire, « délibérément morcelée sous le règne des islamistes », reste incomplète. Le parti accuse de nouveau le mouvement Ennahdha d’avoir orchestré un démantèlement du dossier initial pour éviter d’établir les responsabilités des « appareils partisans, sécuritaires et judiciaires » qui avaient été sous son influence.
Le communiqué affirme que, grâce au travail de la défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, l’enquête sur l’assassinat du dirigeant de gauche est désormais liée à plusieurs autres dossiers : ceux de l’appareil secret d’Ennahdha, de la chambre noire, de l’affaire Fathi Dammak, ainsi que des dossiers concernant l’ancien juge d’instruction et procureur Béchir Akremi, l’assassinat de Mohamed Brahmi, les meurtres de militaires et policiers, et le dossier du départ des jeunes vers les zones de conflit. Tous ces volets, selon le parti, renverraient à une même source : l’appareil secret de la mouvance islamiste et son chef, Rached Ghannouchi.
Mongi Rahoui réaffirme la responsabilité politique et morale d’Ennahdha dans l’assassinat de Chokri Belaïd, rappelant que « le peuple tunisien a déjà condamné ce mouvement depuis le 6 février 2013 », en attendant une condamnation judiciaire complète. Le Watad réclame ainsi la réunification de l’ensemble des dossiers relatifs à l’affaire, estimant que leur éclatement a nui à la recherche de la vérité.
Le parti a, par ailleurs, exprimé sa solidarité avec le collectif des avocats de la défense des deux martyrs, qualifiant leur travail de « médaille d’honneur pour tous les militants fidèles à la patrie et à la liberté ».
Enfin, le parti a dénoncé les déclarations récentes du mouvement Ennahdha et de certains de ses membres, accusés d’avoir lancé des campagnes de dénigrement et d’incitation contre les avocats de la défense et les militants du Watad. Il y voit une tentative désespérée de « rejouer la carte victimaire » et de « briser l’isolement d’un mouvement déjà condamné politiquement par le peuple ».
Le communiqué se conclut par un nouvel appel à la pleine reddition des comptes dans toutes les affaires d’assassinats et de terrorisme.
Ennahdha revendique son innocence et dénonce une instrumentalisation politique
Le mouvement Ennahdha avait réagi, mercredi 15 octobre 2025, en affirmant que le verdict de la Cour d’appel de Tunis confirme la « fausseté des accusations » portées contre le parti et son président, Rached Ghannouchi. Selon le communiqué, aucun membre du mouvement n’a été condamné, directement ou indirectement, et le procès aurait été exploité politiquement par des « forces hostiles » pour nuire à sa réputation.
Ennahdha dénonçait également les retards prolongés dans le traitement judiciaire et avait estimé que l’affaire a été instrumentalisée par certaines parties civiles « incapables de vaincre le mouvement sur le terrain politique et populaire ». Le parti avait également souligné que la décision a été rendue alors qu’Ennahdha est dans l’opposition, dans « un climat politique autoritaire hostile à la démocratie ».
R.B.H