Le vice-président de la Chambre nationale des promoteurs immobiliers, Jalel Mziou, s’est exprimé, jeudi 23 octobre 2025, sur les ondes d’Express FM, au micro d’Oussama Souiai dans l’émission Echerâa Ettounsi, au sujet de l’initiative présidentielle visant à réintroduire le mécanisme de location de logements sociaux avec option d’achat par le locataire, dite formule de location-vente.
Ce programme, lancé à l’initiative de la présidence de la République, prévoit que la Société nationale immobilière de Tunisie (Snit) puisse vendre des logements sociaux et que la Société de promotion des logements sociaux (Sprols) vende des logements aux salariés, soit via la vente directe avec facilités de paiement, soit à travers la location avec option d’achat.
S’il salue l’intention de faciliter l’accès au logement, Jalel Mziou alerte sur le manque de clarté du dispositif, les incertitudes financières et l’absence de concertation avec les professionnels du secteur.
« La démarche est bonne en soi, nous l’avons accueillie positivement comme orientation générale », a-t-il déclaré. Mais, selon lui, aucune précision n’a été communiquée sur la mise en œuvre concrète du programme : « Nous ne savons pas comment il sera appliqué, ni d’où viendra le financement. À ce stade, tout reste très flou ».
Le vice-président de la Chambre s’étonne également que les deux sociétés publiques concernées – la Snit et la Sprols – ne soient pas pleinement intégrées à la conception du projet.
« Ces deux institutions devraient être au cœur du mécanisme, or elles semblent en être écartées. »
Pour Mziou, le secteur public ne peut pas, à lui seul, répondre à la demande nationale en logement.
« La Snit construit à peine 400 logements par an. Comment pourrait-elle absorber une telle opération alors que la demande se compte en dizaines de milliers ? », s’est-il interrogé.
Il plaide pour une association effective du secteur privé, soulignant que les 3.000 promoteurs agréés en Tunisie disposent des capacités nécessaires :
« Ce que la Snit et la Sprols peuvent faire en vingt ans, nous pouvons le réaliser en cinq si les efforts sont conjoints. »
Autre sujet de préoccupation : le financement. Selon Mziou, le dispositif pourrait mobiliser les ressources du Fonds de promotion du logement pour les salariés (Foprolos), ce qui présenterait un risque sérieux.
« Ce sont les cotisations de tous les salariés tunisiens. Si on engage ces fonds dans un système mal étudié, c’est le Foprolos qui sera fragilisé », a-t-il mis en garde.
Il craint qu’en l’absence d’un cadre économique rigoureux, le projet ne se transforme en charge budgétaire insoutenable, notamment en cas de défauts de paiement de la part des bénéficiaires.
Jalel Mziou rappelle que la Chambre nationale des promoteurs immobiliers avait déjà présenté un plan de « logement pour tous les Tunisiens », fondé sur un taux d’intérêt fixe de 3% et une durée de remboursement pouvant atteindre quarante ans.
« Nous avons réalisé une étude complète, validée par un bureau d’études, et soumise à la présidence du gouvernement, au ministère de l’Équipement et à la Banque centrale. Elle permettrait de financer entre 4.000 et 8.000 logements par an, sans compromettre les fonds publics », a-t-il affirmé.
Il regrette que ce projet, économiquement viable et socialement ciblé, n’ait pas été pris en compte au profit d’une initiative jugée trop improvisée.
Mziou avertit également que la formule de location avec option d’achat comporte des risques d’impayés et des zones grises juridiques.
« Si le locataire cesse de payer après quelques années, que se passera-t-il ? L’État récupérera-t-il le logement ? Rien n’est clair pour l’instant », a-t-il souligné.
Il propose de segmenter le dispositif selon les catégories sociales :
« Pour les classes moyennes, un taux fixe de 3% serait acceptable. Pour les plus modestes, on peut envisager un taux de 0%. Mais il faut une approche globale et différenciée, pas une mesure unique. »
Enfin, le vice-président de la Chambre déplore le manque total de concertation avec les professionnels de l’immobilier : « Nous avons demandé à être associés à la conception du programme avant son lancement, mais nous n’avons reçu aucun retour. »
Il appelle à une collaboration entre l’État, le secteur privé et les organismes financiers pour éviter l’échec d’une mesure pourtant porteuse.
« Chaque immeuble fait travailler plus de 300 métiers. Soutenir la construction, c’est soutenir toute l’économie nationale », a-t-il conclu.
L’initiative présidentielle de location avec option d’achat, censée faciliter l’accès au logement social, suscite scepticisme et inquiétude parmi les promoteurs immobiliers. Flou sur les mécanismes, faiblesse des moyens publics, absence de concertation et risques financiers : pour Jalel Mziou, une bonne idée risque de tourner court sans réforme structurelle et vision globale du marché du logement.
En définitive, Jalel Mziou estime que le succès du programme dépendra de la capacité de l’État à ouvrir le chantier du logement à un partenariat public-privé réel, et non à se reposer uniquement sur des institutions publiques aux ressources limitées.
I.N.