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Le pouvoir tunisien a mis Voltaire en prison

Par Sofiene Ben Hamida

Par Sofiene Ben Hamida

En 1960, le philosophe Jean-Paul Sartre avait signé une pétition affirmant le droit à l’insoumission durant la guerre d’Algérie. Face à la pression exercée sur lui pour faire arrêter Sartre, le général de Gaulle tranche en déclarant : « On n’emprisonne pas Voltaire. » C’était la réaction d’un chef militaire pendant la guerre, il y a soixante-cinq ans, face à ses détracteurs. Il avait la lucidité de comprendre que, dans une société, il existe des icônes et des repères qu’il faut préserver à tout prix, parce qu’ils nous renseignent sur l’état moral du pays et sa capacité à faire vivre le « vivre ensemble ».

L’ATFD, nouveau symbole muselé

Il y a quelques jours, le pouvoir actuel en Tunisie a décidé de mettre Voltaire en prison. Il a suspendu pour un mois les activités de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), l’un des repères de la société civile et un acteur incontournable du mouvement démocratique et associatif.

Les motifs invoqués pour cette suspension, qui pourrait être le prélude à une interdiction définitive, sont insignifiants et traduisent surtout l’aversion du pouvoir pour toutes les structures intermédiaires — surtout celles qui affichent clairement leur attachement à la démocratie et défendent avec courage les libertés individuelles et publiques.

Cette situation rappelle à s’y méprendre un épisode vécu par la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), lorsque le pouvoir de Ben Ali avait contraint la Ligue à suspendre ses activités pour ne pas se soumettre à une loi taillée sur mesure pour la domestiquer.

L’épisode avait duré de longs mois avant que le régime ne fasse marche arrière, sous la pression des militants, de la société civile et des organisations humanitaires internationales.

La centrale syndicale UGTT a elle aussi été dans la ligne de mire de tous les pouvoirs successifs, de Bourguiba à Kaïs Saïed, en passant par Ben Ali et la Troïka islamiste. Mais, comme dit l’adage, « qui s’y frotte s’y pique ». Toutes les tentatives ont échoué face à cette organisation, qui demeure un phare, un repère et une boussole dans le pays.

Voltaire, encore et toujours derrière les barreaux

L’avocat et ancien juge administratif Ahmed Souab est, lui aussi, un autre Voltaire que le pouvoir de Kaïs Saïed n’a pas hésité à emprisonner. Il y croupit depuis plus de six mois pour avoir utilisé un geste métaphorique pour décrire la situation de l’appareil judiciaire.

Ironie du sort, il y a quelques jours, le président de la République a lui-même eu recours à la métaphore pour fustiger ses détracteurs, sans que nul — pas même le ministère public — n’y trouve à redire.

D’autres figures emblématiques se trouvent actuellement en prison : Sonia Dahmani, Mourad Zghidi, Borhène Bsaïes, Abir Moussi, Salwa Ghrissa, Cherifa Riahi, Sadia Mosbah, Lotfi Mraïhi, Ayachi Zammel, Chadha Haj Mbarek, et bien d’autres.

Toutes ces personnes ont été visées parce qu’elles ont osé s’exprimer et agir différemment, alors que le pouvoir cherche à accaparer la parole, confisquer l’expression et uniformiser la pensée.

Quand la justice devient parodie

Dans l’affaire dite du complot, des dizaines de personnalités politiques risquent cette semaine des peines définitives lourdes dans un procès en appel qui tient davantage de la parodie de justice. Le principe même du procès équitable — un procès public, en présence des accusés — n’y est pas respecté.

On peut ne pas partager les idées ou les positions de ces personnalités politiques. Mais leur place, en tant qu’acteurs du débat public, n’est sûrement pas en prison. C’est même là un impératif fondamental de la démocratie.

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2 commentaires

  1. Fares

    26 octobre 2025 | 21h05

    La situation en Tunisie est devenue plus loufoque que le Benny Hill show. Le pays des béni hillel met sa conscience vivante en prison et laisse des comiques mener la danse. Ces comiques n’ont qu’une obsession le pouvoir et rien que le pouvoir. Régner pour régner sans en avoir les compétences nécessaires que ça soit dans un département de droit ou un syndic d’un immeuble au quartier Ennasr. Pourquoi on laisse faire?

  2. zaghouan2040

    26 octobre 2025 | 19h24

    Voltaire est certes un symbole un principe universel
    Mais la raison et l’intellect la Civilisation des Lumières ne peuvent absolument rien contre les mentalités bédouines qui ont plongé ce pauvre pays dans l’imbécilité sadique l’égoïsme aveugle la lâcheté individuelle et collective la fainéantise et le mépris du Droit

    Qu’on le veuille ou pas Voltaire c’est parfait pour les sauvages;et d’ailleurs ils ont bouffé le pauvre Rousseau

    Il paraît qu’il était d’une saveur exquise tant il était pétri de bonnes intentions