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Tout est vrai, sauf le réel

Par Maya Bouallégui

Épisode 1 – En Tunisie, on punit d’abord, on vérifie après

En Tunisie, la justice adore le suspense. Elle ne tranche pas, elle mijote. Et quand elle finit par servir son verdict, c’est souvent froid.

Prenez Riadh Mouakher : médecin anesthésiste, ancien ministre, citoyen modèle — et bouc émissaire à plein temps. Deux ans de prison pour rien. Acquitté, certes, mais rincé jusqu’à la moelle.

Le système judiciaire a cette élégance rare : il détruit d’abord, il s’excuse ensuite. Et encore, à moitié. Ici, l’État ne répare pas, il indemnise au rabais. La justice au tarif de la baguette.

Le plus fascinant, c’est que tout le monde trouve ça normal.

Les réseaux sociaux se sont transformés en tribunal populaire. Les mêmes doigts qui « likent » les chatons ont crucifié un homme sur la base de mèmes mal cadrés.

La présomption d’innocence ? Un concept étranger, probablement importé de Bruxelles avec la mayonnaise.

Et quand la Cour d’appel prononce enfin un acquittement, c’est le silence radio.

Les pages de la honte ne publient plus rien, les commentateurs reprennent leur café, et le citoyen soupire : “il a dû payer quelqu’un.”

Voilà où nous en sommes : même l’innocence paraît suspecte.

Riadh Mouakher a choisi le silence. Et il a eu raison. Parce qu’ici, parler, c’est se condamner soi-même.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : si son acquittement est une victoire, c’est celle d’un homme, pas celle d’un système.

Et c’est bien ça, le drame. Chez nous, la justice ne rend pas des comptes : elle rend des coups.

Épisode 2- Le miracle social… à découvert

On nous promet un « souffle social ». Très bien. Mais qui paie l’oxygène ? D’après le projet de Loi de finances 2026, ce sera la Banque centrale, encore et toujours qui donnera des crédits à l’État. Après sept milliards en 2025, onze milliards en 2026, sans intérêts : l’État a trouvé la pompe à air gratuite. Le crédit, c’est comme l’aspirine : ça soulage tout, sauf la maladie.

Pendant ce temps, on jure qu’on encourage l’investissement. Avec quoi ? Pas de choc de simplification réel, des droits d’enregistrement qui grimpent, des micro-taxes qui fleurissent… Le seul investisseur choyé, c’est le cachet fiscal.

Et la devise présidentielle répétée en boucle — « recourir sur nous-mêmes » ? Très belle calligraphie. Dans le texte, ça donne : recourir sur nous-mêmes… en empruntant à nous-mêmes via la BCT. Autonomie version tiroir-caisse.

Les incohérences ? Un feu d’artifice.

On veut lutter contre le blanchiment, mais on déverrouille la circulation du cash. On verdit la fiscalité (zéro droit pour l’électrique, cadeaux au solaire, batteries choyées) … puis on achète 300 bus thermiques pour les sociétés publiques. Et on bloque la généralisation des bornes : la Steg garde la prise, le pays garde le câble, et l’automobiliste garde sa voiture branchée… à rien.

Bilan : un budget qui respire par la perfusion, un investissement qui respire par le nez, et une écologie qui respire à l’échappement.

La Tunisie mérite un moteur. On lui offre un ventilateur branché sur la Banque centrale.

Et c’est peut-être ça, le vrai génie : faire tourner le vent et l’appeler politique.

Épisode 3 – Quand le cow-boy Trump rejoue le Far West au Venezuela

On croyait que les westerns s’étaient arrêtés à Hollywood. Raté.

Donald Trump vient de rallumer le feu des grands plaines — cette fois dans les Caraïbes tout proche du Venezuela.

Six bateaux pulvérisés depuis un mois, 27 morts, et pas l’ombre d’une preuve. Le dernier l’a été avant-hier, jeudi 16 octobre 2025. Le président américain, tout sourire, déclare qu’il s’agissait de narcotrafiquants. Comme ça, sans procès, sans juge, sans avocat. Juste un missile, et rideau.

Au XXIᵉ siècle, la justice made in USA se rend encore à coups de torpilles.

Officiellement, il ne fait pas la guerre. Il « nettoie ».

