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Ridha Chkoundali : les augmentations salariales ne sont pas garanties 

Par Nadya Jennene

L’universitaire et économiste Ridha Chkoundali est revenu sur la question des augmentations salariales approuvées la semaine dernière par le Parlement, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour l’exercice 2026.

Invité de Hatem Ben Amara dans l’émission Sbeh el Ward sur Jawhara FM mardi 2 décembre 2025, il a rappelé que l’intégration directe de ces revalorisations salariales dans la loi de finances constituait une première dans l’histoire de la gouvernance budgétaire tunisienne. Cette démarche, selon lui, s’inscrit dans une logique de consolidation du rôle social de l’État, en privilégiant un mécanisme d’allocation directe des revenus, sans médiation syndicale, ce qui s’apparente à une forme de « démocratie économique directe ».

Si cette orientation porte indéniablement une dimension politique, l’enjeu central demeure la capacité réelle de l’État à garantir ces augmentations et à les calibrer en fonction des besoins urgents des ménages, fortement touchés par l’érosion continue du pouvoir d’achat sous l’effet de l’inflation.

Selon l’économiste, aucune garantie solide n’existe à ce stade. Il explique que la loi de finances 2026 prévoit une enveloppe additionnelle de 900 millions de dinars, portant le budget global à 25,3 milliards de dinars. Or, cette dotation doit simultanément financer le recrutement de 51.887 nouveaux fonctionnaires et permettre la revalorisation des salaires. Une telle configuration crée une contrainte budgétaire majeure : l’allocation prévue ne saurait raisonnablement suffire à soutenir à la fois l’élargissement de la fonction publique et une augmentation salariale substantielle.

Selon lui, dans une lecture strictement comptable, le gouvernement pourrait avancer que les augmentations seraient financées sur les reliquats, après couverture de la masse salariale des nouvelles recrues. En pratique, cette logique résiduelle ne permettrait d’envisager qu’une hausse de l’ordre de 1 à 2 %, un niveau ni prévisible ni assuré, et très probablement insuffisant pour compenser la perte réelle de pouvoir d’achat.

Autrement dit, souligne M. Chkoundali, les augmentations ne disposent d’aucune assise structurelle garantissant leur application effective.

L’expert concède qu’un recours au budget dédié aux dépenses urgentes pourrait, théoriquement, absorber une partie du coût additionnel. Toutefois, ces dépenses dépendent directement du niveau des recettes fiscales et du rythme de croissance économique. Or, les exercices précédents ont démontré que ces marges étaient rapidement absorbées et ne permettaient pas de soutenir des engagements récurrents de nature salariale.

Il rappelle en outre que l’exécutif ne peut, en aucun cas, excéder le cadre validé par le Parlement une fois les équilibres budgétaires adoptés. L’absence d’un cadre de négociation structuré — notamment en l’absence d’un dialogue social effectif avec l’UGTT — rend donc extrêmement incertain le caractère concret des augmentations annoncées.

S’agissant du niveau requis pour restaurer le pouvoir d’achat, M. Chkoundali estime qu’une hausse d’au moins 6% serait nécessaire pour compenser l’inflation cumulée. Il avance à cet égard que les revenus moyens actuels des Tunisiens demeurent largement inférieurs à ceux observés en 2014 et 2017, témoignant d’un recul significatif du revenu réel.

Quant à l’initiative parlementaire suggérant une hausse de 7%, elle repose, d’après l’expert, sur les données de l’Institut national de la statistique, qui fixait l’inflation à 7,2% en 2024. Ces chiffres confirment la nécessité d’une augmentation notable afin d’éviter une nouvelle détérioration du niveau de vie des ménages.

La proposition parlementaire relative aux augmentations salariales n’a finalement pas abouti. Selon les résultats partiels du vote samedi 29 novembre 2025, la proposition a obtenu une majorité relative — 50 voix pour, 47 contre et 18 abstentions — mais elle n’a pas atteint le seuil d’adoption requis, fixé à un tiers des membres de l’Assemblée, soit 54 voix. Dès lors, le texte a été considéré comme rejeté.

Un groupe de députés avait soumis un amendement au projet de loi de finances visant à instaurer un cadre normatif plus rigoureux pour l’ajustement des salaires. Cet amendement prévoyait l’instauration d’un plancher uniforme de 7%, applicable à la fois au secteur public et au secteur privé.

En l’absence de ce cadre contraignant et faute de négociations sociales en cours, les augmentations prévues pour l’année 2026 devraient se limiter à environ 4%.

N.J

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