Le ministre des voyages à l’étranger aux frais de la communauté a annoncé, sans rougir, lors d’une récente réunion africaine de haut niveau, que la Tunisie est engagée à respecter les droits de l’Homme. On n’a pas entendu de sarcasmes ou de railleries étouffées dans la salle. Sans être crédule, l’auditoire était composé de responsables, diplomates et bienveillants. Mais la réalité du terrain est tout autre. En voici quelques exemples.
Simulacre de justice
Ce qui s’est passé dans le procès de Ahmed Souab n’est pas une injustice. C’est un non-sens et un simulacre de justice. Pour la première fois de l’histoire de la magistrature tunisienne, un avocat est arrêté dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, mis en prison et condamné à cinq ans de prison avec trois années de contrôle judiciaire, sans pouvoir assister à son procès et sans que ses avocats aient la possibilité de plaider. En définitive, l’avocat et ancien magistrat Ahmed Souab a été condamné sans jamais être jugé. En définitive aussi, le condamné dans cette drôlerie judiciaire a reçu des soutiens de toute part, le rendant l’un des personnages les plus populaires et les plus sympathiques du pays. Ceux qui ont prononcé le jugement, comme ceux qui l’ont soufflé, n’auront, tôt ou tard, que leur honte comme sacerdoce à porter et leurs remords à digérer.
La chasse aux associations
La chasse aux sorcières contre les organisations et les associations de la société civile est une autre vague de non-sens qui continue de déferler sur le pays. Après l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), c’était le tour, cette semaine, du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et du site d’investigation Nawaat d’être suspendus pour un mois, pour les mêmes motifs saugrenus de financement étranger. Il faut rappeler que le financement étranger n’est pas interdit par la loi sur les associations et que plusieurs projets gérés par des organismes ministériels, comme ceux qui sont gérés par les associations de la société civile, sont financés par des dons dans le cadre de la coopération étrangère. Il faut préciser aussi que ces financements étrangers ne se font pas dans des sacs-poubelles, mais transitent en toute transparence par la Banque centrale, qui dispose de tous les moyens pour contrôler les mouvements d’argent.
L’objectif de cette chasse aux sorcières semble donc loin du souci de transparence au sein du gouvernement et de sa volonté de combattre le blanchiment d’argent. Ce qui paraît plus concordant avec cette frénésie délirante, c’est la volonté du pouvoir en place d’installer un climat de suspicion et de peur qui faciliterait sa mainmise sur la société et de préparer le terrain à la réalisation de l’un de ses objectifs majeurs — à en croire les campagnes de ses alliés sur les réseaux sociaux —, qui est l’élimination du paysage du mastodonte syndicaliste.
Seulement, quand bien même le pouvoir en place persisterait dans cette politique de va-t-en-guerre contre les partis politiques et toutes les autres structures intermédiaires de la société, il n’en demeure pas moins qu’il existe quelques aspects désormais incontournables de la réalité tunisienne. En effet, tous doivent se rendre à l’évidence que le pays a bel et bien fait sa révolution un certain 14 janvier 2011. Cette révolution est tellement profonde qu’elle a modifié la structure du pouvoir, mais surtout remodelé les esprits. Aujourd’hui, il n’existe aucune possibilité de retour en arrière, vers un pouvoir autoritaire ou vers une dictature. Les nouvelles générations, celles de la révolution, ne se laisseront pas dépouiller de leur liberté, ni de leurs voix assourdissantes quand elles réclament leurs droits. Elles l’ont montré à maintes reprises depuis quinze ans. Elles l’ont montré avec la même force récemment à Gabès.











2 commentaires
zaghouan2040
Personne n’est dupe désormais
Le monde entier et la majorité de la population tunisienne savent que ce pays n’est plus un État de Droit depuis des années
Et d’ailleurs la Tunisie a t’elle été un véritable État de Droit a un quelconque moment de son histoire ??
Le résultat concret et immédiat est l’aggravation de notre isolement de notre marginalisation extrêmement dangereuse par rapport aux dynamiques d’innovation de compétitivité et de développement durable
Le régime Saed est en définitive extrêmement toxique pour l’avenir de ce pays et la plupart des Tunisiens sont incapables de mesurer a quel point
Mustapha Stambouli
Cette analyse est effectivement d’une grande pertinence, en ce qu’elle révèle des aspects visibles et concrets de la situation actuelle. Cependant, il est essentiel de prendre en compte que les véritables répercussions de l’affaire Ahmed Souab ne se limitent pas seulement à l’événement en soi, mais s’inscrivent dans un contexte plus vaste, où les effets à long terme sur les aspirations et les perceptions des Tunisiens semblent être tout aussi déterminants. À travers ce procès, c’est aussi une certaine dynamique de société qui se dessine, une réflexion plus profonde sur la justice, la liberté d’expression et la place de l’individu dans un environnement en perpétuelle mutation. C’est là que se situe, peut-être, le véritable enjeu : la façon dont cette affaire, et ses répercussions, façonnent les perceptions collectives et influencent la direction que prendra la société tunisienne dans les années à venir. Mustapha STAMBOULI