Alors que les habitants de Gabès réclament depuis des semaines le démantèlement du Groupe chimique tunisien (GCT), accusé de polluer l’air et de mettre en danger la santé publique, le gouvernement poursuit le développement de l’entreprise, avec de nouvelles embauches et le maintien de ses activités. Cette dualité entre colère citoyenne et expansion du GCT illustre le paradoxe auquel fait face la région.
La députée Nourelhouda Sbaiti, élue sur la circonscription de Ghannouch – Metouia – Menzel El Habib – Oudhref, a annoncé la tenue, jeudi 23 octobre 2025, d’une réunion à la Direction générale du Groupe chimique tunisien (GCT) à Tunis pour examiner le recrutement de 1.600 agents et l’activation du concours de 2015. Selon Mme Sbaiti, 540 de ces postes seraient destinés à la région de Gabès.
Cette annonce survient dans un contexte de tension sociale et environnementale : depuis plusieurs semaines, les habitants de Gabès se plaignent d’émanations de gaz suffocantes provenant du GCT, touchant l’ensemble de la population. Les enfants ont été particulièrement affectés, notamment au collège de Chatt Essalem, qui a été plusieurs fois confronté à ces incidents. La protection civile a dû intervenir pour secourir les élèves touchés, dont certains se sont évanouis, et les transférés à l’hôpital pour recevoir les soins nécessaires.
La population a multiplié les manifestations, la plus récente ayant eu lieu lors de la grève générale régionale du 21 octobre 2025, où entre 40.000 et 45.000 citoyens se sont rassemblés devant le siège de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) à Gabès. Les manifestants ont réclamé un air sain, dénoncé les atteintes à la santé publique et appelé au démantèlement des unités polluantes.
L’annonce de nouvelles embauches dans cette entreprise est perçue comme un paradoxe cruel par les habitants, qui voient leur santé menacée par la pollution tout en constatant que l’État continue d’investir dans l’emploi au sein de structures responsables de cette crise. La colère et l’incompréhension restent donc vives dans la région.
I.N.
Commentaire
HatemC
Un mécanisme politique bien connu en Tunisie : celui des entreprises publiques utilisées comme amortisseur social, non comme moteur économique.
Comment justifier de nouveaux emplois dans une entreprise accusée d’empoisonner sa région, alors même que les habitants réclament sa restructuration — voire son démantèlement ?
Le GCT, comme beaucoup d’entreprises publiques tunisiennes, sert de soupape sociale, on y embauche pour calmer la rue, absorber le chômage local, et donner l’illusion d’un État “actif”.
Mais derrière ces chiffres, peu de travail réel :
– des emplois fictifs ou temporaires,
– des affectations sans mission claire,
– et une productivité en chute libre.
Pendant ce temps, la pollution continue, les finances s’effondrent, et la confiance s’érode.
Le gouvernement parle de “développement”, mais il entretient surtout une fiction économique : celle d’un système qui fait semblant d’agir alors qu’il se contente d’acheter la paix sociale.