Heure de Tunis :
Plus de prévisions: Meteo 25 jours Paris
Light
Dark

Finances publiques : pourquoi l’abrogation de l’article 45 marque un dangereux retour en arrière

Par Imen Nouira

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a récemment adopté en plénière l’article 54 de la Loi de finances 2026, mettant fin à l’article 45 de la loi n°2018-56 du 27 décembre 2018, consacré à la rationalisation du paiement en espèces dans les transactions immobilières, commerciales et automobiles. La suppression a été votée avec 97 voix pour, 14 contre et 19 abstentions, malgré de fortes réserves exprimées par plusieurs élus et experts.

Un dispositif clé du décashing supprimé

Entré en vigueur à partir du 1ᵉʳ juin 2019, l’article 45 interdisait la légalisation, l’enregistrement ou la rédaction de contrats de cession lorsque le paiement se faisait en espèces au-delà de 5.000 dinars. Il constituait l’un des rares mécanismes concrets destinés à réduire l’usage du cash dans l’économie tunisienne, dans un contexte de lutte contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et l’expansion du secteur informel.

Ce dispositif prévoyait aussi une sanction : une amende équivalente à 20 % du montant payé en espèces, avec un minimum de mille dinars par mutation pour toute personne usant de manœuvres pour contourner les obligations de paiement électronique ou bancaire.

L’article 54 abroge l’ensemble de ces dispositions.

La ministre des Finances a défendu cette abrogation en arguant que le dispositif actuel engendrait des difficultés administratives pour les citoyens, des blocages dans la légalisation des contrats, une remise en cause du droit constitutionnel d’accès aux services publics et une fragilisation de la sécurité contractuelle dans les transactions immobilières et commerciales. Elle a affirmé que l’article 57 de la Loi de finances 2026 offrira un meilleur cadre de contrôle fiscal tout en simplifiant les démarches administratives, sans priver les citoyens de leurs droits ni entraver la fluidité des transactions.

Des inquiétudes fortes au Parlement

Plusieurs députés ont exprimé leurs craintes face à cette suppression, qui risque d’amplifier l’économie parallèle, en raison de l’absence de plafonnement des montants autorisés en cash, des risques en matière de blanchiment d’argent et de l’impact possible sur la notation internationale de la Tunisie, notamment au regard des critères de transparence financière et de traçabilité des flux. Ces inquiétudes ne sont pas nouvelles : les institutions financières internationales et les organismes de notation considèrent depuis plusieurs années la réduction de l’usage du cash comme un indicateur majeur de conformité et de bonne gouvernance.

Alors que la plupart des pays renforcent leurs législations pour limiter les paiements en espèces, la Tunisie fait ici un mouvement inverse. Dans le monde entier, le décashing est considéré comme un pilier pour améliorer la transparence des transactions, lutter contre l’évasion fiscale, freiner la corruption, réduire les risques de financement illicite et moderniser les économies. La suppression d’un mécanisme aussi structurant que l’article 45 risque d’envoyer un signal contradictoire : celui d’un assouplissement dans la lutte contre les flux financiers non déclarés, dans un pays où le cash représente encore une part très élevée des transactions.

Un retour en arrière aux conséquences financières lourdes

L’enjeu dépasse largement l’administration des contrats. Sans encadrement strict du paiement en espèces, le contrôle fiscal devient plus difficile, le secteur informel se nourrit, les recettes de l’État diminuent et la crédibilité financière du pays est fragilisée, surtout au moment où la Tunisie tente d’améliorer sa notation souveraine. Le gouvernement mise sur une meilleure surveillance par l’administration fiscale, mais sans contraintes fortes sur les paiements en cash, cette promesse risque d’être difficilement réalisable.

En abrogeant l’article 45, la Tunisie renonce à l’un de ses instruments les plus importants dans la lutte contre le cash excessif, au moment même où la transparence financière est devenue un critère incontournable de crédibilité économique.

Si la simplification administrative est indispensable, elle ne peut justifier un assouplissement qui ouvre la voie à davantage d’opacité. Ce retour en arrière laisse planer un doute : celui d’un arbitrage qui privilégie la facilité immédiate au détriment de la réforme de fond, pourtant indispensable pour assainir l’économie tunisienne.

I.N.

Subscribe to Our Newsletter

Keep in touch with our news & offers

Contenus Sponsorisés

2 commentaires

  1. aissaoui nasser

    2 décembre 2025 | 22h00

    repoonse à mr Abidi et à nos honorables députes.
     » Combien d’annees faut il encore supporter les bandits, les criminels et les mauvais contribuables?
    combien d’ annees faut il supporter ce marché parallele qui gangrene le pays?
    Dites le nous!!!

  2. Khaled Abidi

    2 décembre 2025 | 20h26

    Svp pouvez vous nous dire comment faire lors d’achat d’un troupeau de brebis dans un souk hebdomadaire, est ce que le vendeur accepterais un chèque ou une lettre de créance sachant que la majeure partie des vendeurs et acheteurs n’ont ni compte bancaire ni carnet de chèque, dans le jargon du métier on dit (celui qui a du cache sera le meilleur chasseur), vous avez ce qui est arrivé avec des bouchers qui ont vu leurs argent confisqué et en plus ils ont fait objet de lourdes amendes pour transport illégal d’argent liquide, savez vous a combien s’élève le prix d’un taureau engraissé,et bien cela peut aller jusqu’à 20 mille dinars et croyez vous qu’une telle transaction dans un souk peut se conclure avec un payement autre qu’en espèces et bien essayer pour voir