La ministre de la Justice, Leila Jaffel, est revenue sur la polémique persistante autour du décret-loi 54, notamment son article 24, objet de critiques récurrentes de la part d’organisations nationales, d’acteurs politiques et de défenseurs des droits humains.
Au cours de son intervention au Parlement, à l’occasion de la discussion du budget de son département, samedi 15 novembre 2025, elle a adopté un ton particulièrement assuré, balayant d’un revers les accusations selon lesquelles ce texte porterait atteinte à la liberté d’expression.
Leila Jaffel défend le décret 54 et son article 24
D’entrée, la ministre a invité ceux qui qualifient le décret 54 de liberticide à relire attentivement ses dispositions. « Je les appelle à lire convenablement l’article 24, qui n’évoque pas la liberté d’expression », a-t-elle lancé, un léger sourire au coin des lèvres. Elle a insisté sur la distinction fondamentale, selon elle, entre liberté d’expression et diffamation, un point central de son argumentaire. « Il parle de diffamation, de dénigrement et de diffusion de fausses informations », a-t-elle précisé, soulignant qu’il existe « une large différence entre la diffamation et la liberté d’expression ».
Selon la ministre, les critiques visant ce texte reposent sur une interprétation erronée, parfois volontairement déformée. « Tout le monde est en train de critiquer… Certains parlent même de coup d’État et personne ne leur a demandé des comptes », a-t-elle rappelé, estimant que cet exemple illustre la liberté persistante du débat public. Elle a assuré que « personne n’a été arrêté pour la liberté d’expression ».
Liberté d’expression vs diffamation
Pour Leila Jaffel, le décret 54 constitue avant tout un outil de protection des individus contre les dérives en ligne, et non un instrument destiné à restreindre la parole publique. « L’article 24 est une protection pour la réputation des gens et contre les informations dont le but est d’attiser les tensions », a-t-elle affirmé, insistant sur le rôle de ce texte dans un contexte marqué par la propagation rapide des rumeurs sur les réseaux sociaux.
Elle a également réfuté catégoriquement les accusations d’usage abusif de la loi. « Je vous assure que le décret 54 n’a jamais été appliqué dans des situations liées à la liberté d’expression. Tout ce qui se dit n’est que dénigrement », a-t-elle déclaré. À ses yeux, les procédures engagées en vertu de ce décret répondent à des cas clairement identifiés de diffamation ou de diffusion d’informations mensongères, sans rapport avec la critique politique ou l’expression d’un désaccord.
Poursuivant son argumentation, la ministre a souligné la difficulté de réparer les atteintes à la réputation une fois celles-ci rendues publiques. « C’est facile de diffamer les gens, mais il est très difficile de restaurer leur réputation », a-t-elle observé, appelant à une prise de conscience collective face aux dégâts causés.
Leïla Jaffel a réitéré que le décret 54 était parfaitement conforme aux normes juridiques nationales et qu’il ne contenait, selon elle, « aucun mot » portant atteinte à la liberté d’expression.
Controverses et condamnations : le décret 54 au centre des critiques
Pourtant, plusieurs dossiers judiciaires ont ravivé les critiques autour du décret-loi 54 et de son article 24. Parmi les cas les plus médiatisés figure celui de l’opposante Abir Moussi, condamnée, entre autres affaires, à deux années d’emprisonnement pour des déclarations liées au processus électoral, les autorités ayant estimé qu’elles relevaient des infractions prévues par ce texte.
Deux journalistes, Borhen Bsaïes et Mourad Zeghidi, ont également été visés. En 2024, le tribunal de première instance de Tunis les a sanctionnés d’un an de prison chacun pour « propagation de fausses informations » et « atteinte à autrui » via les plateformes numériques.
De son côté, l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani a été incarcérée et condamnée en vertu du décret 54 pour des propos formulés lors d’interventions médiatiques.
L’accumulation des condamnations sur la base du décret 54 a conduit à des mouvements de contestation de plus en plus larges. Des ONG nationales et internationales, ainsi que plusieurs acteurs du monde médiatique, réclament depuis sa publication l’abrogation ou une révision profonde du décret 54, qu’ils jugent imprécis et propice aux dérives.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a, lui, alerté sur un climat d’intimidation généralisé, appelant à ouvrir un débat parlementaire sérieux afin d’encadrer les poursuites liées aux publications en ligne et de prévenir tout usage abusif contre la critique ou le débat public.
N.J













Commentaire
zaghouan2040
L’humour de Mme Jaffel est parfois désopilant