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Kaïs Saïed fait entrer la GenZ en politique

Service IA, Business News

Par Maya Bouallégui

De Gabès à Carthage, la colère d’une jeunesse mondiale trouve un écho inattendu en Tunisie. En voulant la ridiculiser, Kaïs Saïed a offert à la GenZ tunisienne la plus belle publicité qu’elle pouvait espérer.

Depuis quelques semaines, la génération Z (appelée également GenZ), celle des jeunes nés entre 1997 et 2012, fait trembler les certitudes du pouvoir dans plusieurs pays.

En Belgique, des lycéens bloquent leurs écoles en solidarité avec la Palestine.

Au Maroc, la mort de huit femmes enceintes dans un hôpital d’Agadir a mis le feu aux poudres pendant des semaines.

Au Népal, la répression sanglante d’une manifestation a provoqué la chute du Premier ministre.

À Madagascar, les coupures d’eau et d’électricité ont suffi à déclencher un mouvement national qui a poussé le gouvernement à la démission, puis carrément à un coup d’État militaire.

Et au Pérou, cette semaine, les jeunes descendent dans la rue avec le drapeau pirate du manga One Piece (symbole de GenZ) pour dénoncer la corruption et l’injustice.

Partout, le même scénario : pas de partis, pas de leaders, pas de hiérarchie.

Une jeunesse interconnectée, qui s’organise sur TikTok, Discord et WhatsApp, revendique son autonomie et partage un mot d’ordre universel : « Le système ne fonctionne plus. »

Cette vague planétaire inquiète les régimes autoritaires. Et c’est précisément ce qui s’est joué, mardi, à Gabès.

Gabès, la peur change de camp

Le 21 octobre 2025, Gabès, la ville la plus polluée de Tunisie a vécu une journée historique.

Une grève générale massivement suivie et une marche rassemblant entre 40 et 45.000 personnes ont paralysé la région pour exiger la fermeture des unités du Groupe chimique tunisien.

Une foule disciplinée, rassemblant toutes les générations, a marché dans le calme, réclamant un droit élémentaire : respirer un air non toxique.

Mais la réponse présidentielle a été tout sauf rassurante.

Dans la nuit, à 1h44 du matin, Kaïs Saïed s’est exprimé dans un discours de huit minutes, confus, mystique et déroutant, où il a mêlé citations antiques, complots et allusions incomprises.

Il a rendu hommage aux habitants tout en les accusant d’être manipulés, a évoqué un mystérieux Farazdaq — poète du VIIᵉ siècle — et s’est aventuré dans des digressions invérifiables.

À Gabès, on attendait des décisions. À Carthage, on a eu des métaphores.

Le fossé est devenu abîme.

Le président et le mystérieux “mouvement Z”

Parmi les phrases énigmatiques du monologue présidentiel, une a particulièrement retenu l’attention : l’allusion au “mouvement Z”, puis à des mesures “de A à Zut”.

Une coïncidence apparente, mais lourde de sens.

En réalité, le président visait clairement cette génération Z qu’il accuse, sans la nommer, d’être manipulée par l’étranger.

Cette pique intervient au moment où les dizaines arrestations se multiplient parmi les jeunes — preuve que, pour le régime, la GenZ n’est plus un phénomène virtuel, mais une menace politique.

La réplique fulgurante de la Gen Z tunisienne

Quelques heures plus tard, une page Facebook jusque-là inconnue a saisi la perche présidentielle.

Sous le nom “جيل زي – GenZ Tunisie”, elle a publié un manifeste long et incendiaire, intitulé « Réponse du mouvement GenZ aux discours éculés du régime ».

Le texte s’ouvre par une phrase qui résume tout : « Ce communiqué est aussi long que notre souffrance. »

Dans un style d’une intensité rare, les jeunes auteurs répondent au président :

« Nous ne sommes pas une mode, mais la conscience vivante d’une nation qu’on tente d’asphyxier. »

Ils dénoncent les morts dans les stades, les prisons, les hôpitaux et les écoles qui « tuent la dignité avant de former les esprits ».

Ils accusent le pouvoir d’avoir confisqué la liberté, domestiqué la justice, muselé les médias.

Et concluent : « Nous sommes la génération Z — en arabe, la lettre du milieu, parce que nous voulons être au cœur du pays. En latin, la lettre de la fin, parce que nous voulons être la fin du régime. »

Un texte d’une force poétique et politique inédite, qui a immédiatement embrasé les réseaux sociaux.

En vingt-quatre heures, il a été partagé des centaines de fois et relayé par des figures publiques, transformant un groupe marginal en symbole générationnel.

L’ironie mordante de Haythem El Mekki

Le journaliste et chroniqueur Haythem El Mekki, fort de ses 225.000 abonnés, a relevé avec un humour acéré la contradiction du pouvoir.

