C’est aujourd’hui, 5 novembre 2025, que la cheffe du gouvernement, Sarra Zaâfrani Zenzri, s’est adressée aux représentants du peuple pour présenter le projet de Loi de finances 2026. Pour la première fois, nous avons entendu la locataire de la Kasbah s’adresser à l’opinion publique pour éclaircir, un tant soit peu, la brume qui entoure les politiques publiques futures, et il faut dire que nous n’avons pas été déçus.
Nous n’avons pas été déçus, tant le discours n’est pas sorti du cadre établi par un projet de Loi de finances classique, décevant, purement technique et à visée simplement comptable. Pourtant, le projet de Loi de finances 2026 s’inscrit dans le plan de développement 2026-2030, ce que Mme Zaâfrani n’a pas manqué de souligner. Ce projet de Loi de finances devait donc amener une nouvelle vision tout en mettant en place les mesures fortes nécessaires au changement de paradigme tant espéré. Il n’en fut rien, ni au niveau du texte, ni au niveau du discours.
Où le discours s’égare dans les chiffres et les slogans
Un enchaînement de chiffres, de vœux pieux et de déclarations d’intention qui ne trouvent pas forcément de traduction dans les mesures prévues par le projet de loi. Au niveau des slogans, on parle, par exemple, de « compter sur soi ». Pourtant, l’endettement extérieur existe encore, à des conditions discutables, et l’on compte emprunter 11 milliards de dinars auprès de la Banque centrale pour la troisième année consécutive. On parle du « rôle social de l’État », alors que les rapports d’exécution des budgets précédents montrent clairement que les dépenses prévues n’ont pas été concrétisées — comme, par exemple, pour la subvention des produits de base. On parle d’encourager les PME et les entreprises, mais on applique une pression fiscale sans précédent tout en évitant de s’attaquer au commerce parallèle, puisque le coût social serait trop cher à payer.
Au final, comme chaque année, l’État accumule des recettes fiscales — en augmentation, d’ailleurs — pour continuer à financer des entreprises publiques défaillantes, élevées au rang de dogme intouchable, pour continuer à financer un système de subvention totalement défaillant de l’aveu de tous, et pour financer des lubies comme les entreprises communautaires, qui n’ont toujours rien produit de concret.
Les députés en quête d’un rôle politique
De l’autre côté, les élus de la République auront l’occasion de s’illustrer par des envolées lyriques et des critiques dirigées envers le gouvernement et ce qu’il propose. Les députés auront à cœur de critiquer, parfois sévèrement, la cheffe du gouvernement et sa politique, principalement parce qu’ils estiment qu’elle les a suffisamment snobés. La relation entre les élus et le gouvernement n’est pas au beau fixe, puisque ce dernier estime ne pas avoir de comptes à rendre à la représentation nationale.
Pour les députés, mis à la marge des centres de décision, il devient intenable de jouer le rôle de chambre d’enregistrement du gouvernement — même s’ils tolèrent tout à fait ce même rôle lorsqu’il s’agit du président de la République. Par conséquent, la tribune de la discussion du projet de loi de finances est bien trop tentante pour ne pas l’exploiter dans le but de critiquer la politique du gouvernement. Toutefois, cela va imposer une gymnastique pas évidente aux élus de la République : comment dissocier le président de la République, pourtant constitutionnellement décideur des grandes lignes de la politique de l’État, de l’insatisfaction qui entoure le rendement gouvernemental ?
Les élus vont certainement parler de dette, d’investissement, de fiscalité, d’emploi et d’autres sujets. Certains députés auront même des interventions pertinentes et des idées novatrices. Mais il faut bien avouer que leur marge de manœuvre et le pouvoir dont ils disposent pour apporter des changements profonds au projet de loi de finances restent très limités. Tout cela sans même prendre en considération la contrainte, non négligeable, du temps. Ils auront beau discourir pendant des heures, l’objectif sera bien plus de tracer les lignes d’un positionnement politique que de changer profondément la démarche gouvernementale. Au mieux, nous verrons quelques propositions prises en considération, ensuite présentées comme des réalisations — comme ce fut le cas pour les FCR l’année dernière.
Un ballet institutionnel sans surprise
En résumé, un grand ballet débute aujourd’hui, qui ne changera pas grand-chose au projet, très limité, présenté par le gouvernement. Ce dernier aura un mauvais quart d’heure à passer devant les députés, mais il finira par exécuter ce qu’il aura décidé. Les élus devront donner le change en exprimant, autant que faire se peut, une sorte d’insatisfaction populaire et en jouant leurs pions si jamais un remaniement se profile. De l’autre côté, le président de la République continue à produire des slogans populistes dont l’exécution reste toute relative.
Chacun jouera son rôle dans ce ballet, mais finalement, le conservatisme demeure : le projet de loi est similaire à ce qui a été produit depuis des dizaines d’années, et ceux qui espèrent une relance de l’économie et une amélioration du pouvoir d’achat devront encore attendre. Pour l’instant, on continue de parler et de discourir.










