L’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) a repris ses activités après trente jours de suspension, une période durant laquelle ses locaux ainsi que ses centres d’écoute et d’orientation de Tunis, Kairouan, Sfax et Sousse sont restés fermés.
Une détermination féministe intacte malgré l’intimidation
Cette fermeture forcée, précise l’association dans un communiqué publié mardi 25 novembre 2025, a privé de nombreuses femmes victimes de violence, de marginalisation ou d’exclusion des services d’accompagnement juridique et psychologique dont elles dépendent. Pour l’ATFD, la décision de suspension a constitué une atteinte directe aux voix des femmes et une tentative d’intimidation du tissu associatif.
Dans ce contexte qu’elle décrit comme exceptionnel, l’association a lancé sa campagne « 16 jours contre la violence » et affirme revenir avec une détermination féministe intacte. Forte d’un long parcours de lutte, elle réaffirme sa volonté de poursuivre l’action civile, de défendre les droits humains des femmes et de préserver les espaces féministes. L’ATFD refuse la fermeture des centres d’écoute, la sanction des défenseurs des droits humains et le repli d’un État qui, au lieu de dialoguer avec la société civile, s’en méfie et la fragilise.
Associations : vigies indispensables d’un État en repli
L’association déplore n’avoir pas pu exprimer publiquement sa solidarité envers des partenaires eux-mêmes touchés par des suspensions similaires. Elle cite notamment l’association Baraa pour l’enfance menacée, à laquelle elle adresse son soutien inconditionnel, tout comme aux structures ayant vu leurs activités gelées. À ses yeux, la société civile fait partie intégrante de l’État et représente un pilier de la démocratie. Elle rappelle qu’aucune démocratie ne peut exister sans les femmes.
L’ATFD répond également aux campagnes de discrédit visant les associations. Elle estime qu’elles jouent un rôle essentiel de vigilance, d’alerte et de relais des besoins sociaux. Selon elle, la société civile soutient l’action publique en protégeant les femmes victimes de violence, en documentant les violations, en révélant les manquements institutionnels et en contribuant à l’élaboration des politiques publiques. Elle défend l’apport de ses études, données de terrain et partenariats avec les ministères.
Suspensions politiques : un dérapage dangereux
L’organisation qualifie les décisions judiciaires de suspension d’associations de décisions politiques dépourvues de légitimité. Elle y voit un dérapage dangereux, dans un contexte marqué par l’absence d’un secrétariat général du gouvernement.
L’association estime que ces mesures interviennent au moment où la crise sociale s’aggrave et où les femmes deviennent les premières victimes de la pauvreté, du chômage, de l’effondrement de la classe moyenne et de la dégradation de la santé publique.
Elle alerte également sur la propagation de maladies graves dans des régions polluées comme Gabès, laissée selon elle sans solutions urgentes. Elle juge incohérent que, face à ces crises, l’accent soit mis sur des projets de nouvelles prisons plutôt que sur des politiques sociales équitables.
L’ATFD constate une hausse du nombre de détenus pour leurs opinions, leurs activités civiles ou politiques, ainsi qu’un durcissement de la répression des voix dissidentes. Elle dénonce l’encadrement des médias, l’emprise croissante du pouvoir exécutif, l’affaiblissement des institutions constitutionnelles et la remise en cause de l’indépendance de la justice. Elle considère que les décisions de suspension d’associations relèvent d’une interprétation dévoyée du décret-loi 88 de 2011 et constituent une sanction infligée directement aux publics vulnérables qui bénéficiaient de leurs services.
Pour une justice indépendante et des institutions fonctionnelles
L’association réaffirme son opposition à l’usage de la justice contre les acteurs de la société civile et les journalistes. Elle rejette l’ensemble des décrets jugés liberticides, en premier lieu le décret 54, et appelle à la libération de toutes les personnes détenues pour leurs opinions ou leurs activités civiles et politiques. Elle demande l’installation de la Cour constitutionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature comme garanties d’indépendance judiciaire, et réclame des politiques environnementales capables de protéger la santé des citoyens. Elle insiste enfin sur la nécessité de préserver le droit d’expression, le droit de protester et la liberté d’organisation.
L’ATFD affirme être de retour dans ses centres d’écoute, dans les espaces publics et dans toutes les actions de défense des droits humains des femmes. Elle se dit résolue à poursuivre la lutte contre la violence, la discrimination et l’exclusion, à soutenir les défenseurs de la liberté d’expression et à protéger toutes celles et ceux dont les droits sont menacés en raison de leurs positions. Elle annonce également qu’elle continuera de réclamer justice pour les personnes opprimées et à défendre la militante féministe Bochra Belhaj Hmida, qu’elle considère comme exilée de force.
L’association conclut en réaffirmant sa présence, sa constance et sa détermination à œuvrer pour une Tunisie démocratique, juste, libre et pluraliste, où les femmes ne sont ni exclues ni réduites au silence.
M.B.Z