Et pour l’aider à passer le balai, la CIA est désormais autorisée à opérer au Venezuela. Le pays qui a déjà vu passer plus de coups d’État américains qu’il n’a de variétés de café.

On retrouve là l’Amérique qu’on aime tant : celle qui « sauve les peuples » en les bombardant.

Les ONG crient au scandale. Les démocrates s’indignent. Et Trump, lui, s’en fiche : il joue au shérif de Dieu, l’œil rivé sur les barils de pétrole.

Car derrière cette croisade contre les cartels se cache une vieille obsession : Maduro, l’autocrate qu’il faut déloger pour « libérer » un peuple et surtout libérer les gisements.

L’histoire bégaie : hier, c’étaient les « Indiens » massacrés au nom de la civilisation ; aujourd’hui, ce sont des marins sans procès au nom de la pureté morale.

Et pendant que les missiles sifflent, le Congrès roupille.

Aucune autorisation de guerre n’a été votée.

Mais le Sénat républicain a préféré faire semblant de ne rien entendre. Après tout, pourquoi s’embarrasser de Constitution quand on a des F-35 à Porto Rico ?

Le pire, c’est qu’il s’en croit investi d’une mission divine.

L’homme qui rêvait du Nobel de la paix rejoue John Wayne avec des drones.

Et si quelqu’un ose rappeler que le narcotrafic n’est pas passible de mort, il rétorque qu’il « contrôle la mer ».

Peut-être. Mais pas sa folie.

Car dans ce nouveau western, le cow-boy tire toujours le premier.

Et ce sont les fantômes du pétrole qui applaudissent.

Épisode 4 – Avec « The Velvet Sundown, » la musique n’a plus besoin d’humains

Je l’avoue : depuis trois jours, j’écoute le même groupe du matin au soir. Un son envoutant, des voix planantes, une harmonie quasi céleste.

Le nom ? « The Velvet Sundown », un groupe musical venu de je ne sais où. Trois millions d’auditeurs sur Spotify. Et moi, la quatrième.

Je m’imaginais déjà les musiciens : un claviériste mélancolique, un batteur scandinave aux yeux clairs, une chanteuse aux mèches blondes et à la voix de velours.

Eh bien non. Personne. Pas un humain.

Le groupe n’existe pas.

Juste une IA, bien nourrie, bien entraînée, qui compose des tubes à la chaîne sans jamais rater une note ni réclamer un cachet.

The Velvet Sundown, c’est la perfection sans fatigue, la créativité sans ego, la musique sans musiciens. Et l’industrie adore : pas de grève, pas de caprices, pas de contrats. Juste des serveurs et des clics.

Sauf que derrière cette mélodie sans fausse note, il y a une dissonance. L’IA a pompé des millions d’œuvres existantes sans payer le moindre droit. Les créateurs crient au vol, les majors négocient dans le vide et le chiffre d’affaires mondial de la musique enregistrée fond : à peine 54 % de ce qu’il était en 2002.

Et quand on leur parle d’éthique, les plateformes répondent : « ce n’est pas à nous de faire la police ».

Mais si plus personne ne compose, ne joue, ne rêve — qui restera pour écouter ?

Moi, peut-être.

Mais juste le temps que l’algorithme écrive aussi ma chronique.

À ce rythme, même la nostalgie sera générée artificiellement.

La seule chose vraiment humaine qui restera, c’est la naïveté de ceux qui appuient sur play en pensant encore écouter quelqu’un.

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Commentaire

  1. Fares

    18 octobre 2025 | 14h12

    Euphagie cellulaire: une cellule en manque de nutriments ou qui est soumise à un stress anormal commence à détruire ses propres protéines et à utiliser les acides aminés résultant de cette destruction pour synthétiser des protéines plus essentielles. L’euphagie est une solution temporaire qui ne peut durer éternellement. Après un certain temps un mécanisme interne déclenche l’autodestruction de cette cellule.

    Un pays qui consomme ses propres ressources sans produire de nouvelles richesses finira par s’autodétruire. Les marmites commenceront par chauffer un peu partout et spontanément. Au lieu d’un souffle social, les dictateurs auront du souffre social. La marmite ne dégagera pas de la vapeur d’eau, mais plutôt des gaz toxiques voire même cancérigènes. Un cancer social qui entrera en métastase pour entraîner la fin des régimes qui en sont la cause. C’est naturel, c’est universel, c’est inévitable: ول فاهم يفهم.