Mercredi à 22h, il publie un post sur Facebook :  « Je n’ai pas bien compris cette histoire de “mouvement Z en lettres latines” dont parle le président. Il semble qu’il faisait référence à cette page : 1 Generation’Z. »

Et de poursuivre, pince-sans-rire : « Oui, une simple page Facebook avec 2.000 abonnés. Enfin… c’était hier (mardi NDLR). Aujourd’hui, après le discours de Sa Majesté, ils sont 4.000. Une croissance de 100 %. »

Sa publication intervient à peine quelques heures après la diffusion du manifeste de GenZ Tunisie, publié mercredi à 13h30. À ce moment-là, la page venait tout juste de doubler son audience. Mais le véritable effet d’amplification s’est produit pendant la nuit : ce jeudi à 10h, la page compte déjà 8.700 abonnés, d’après nos constats.

La moquerie de Haythem résume tout : en voulant ridiculiser un mouvement marginal, Kaïs Saïed lui a offert la plus belle publicité possible. En vingt-quatre heures, une page confidentielle s’est transformée en symbole viral, au point que ses fondateurs ont remercié ironiquement le président pour cette « publicité gratuite ».

Ainsi, le chef de l’État, qui voulait discréditer une génération, a fini par lui donner une visibilité nationale. 

Une génération que le pouvoir ne comprend plus

Ce qui s’est passé à Gabès dépasse la seule géographie tunisienne. La colère qui y a grondé résonne avec celle du Maroc, du Népal, de Madagascar ou du Pérou : partout, la génération Z se lève sans chefs, sans partis, sans structures hiérarchiques. C’est une génération horizontale, liquide, insaisissable — et c’est précisément ce qui terrifie les pouvoirs.

En Tunisie, le président Kaïs Saïed a cru la désamorcer en la caricaturant, parlant de « mouvement Z » avec la même désinvolture qu’il évoque les conspirations. Mais sa moquerie lui a échappé des mains : en désignant cette jeunesse comme une menace, il en a confirmé la force.

Pour autant, la page Facebook “GenZ Tunisie” — si virale soit-elle depuis mercredi — ne peut se prétendre porte-parole d’une génération entière. Elle a bénéficié d’un formidable coup de projecteur, mais la génération Z n’a pas de représentants officiels, ni de comité central, ni de voix unique. C’est une mosaïque mouvante, faite de frustrations, d’élans et d’instincts communs. Croire qu’une page, même sincère, puisse parler au nom de tous relève de l’illusion — voire d’une légère supercherie.

Car ce mouvement n’est pas organisé : il est organique. Il naît spontanément d’une injustice, se nourrit d’images partagées, de colères accumulées, puis se dissout avant de renaître ailleurs. Ce qui l’anime, ce n’est pas un programme, mais une intuition : le système ne fonctionne plus.

La Tunisie, comme d’autres pays, découvre ainsi qu’elle n’est pas coupée du monde. Les jeunes de Gabès partagent la même fatigue que ceux de Rabat, de Lima ou de Katmandou : celle de devoir sans cesse réclamer ce qui devrait être un droit — l’air pur, la justice, la dignité.

Mais là où le pouvoir voit une menace, il y a en réalité un signal : la société bouge, la jeunesse s’organise autrement, hors des cadres traditionnels. Kaïs Saïed, lui, continue de leur parler comme à des élèves insolents, convoquant des poètes oubliés et des ennemis imaginaires. Ce décalage n’est plus générationnel, il est civilisationnel.

Car la GenZ n’appartient à personne : ni aux partis, ni aux idéologues, ni aux gouvernants.

Et si elle dérange tant, c’est parce qu’elle ne demande plus la permission d’exister — ni d’espérer.

De Gabès à Katmandou, un même souffle se propage.

Et dans ce souffle, il y a cette certitude : les jeunes ne demandent plus la permission de respirer.

Maya Bouallégui

 

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Commentaire

  1. LOL

    23 octobre 2025 | 19h39

    Cet article est l’exemple parfait de la prétention, de l’ignorance, de l’aveuglement et de l’hubris de la génération Z. Ils n’ont rien accompli nulle part, à part des manifestations et des revendications que personne n’écoute. Ils écrivent des manifestes, comme s’ils allaient changer quelque chose dans un monde où ils ne connaissent rien et n’ont aucune expérience de vie.

    Vous parlez du Népal, mais vous omettez qu’au moins 72 personnes ont été tuées. Parmi elles, un enfant de 12 ans et au moins 19 jeunes étudiants. Au moins 34 manifestants sont morts de blessures par balle. Tout cela pour garder Facebook, Instagram, WhatsApp et YouTube. Le gouvernement a été renversé et aucune bonne option ne le remplace. L’économie est détruite et maintenant, ils vont vivre des décennies d’instabilité, exactement comme la Tunisie. Est-ce que ça en valait la peine ? Est-ce cela que vous appelez un succès ?

    La génération Z détruit et pense avoir la réponse à tout. Ils se prennent pour des génies, des incompris qui vont sauver le monde, le complexe de l’enfant-roi. Mais regardez les résultats, tout ce qu’ils touchent devient pire. Génération de losers par excellence, on n’est jamais tombé aussi bas!