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Tout homme qui doit dire « je suis le roi » n’est pas un vrai roi

Par Marouen Achouri

Les fans de la série à succès Game of Thrones reconnaîtront certainement la citation de l’un de ses principaux personnages, Tywin Lannister, qui disait : « Tout homme qui doit dire « je suis le roi » n’est pas un vrai roi ». Une citation qui rappelle que lorsqu’on est sûr de son bon droit, de sa politique et de ses visées, nul besoin de trembler comme une feuille à la moindre pseudo-menace.

Quand le roi tremble devant ses sujets

Ce principe s’applique au régime tunisien qui s’acharne, ces dernières semaines, à geler l’activité de plusieurs associations renommées, à l’instar de l’Association des femmes démocrates, du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux ou de l’association Mnemty, dont la présidente, Saadia Mosbah, croupit injustement en prison depuis plusieurs mois. Les défenseurs du régime et ses thuriféraires invoquent la sacro-sainte souveraineté nationale sous le couvert du « financement étranger », synonyme pour eux de déstabilisation, d’ingérence et d’intrigue. Un régime sûr de sa politique, de sa vision et de sa popularité ne devrait pas trembler devant quelques associations ni se lancer dans des mesures coercitives, surtout lorsque toute la manœuvre a pour principal objectif de faire diversion par rapport à ce qui se passe à Gabès.

Car, à l’instar de tous les régimes précédents, sans exception, les contestations populaires à Gabès ont été salies par les porte-paroles du régime, qui ont évoqué des financements étrangers et ressorti la carte Georges Soros, sans apporter le moindre début de preuve, évidemment. Donc, tout régime qui se retrouve à proclamer régulièrement sa souveraineté est en fait un régime tremblotant et hésitant.

Associations sous contrôle : la proie idéale

Il faut dire également que les associations sont des proies faciles pour le régime quand il décide de déployer toute sa force. Des dizaines d’entre elles sont, depuis des mois, sous le coup de contrôles divers et de vérifications en tout genre, y compris celles avec lesquelles le gouvernement collabore sur d’autres sujets et projets. D’un autre côté, toute une cabale a été montée par des proches du pouvoir pour diaboliser les associations et les accuser de tous les maux de la Tunisie. Faute de solutions et de propositions, il paraît plus facile de chercher des coupables, et dans cette logique, les associations ont le profil idéal.

Certaines associations ont eu, par le passé, un rôle suspect et ont joué d’une influence dopée au dollar et à l’euro. Toutes les associations ne sont pas angéliques et ne se concentrent pas uniquement sur le bien-être commun. Toutefois, toutes les associations ne sont pas des organes maléfiques dont le seul objectif est de déstabiliser le pays. La majorité des associations en Tunisie n’opèrent pas du tout dans le champ politique, ni même dans celui relatif aux droits et aux libertés. Il est vrai qu’elles arrivent à capter des financements étrangers, et cela fait partie de leur travail, mais c’est pour les réinjecter de manière saine en Tunisie.

La société civile, miroir d’un État absent

Et puis, ce n’est certainement pas l’État tunisien qui donnera des leçons en matière de financement étranger, puisque lui-même y a recours. Selon le projet de loi de finances 2026, la Tunisie toquera encore à la porte de l’Afreximbank cette année ; les puristes peuvent se référer à l’analyse de l’expert Sadok Rouai concernant les précédents prêts. Outre cet aspect, il faut avouer que les associations en Tunisie font un travail remarquable, particulièrement pour suppléer l’État. L’exemple le plus parlant est sans doute celui de l’ATFD, qui vient en aide aux femmes victimes de violence, leur offre un abri, une protection et un accompagnement pour la suite. Aujourd’hui, cela n’est plus possible, au moins pendant 30 jours, puisque l’État a décidé de geler l’activité de l’association. Est-il capable de remplir le rôle assuré pendant des décennies par l’association ? Les doutes sont largement permis.

D’autres associations, comme Al Bawsala, ont fait un travail important de vulgarisation et de familiarisation au travail parlementaire et à l’exercice démocratique dans son ensemble.

Ce qui est certain, c’est qu’une démocratie ne peut pas exister sans le contrepouvoir que représente la société civile dans son ensemble. Il est inconcevable de se mettre à évincer les associations juste parce qu’elles sont critiques envers les politiques et les orientations du pouvoir en place. Il est également inconcevable de balancer à une populace revancharde et ignorante l’accusation de financement étranger, tout en sachant que rien, dans la loi, ne l’interdit — pire, l’État lui-même y a recours.

Un régime fort ne tremble pas devant les contestations ni devant les critiques. Au contraire, un vrai régime démocratique écoute les doléances et explique sa démarche, fut-elle impopulaire. En l’absence de ce b.a.-ba démocratique, place à la répression et à l’outil policier et judiciaire. C’est la méthode de ceux qui doivent rappeler qui est le roi.

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