Une vidéo d’un citoyen tunisien, filmé dans la rue, a enflammé les réseaux sociaux au cours des derniers jours. Dans ce court témoignage, cet homme d’une soixantaine d’années livre, avec un franc-parler rare, un constat amer sur la situation économique et sociale du pays. Son discours, empreint de désespoir mais d’une lucidité saisissante, a touché des milliers d’internautes qui y ont reconnu la voix d’un peuple à bout.
« La situation que vit aujourd’hui le peuple tunisien est absolument inédite. C’est la première fois, en plus de soixante ans de vie, que je ressens une telle détresse, un tel manque d’espoir et une telle difficulté à vivre. Les prix sont exorbitants, les produits de consommation sont rares, les médicaments manquent, les services sont mauvais – qu’ils soient publics ou privés. Que Dieu nous vienne en aide, c’est tout ce qu’on peut souhaiter », a-t-il affirmé.
Face caméra, le citoyen poursuit : « Quand on parle comme ça, certains disent : “tu exagères, tu es trop pessimiste”. Mais non, c’est la réalité ». « Je reviens à peine du marché central : à cause de la flambée des prix, je repars les mains vides, les poches vides. C’est devenu impossible pour un citoyen ordinaire ». « Les prix des légumes, des fruits, du poisson sont inabordables. Je mets quiconque au défi de trouver un Tunisien capable d’acheter un kilo de viande. On mange du poulet, mais c’est ce poulet qui nous rend malades, qui nous empoisonne. Nous n’avons que Dieu ».
Dénonçant l’absence de solutions concrètes, il ajoute : « Et personne, absolument personne, ne se préoccupe sérieusement de la situation économique et sociale du citoyen tunisien ». « Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que, d’abord, les choix de l’État sont mauvais. Parce qu’on ne pense pas à produire localement. Parce que l’État est incapable d’assurer le minimum vital à ses citoyens. Parce que les finances publiques sont à bout de souffle. Parce qu’on a abandonné notre rôle dans l’agriculture, dans l’économie, dans la production ».
L’homme accuse une gestion défaillante : « L’agriculture n’a plus de moyens, plus de carburant, plus de ressources. Alors, pourquoi les prix sont-ils si élevés ? Parce que tout repose sur un État impuissant. Ne me parlez pas de spéculation ! Ce n’est pas le problème. Le vrai problème, c’est que l’État est incapable de garantir le minimum. Vous me dites : “il y a des spéculateurs” ? Très bien, puisque le pouvoir est entre les mains de l’État, que le président détient tous les leviers, qu’il nous montre donc ces spéculateurs ! Qu’on les arrête, qu’on les expose ! Depuis des années, on parle de lutter contre la corruption et contre les monopoles, mais où sont-ils ? Où sont les corrompus ? Où sont les contrebandiers ? Tout cela n’est que discours creux ».
Il poursuit, amer : « La vérité, c’est que l’État est financièrement incapable d’importer ou de fournir les produits de base. Pourquoi ? Parce qu’il y a une mauvaise gouvernance, une mauvaise gestion, et des gouvernements successifs sans vision, sans stratégie, sans compétences. Les responsables sont prisonniers d’un système qui ne laisse aucune place à la réflexion créative ni aux solutions concrètes. On met à la tête des institutions des gens incapables, qui étouffent la société. Et c’est pour ça que le peuple est dans la rue ».
« Quand un citoyen voit cette situation, il se demande : avons-nous des compétences ou non ? Oui, nous avons des compétences, mais elles ne sont pas reconnues par le pouvoir actuel – ni d’ailleurs par la plupart des gouvernements depuis la révolution ». « Avant, les dirigeants n’étaient peut-être pas des génies, mais ils savaient s’entourer de gens compétents. Aujourd’hui, on a affaire à des responsables gonflés d’ego, persuadés de tout savoir, et c’est ce qui nous conduit à pire encore ».
Abordant les slogans officiels, il lâche : « Certains disent que le pays va dans la bonne direction, dans la lutte contre la corruption. Je dis que ce slogan est vide de sens, hypocrite ! C’est un slogan de faibles. Qu’avez-vous accompli concrètement ? Quand je verrai des réalisations, je croirai. Pas quand on m’annonce des inaugurations de projets à la place Barcelone ! Moi, j’ai besoin de manger, de boire, de nourrir mes enfants, de soigner ma mère, de me déplacer dans des transports dignes. Allez voir l’état des bus ou du métro ! C’est une honte ».
Puis, le ton devient plus triste : « Je suis triste, profondément triste pour mon pays. Nous avons épuisé nos âmes. Il y a des mafias, des clans, des lobbys, tout cela existe depuis la révolution. Et on nous répète qu’il y a des gens qui bloquent le pays ! Non ! Ce sont des excuses, des mensonges. Quand quelqu’un bloque un projet, on doit le combattre par la loi, pas s’en servir comme prétexte à l’inaction ».
