L’Ordre national des avocats de Tunisie a tenu, lundi 10 novembre 2025, à la salle Chokri Belaïd, une session générale d’information consacrée au thème : « le rôle de l’avocat dans les procédures de justice pénale pour un procès équitable ». L’assemblée, convoquée par le bâtonnier Boubaker Bethabet, visait à débattre des carences du système judiciaire et des moyens de garantir les droits fondamentaux.
La convocation a suscité des réserves : plusieurs avocats se sont dits mécontents du choix de la date, un lundi, qui a empêché nombre d’entre eux d’être présents en raison d’engagements professionnels. Malgré ces absences, l’assemblée a rassemblé de nombreux confrères et donné lieu à des interventions vives et percutantes.
Le bâtonnier Boubaker Bethabet a rappelé dans son intervention l’exigence du minimum d’un procès équitable et en dénonçant les vides et dysfonctionnements qui minent l’indépendance judiciaire. Il a insisté sur la nécessité de garanties pour les magistrats et sur l’impact des postes vacants et des nominations problématiques : « Le minimum d’un procès équitable exige des garanties pour les juges, c’est une nécessité sérieuse. Nous ne pouvons pas accepter les postes vacants et les dysfonctionnements dans la nomination des juges. »
Il a souligné que ces problèmes « concernent directement notre travail et les droits que nous défendons » et appelé la profession à suivre de près ces dérives pour protéger la sécurité juridique.
L’avocat Nafaâ Laribi a dénoncé, dans son intervention, des pratiques qui, selon lui, mettent les avocats en position de complicité plutôt que de défense : « Aujourd’hui, nous, les avocats, sommes dans une situation où nous participons à l’établissement d’une injustice et non à la justice. »
Me. Laribi a détaillé des exemples concrets d’irrégularités — décisions non motivées, absence d’autorité judiciaire légitime dans certaines chambres, pratiques procédurales contraires au droit — et appelé à la création d’un observatoire chargé de recenser et d’agir face aux violations du droit à un procès équitable : « Avant tout, la question du procès équitable concerne les citoyens. Nous devons créer un mécanisme pour consigner toutes ces violations et agir en conséquence. »
Il a enfin demandé l’intervention du Parlement et du ministère de la Justice pour clarifier la situation du Conseil supérieur de la magistrature et assurer des nominations conformes aux règles de droit.
Pour sa part, l’avocat Sami Ben Ghazi a repris un panorama des années récentes, pointant l’usage abusif de dispositifs pénaux, notamment, les formulations liées au « danger imminent » et l’application mécanique de certaines incriminations sans respect des conditions légales. Il a insisté sur le fait que l’argument du « danger imminent » doit être motivé et régi par les règles de procédure — conditions qu’il a jugées souvent absentes : « L’existence d’un danger imminent doit être motivée ; on ne peut pas motiver des centaines d’affaires par une simple formule ‘danger imminent’. »
Sami Ben Ghazi a également mis en garde contre la légitimation de chambres composées de façon non conforme et a rappelé des épisodes récents où la tenue des audiences et les conditions de comparution des prévenus posent problème. Citant des exemples de dossiers où la tenue même de l’audience est discutable, il a appelé la profession à la vigilance : « On ne peut pas plaider devant une chambre pénale non légitime ; ces décisions risquent d’être nulles et portent atteinte à la sécurité juridique. »
Face à ce constat, Sami Ben Ghazi a proposé de faire bloc : unité des avocats, solidarité avec les prévenus victimes de procédures irrégulières, et, si nécessaire, recours à la mise en œuvre d’une forme de boycott des audiences qui ne respecteraient pas les garanties minimales : « Si la procédure n’est pas respectée, la seule option légitime est la mise en œuvre d’une option collective — la mise à l’écart — pour garantir que ni les avocats ni les citoyens ne participent à des procès dépourvus de légitimité. »
Il a enfin appelé à des actions de solidarité et de mobilisation des sections régionales de l’Ordre pour défendre la légalité et la dignité des procès.
S.H











