Heure de Tunis :
Plus de prévisions: Meteo 25 jours Paris
Light
Dark

Mohamed Ali tacle le ministère de l’Intérieur : un fossé entre le discours officiel et la réalité

Par Raouf Ben Hédi

Lors de la séance plénière de l’Assemblée des représentants du peuple, tenue le lundi 10 novembre 2025 et consacrée à l’examen du budget du ministère de l’Intérieur, le député Mohamed Ali, appartenant au bloc du Courant national souverainiste, a livré une intervention incisive, pointant de graves défaillances sécuritaires, sociales et institutionnelles.

Dès l’ouverture de ses trois minutes d’intervention, il a posé le cadre : la mission du ministère doit reposer sur une approche républicaine, fondée sur la transparence, la redevabilité et le respect des droits humains. Selon lui, la réalité du terrain raconte tout autre chose.

Une enveloppe budgétaire colossale, des résultats « en dessous du niveau »

Le député a rappelé que le budget du ministère de l’Intérieur pour 2025 atteint plus de 8 % du budget de l’État. Malgré cette allocation considérable, les indicateurs de performance sécuritaire sont, selon lui, alarmants.

Il cite deux chiffres :

  • hausse de 9 % du taux de criminalité par rapport à 2024,
  • augmentation de 11 % des accidents de la route, toujours en comparaison avec l’année précédente.

« Malgré les moyens, les résultats ne suivent pas », a-t-il martelé.

Gabès : la « tache noire » du traitement sécuritaire

Le député est revenu sur les troubles survenus en octobre 2025 dans le gouvernorat de Gabès, qualifiant cet épisode de « point noir » dans le registre du traitement des mouvements sociaux.

Selon lui, plus de 90 arrestations ont été effectuées en quelques jours, incluant des militants et des mineurs, avec usage du gaz lacrymogène dans des zones densément peuplées.

Il affirme que les organisations nationales et internationales ont documenté ces pratiques, pointant une répression disproportionnée d’un mouvement pacifique, légitime et lié à des revendications environnementales et sociales, non sécuritaires.

Torture, mauvais traitements et morts suspectes : un dossier explosif

L’un des volets les plus graves de son intervention concerne la persistance de pratiques de torture et de mauvais traitements dans les centres de détention.

Mohamed Ali a souligné que les rapports de l’Instance nationale pour la prévention de la torture (INPT) et ceux de la société civile font état d’au moins 27 décès survenus l’année dernière dans des lieux de détention, dont certains dans des circonstances « ambiguës » et sans supervision judiciaire indépendante.

“Le problème n’est pas circonscrit, il se reproduit. La torture n’a pas été éradiquée, elle s’est réinventée sous de nouvelles formes”, a-t-il dénoncé.
Selon lui, le ministère est incapable de mettre fin aux violations et de sanctionner les responsables.

Sport : 300 matchs sans public et 1.400 arrestations

Le député a accusé le ministère de persister dans une logique de « restriction et interdiction » vis-à-vis des supporters, plutôt que dans une stratégie de prévention et d’organisation.

Il a évoqué plus de 300 rencontres sportives disputées sans public, ainsi que 1.400 arrestations liées à des événements sportifs.
Pour lui, les stades ne devraient pas être transformés en « zones sécuritaires fermées », mais en espaces régulés en coordination avec les structures sportives.

Relations avec les journalistes : une confiance brisée

Mohamed Ali a également dénoncé la détérioration des rapports entre le ministère et les professionnels des médias.
Il a rappelé les agressions répétées, les retenues arbitraires et les violences documentées contre des journalistes lors de couvertures de terrain, sans résultats d’enquêtes annoncés par le ministère.

Selon lui, ces faits répétés traduisent « une relation de défiance et de pression, incompatible avec le rôle républicain des forces de sécurité ».

« L’erreur politique et communicationnelle » autour de l’incident de Sidi Bou Saïd

Enfin, le député est revenu sur l’incident au port de Sidi Bou Saïd, concernant les deux navires de la flottille Soumoud, qualifié d’événement hautement sensible, touchant à la sécurité nationale et à l’image du pays.

Il estime que le ministère de l’Intérieur a affiché un « manque de préparation » et une gestion « confuse » de cette crise, notamment sur le plan communicationnel.
Ce traitement, dit-il, donne « l’impression que les institutions ne sont pas en mesure de gérer des crises touchant la souveraineté ».

On rappellera deux navires de la flottille vers Gaza, au mouillage dans la baie de Sidi Bou Saïd, avaient été attaqués par des engins incendiaires à la mi-septembre. Selon les occupants des navires et les vidéos de surveillance, des drones étaient présents lors des attaques. Les autorités tunisiennes ont d’abord démenti catégoriquement cette version, invoquant un mégot de cigarette qui aurait enflammé des gilets de sauvetage.

Après une deuxième attaque dans la nuit suivante, le ministère de l’Intérieur a publié un bref communiqué évoquant une attaque délibérée, sans nommer les assaillants. Plusieurs voix, tant nationales qu’internationales, ont alors pointé la responsabilité israélienne, mettant en lumière le manque de clarté et de coordination du ministère face à un incident à fort impact sécuritaire et diplomatique.

R.B.H

Subscribe to Our Newsletter

Keep in touch with our news & offers