La membre du Front de salut national et accusée dans le cadre de l’affaire de complot, Chayma Issa, a dénoncé, lundi 27 octobre 2025, les conditions dans lesquelles devait se dérouler le procès en appel, prévu ce matin. Elle a réclamé « une audience présentielle et publique », affirmant : « Si nous sommes des criminels avérés, que tout le monde le sache et l’entende, et nous en assumerons la responsabilité ».
« Aujourd’hui, ils tentent de nous intimider, de nous priver de notre liberté par le chantage et la peur », a-t-elle déclaré avec émotion. Condamnée à 18 ans de prison en première instance, elle a confié avoir espéré pouvoir s’exprimer enfin devant le juge à l’occasion de l’audience d’appel. « J’avais espoir que le juge m’entende, qu’il me demande au moins comment je m’appelle, quel âge j’ai et où j’habite. Le juge ne m’a jamais parlé, même pas dit bonjour. J’ai été condamnée à dix-huit ans de prison sans jamais avoir dit deux mots », a-t-elle ajouté.
Chayma Issa a tenu à « mettre les Tunisiens à témoin » de ce qu’elle qualifie de « violations qui n’ont d’autre but que de museler les voix libres ».
L’audience d’appel, initialement prévue ce lundi, a finalement été reportée au 17 novembre 2025. Les avocats de la défense ont exigé que la prochaine séance se tienne en présence physique des accusés, dénonçant le caractère « arbitraire » du procès à distance.
La matinée a été marquée par une forte tension devant le tribunal : les familles des détenus et les journalistes ont été empêchés d’accéder à la salle d’audience, tandis que les avocats n’ont pu y entrer qu’après 9h, après une longue attente. Cette situation a suscité l’indignation des proches et des observateurs, qui y voient une atteinte au principe de publicité des débats.
Le comité de défense des dirigeants politiques détenus a, à plusieurs reprises, alerté sur les irrégularités procédurales entachant le dossier. Il rappelle que la date de l’audience d’appel n’a été inscrite au registre que le vendredi 24 octobre à 14h, ce qui a empêché les avocats d’en informer leurs clients détenus.
Selon le comité, ces pratiques traduisent « une volonté de persister dans la fuite en avant » et de reproduire les violations constatées en première instance : absence des prévenus, restrictions imposées aux familles et aux journalistes, atteintes aux droits de la défense.
L’avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek a annoncé que le bâtonnier, Boubaker Bethabet, avait informé le tribunal de la décision de ne déposer aucune déclaration de représentation tant que les irrégularités procédurales ne seraient pas corrigées.
Lors d’une conférence de presse tenue samedi, la coalition des familles des détenus politiques avait déjà dénoncé la décision d’organiser le procès à distance. Me Ben Mbarek Msaddek avait rappelé que ce dispositif, instauré durant la pandémie de Covid-19, n’avait été conçu que pour des raisons sanitaires. Elle avait jugé « absurde » son application à une affaire politique, soulignant que même des terroristes avaient comparu en présentiel sans incident. L’avocate avait également dénoncé les conditions d’instruction, précisant que les détenus n’ont rencontré le juge qu’une seule fois et n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer depuis.
M.B.Z












