Alors que le gouvernement se félicite d’un excédent budgétaire de 871 millions de dinars à fin août 2025, l’économiste Ridha Chkoundali y voit un trompe-l’œil. Pour lui, ce solde positif ne traduit pas une bonne santé financière, mais un ralentissement inquiétant de la dépense publique, notamment dans les secteurs sociaux et l’investissement.
Dans un post publié sur sa page Facebook le vendredi 24 octobre 2025, le professeur universitaire en économie a estimé que « cet excédent reflète un faible taux d’exécution du budget et une lenteur injustifiée dans la dépense sociale, surtout celle liée au soutien ». Une situation qui, selon lui, « donne l’impression d’un renversement du rôle social de l’État, pourtant présenté comme le principal slogan des Lois de finances 2024 et 2025 ».
Ridha Chkoundali rappelle que, sur les huit premiers mois de l’année, le taux d’exécution du budget devrait normalement atteindre environ 67% (huit mois sur douze). Or, sur un total de 59,8 milliards de dinars programmés dans la Loi de finances 2025, seulement 30,5 milliards ont été effectivement dépensés, soit 51,1%. Ce faible taux expliquerait, selon lui, « l’excédent théorique » présenté par le gouvernement, à comparer à un déficit de 718 millions de dinars enregistré à la même période en 2024.
Sur le plan des ressources, l’économiste note que l’État n’a pu réaliser normalement ses prévisions qu’en matière d’impôt sur le revenu, de droits de douane et de recettes issues des participations et entreprises publiques. En revanche, les recettes issues de la redevance gazière n’ont atteint que 136 millions de dinars sur un total programmé de 1,25 milliard, soit 11% seulement. Les ressources d’emprunt, elles, n’ont été mobilisées qu’à hauteur de 49,4%, l’État n’ayant collecté que 13,8 milliards de dinars sur les 28 milliards inscrits dans la Loi de finances.
Du côté des dépenses, l’État a respecté un haut niveau de remboursement de la dette, avec 78,5% des montants dus au titre du service de la dette extérieure (6,6 milliards sur 8,5 milliards) et 76,1% de la dette intérieure (7,4 milliards sur 9,7 milliards). Ridha Chkoundali relève cependant une « anomalie économique » dans une partie des chiffres officiels et souligne la concentration des paiements sur les charges financières, au détriment des dépenses sociales et d’investissement.
Le gouvernement a ainsi réglé 88,4% des compensations au transport, mais seulement 36,6% des dépenses de compensation global. Le soutien aux produits de base n’a atteint que 14,6%, soit 554 millions de dinars dépensés sur 3,8 milliards prévus. Quant au soutien aux hydrocarbures, il n’a été exécuté qu’à hauteur de 43,4%, soit 3,1 milliards sur 7,1 milliards.
L’économiste se montre particulièrement critique envers le rythme d’exécution des dépenses d’investissement public, limité à 44,1% (2,4 milliards dépensés sur 5,4 milliards programmés). « Cette faiblesse interroge la réalité du taux de croissance enregistré au deuxième trimestre 2025, lequel n’a bénéficié ni du moteur des exportations ni de celui de l’investissement privé. On pouvait espérer un appui de l’investissement public, mais il n’en a rien été », écrit-il.
Ridha Chkoundali en conclut que la croissance récente repose presque exclusivement sur la consommation privée, ce qui fragilise le modèle économique. Il met en garde contre des politiques fiscales et monétaires susceptibles de « freiner ce dernier moteur de l’activité ».
Pour l’universitaire, ces chiffres traduisent moins une réussite budgétaire qu’un déséquilibre structurel dans la gestion publique. Si l’État veut réellement restaurer son rôle économique et social, il doit, selon lui, accélérer l’exécution des dépenses productives et sociales, sans se contenter d’un excédent comptable qui masque les retards de mise en œuvre.

I.N.










