Gabès : grève générale largement suivie et manifestation massive

La grève générale régionale observée, mardi 21 octobre 2025, dans le gouvernorat de Gabès, a été « réussie à 100 % », selon le président de la section régionale de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, Ahmed Chelbi. Intervenant sur les ondes de Jawhara FM, il a indiqué que tous les commerces, cafés et restaurants avaient fermé leurs portes, tandis que les chauffeurs de taxi ont organisé une action symbolique de soutien avant de reprendre le travail.

« De six heures du matin jusqu’à maintenant, tout est à l’arrêt. Pas une seule enseigne ouverte, pas un café, pas un restaurant », a-t-il affirmé, précisant que les établissements scolaires et universitaires étaient eux aussi restés fermés. « Gabès est unie. Comme nous l’avons dit dans notre communiqué : Gabès est une seule voix, et Gabès décide ». Ahmed Chelbi a salué la mobilisation de la société civile, des syndicats et des habitants, rappelant que ce mouvement s’inscrit dans un contexte de colère grandissante face à la pollution chronique causée par le Groupe chimique tunisien et à l’inaction des autorités.

Une large manifestation s’est également tenue devant le siège de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) à Gabès, où des milliers de citoyens (entre 40 et 45 mille) ont scandé des slogans réclamant un air sain et le démantèlement des unités polluantes. Les participants ont brandi des pancartes dénonçant les atteintes à la santé publique et appelé à une justice environnementale pour toute la région.

Le président de la section régionale de la Ligue a également évoqué les arrestations menées lors des récentes manifestations. Selon lui, la journée du 20 octobre a été « éprouvante pour les familles, les avocats et les défenseurs des droits humains ». 35 personnes ont été présentées devant le parquet : vingt ont bénéficié d’un classement sans suite, deux mineurs ont été déférés devant le juge de l’enfance et laissés en liberté, tandis que treize seront jugées en état de liberté.

Ahmed Chelbi a estimé que ces chiffres démontrent le caractère aléatoire et injustifié de nombreuses interpellations. « Certains ont été arrêtés alors qu’ils sortaient acheter à dîner, d’autres en rentrant du travail ou simplement en quittant leur domicile. Cela confirme le caractère arbitraire des arrestations du week-end », a-t-il déclaré, ajoutant que le parquet avait confirmé ces irrégularités.

Revenant sur la situation sanitaire des élèves victimes d’intoxication à cause des émissions toxiques du complexe chimique, Ahmed Chelbi a affirmé qu’aucun enfant n’était encore hospitalisé mais que plusieurs restaient gravement atteints. « Certains élèves souffrent de paralysie partielle des membres, et une jeune fille a perdu totalement l’usage de ses jambes », a-t-il précisé, ajoutant que la Ligue poursuit le suivi des cas.

S’exprimant enfin sur la plénière parlementaire consacrée à la crise de Gabès, Ahmed Chelbi a critiqué l’absence de la ministre de l’Industrie et du ministre de l’Environnement, qu’il considère comme directement responsables de la situation. « Le ministre de la Santé a parlé de construire un hôpital pour les maladies cancéreuses, c’est une reconnaissance implicite que la région est frappée par le cancer à cause de la pollution », a-t-il observé. Il a également dénoncé l’approche du ministre de l’Équipement, estimant que « réduire un drame pareil à une question de quinze mille dinars » n’était pas sérieux. « On ne résoudra pas cette crise par des approches sécuritaires ni en la confiant à un ministère sans lien avec la pollution », a-t-il conclu, appelant la cheffe du gouvernement et le président de la République à prendre des décisions concrètes et courageuses au lieu de simples slogans.

M.B.Z