« On nous parle d’État profond. Mais c’est quoi, cet État profond ? Les administrations ? Les fonctionnaires ? Ce sont les mêmes dans tous les régimes. Et même avec leurs défauts, les États précédents faisaient mieux que celui-ci. L’État de l’indépendance, malgré ses erreurs, réalisait davantage. Nous vivions mieux qu’aujourd’hui ».
« La Tunisie est un pays de ressources. Alors pourquoi n’atteignons-nous pas l’autosuffisance ? Pourquoi n’avons-nous pas de travail ? Nous voulons travailler, apprendre, progresser, vivre dignement. Mais nous sommes devenus un peuple qui se ment à lui-même. Tout repose sur un changement du mode de pensée de la société. Notre système éducatif n’avance plus. Je suis enseignant, et je le dis : on n’apporte rien de nouveau, on ne forme plus des générations capables de penser ou de construire. Un jour viendra où il n’y aura plus personne pour planter un clou ou réparer une ampoule, parce qu’on a marginalisé l’école, la société et les compétences ».
Enfin, il déplore : « Nous sommes un peuple qui, même envers ses riches, nourrit la haine. Quand quelqu’un réussit, on l’accuse d’avoir volé. Quand il entreprend, on le traite de mafieux. Ce n’est pas ainsi qu’on gère un pays. Un État se construit avec l’ouverture, le travail, les réalisations et l’unité nationale. On ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac, diaboliser tout le monde, criminaliser tout le monde. Dans ce pays, il y a du bon et du mauvais, mille fleurs différentes, et il faut apprendre à vivre ensemble ».
Et de conclure, avec amertume : « Arrêtons de chercher des boucs émissaires. Le problème n’est pas dans la spéculation : les marchés sont pleins de produits, c’est juste que les citoyens n’ont plus les moyens d’acheter ».
Sur les réseaux, la vidéo a suscité un flot de réactions. Beaucoup d’internautes ont salué le courage et la sincérité du citoyen, estimant qu’il « a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas ». D’autres ont souligné la gravité du désespoir qui transparaît dans ses mots, symbole d’une société à bout de souffle.
M.B.Z











5 commentaires
zaghouan2040
Le témoignage est poignant et décrit de manière frappante et exacte l’état de détresse dans lequel tout un peuple est tombé
LOL
Il a raison, et c’est très triste.
Le problème, à la source, c’est la haine.
La haine des pays développés, c’est ce qui a fait que le Président a complètement isolé la Tunisie. Son arrogance a plongé le pays dans le gouffre.
C’est encore la haine et la prétention tunisienne qui détruisent le pays.
La haine des étrangers et de l’Occident, des Subsahariens, des femmes, des non-musulmans, des « trop » musulmans, des athées, des juifs, des chrétiens, des gays, des riches, des hommes d’affaires, des politiciens, des ONG… c’est sans arrêt en Tunisie.
Ce n’est pas qu’au niveau de l’État : les individus sont pleins de haine viscérale.
Peut-être que c’est un reproche interne qu’ils ont envers eux-mêmes et leurs échecs, mais c’est un cercle vicieux : plus il y a de haine, plus il y a d’échecs… et plus il y a d’échecs, plus il y a de haine.
Tout le monde joue la victime et blâme « l’autre » pour ses malheurs. C’est toujours la faute de quelqu’un d’autre, ou de l’État, ou de quelque groupe avec un soi-disant « complot ».
Plus personne n’a le sens des responsabilités.
Le plus beau jour de ma vie, c’est quand j’ai pris toute ma famille et que nous avons quitté cette terre maudite et cette mentalité de victime.
La Tunisie que j’adorais n’existe plus ; cette nouvelle Tunisie est un cauchemar.
abdelfg.2011
10 /10. ON NE PEUT PAS DIRE MIEUX !!!!!!!
TOUAGUINE MED B. ALI
Mais il n’a pas dit la vérité ou la raison qui été a cause ? On pose est ce que durant la période de l’ancien Président Ben Ali Z.E le Souwahli la situation été pareille ? je regrette mais hélas la cause c’est bien la révolution créé non pas pour l’intérêt du citoyen Tunisien mais un autre but c’est pour détruire le système de Moumar Kadhafi . Par mes respects cette révolution a été fondée sur la jalousie envers Lalla Leila Trablsy et ses frères qui ont participé à l’économie Tunisienne il y a certains qu’ils ont les détestes pour leur origine ( Lybien ) mais ce qui suprenons le sensé inverse qui se passe à la Libye où les Tunisiens sont les plus avantageux et prioritaire dans l’emploie . Vraiment il faut des pecialustesben sociologie pour faire une étude sur cette révolution qui avait apporté que la misère à la société Tunisienne.
Citoyen_H
TRÈS BIEN VU. IL N’Y A PAS PHOTO. C’EST LA SEULE ET UNIQUE CAUSE DE CE TOUT CE QU’ON VIT DEPUIS PRESQUE 15 ANS !
3je regrette mais hélas la cause c’est bien la révolution créé non pas pour l’intérêt du citoyen Tunisien »