Le député à l’Assemblée des représentants du peuple, Maher Ketari, a estimé, mardi 21 octobre 2025, que le projet de Loi de finances pour 2026 ne propose que des mesures de court terme, « incapables de résoudre les problèmes structurels de l’économie tunisienne ».
Lors de son intervention dans la matinale de Express FM, le parlementaire a précisé que le Parlement avait reçu, depuis la veille, les dossiers budgétaires transmis par les différents ministères, à la suite du dépôt officiel du texte. Selon lui, le projet comporte « des solutions partielles et improvisées » comme l’augmentation ponctuelle de certaines taxes, sans vision d’ensemble. « On ne peut pas bâtir une politique économique sur des rustines. Il n’y a pas de stratégie à long terme ni de cap clair », a-t-il déploré.
Maher Ketari a ajouté que la commission des Finances devait entamer, ce mardi, l’examen détaillé du projet. Il a évoqué la possibilité de supprimer, de modifier ou de remplacer plusieurs articles, afin d’adapter le texte aux véritables priorités nationales.
Le député a par ailleurs rappelé que le rôle social de l’État devait être réaffirmé, estimant que les arbitrages budgétaires actuels ne reflétaient pas suffisamment cette dimension.
Enfin, il a souligné qu’au-delà de la loi de finances, le Parlement travaillait également sur une réforme du Code des changes datant de 1976, afin de l’adapter aux réalités économiques et numériques du 21ᵉ siècle. Cette réforme vise, selon lui, à faciliter les investissements, à soutenir les entreprises tunisiennes à l’international et à intégrer les nouvelles formes d’activités numériques, comme les plateformes de paiement et les cryptomonnaies.
Pour Maher Ketari, « moderniser la réglementation des changes est plus important encore que la loi de finances », car c’est cette réforme qui permettra « d’ouvrir les portes de l’investissement, d’attirer les capitaux de la diaspora et de créer de nouvelles opportunités pour la jeunesse tunisienne ».
Plusieurs économistes avaient exprimé leurs réserves sur le projet de loi de finances 2026, qu’ils jugent incohérent et dépourvu de vision claire.
Certains ont averti que les recrutements publics, la hausse des salaires et le financement direct par la Banque centrale risquaient d’accroître l’inflation, cette dernière n’ayant d’autre option que de relever ses taux d’intérêt.
D’autres estiment que la Banque centrale allait devenir en 2026 la principale source de financement de l’État, couvrant près d’un quart des dépenses prévues. Ils ont mis en garde contre le risque de transformer cette institution en une « Caisse de compensation », finançant salaires et recrutements sans contrainte budgétaire, et souligné un relâchement des réformes structurelles. Ils ont également évoqué un danger pour la conformité financière internationale, notamment à cause de l’article autorisant certains paiements en espèces.
Plusieurs observateurs ont aussi critiqué l’absence, dans le projet, d’hypothèses de croissance, de données sur le pétrole, le dinar ou l’exécution budgétaire, ce qui rend tout amendement difficile. Ils considèrent que le texte, censé inaugurer le plan de développement 2026-2030, manque de cohérence et de courage politique.
Tous partagent un constat commun : le projet de loi de finances 2026 parait flou, mal articulé et risque d’aggraver la dépendance au financement monétaire, sans apporter de réponses structurelles aux déséquilibres économiques du pays.
M.B.Z