Le Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie (Spot) a annoncé, mercredi 3 décembre 2025, la suspension du système du tiers payant, et ce à partir du 8 décembre 2025. Cette décision intervient faute d’accord avec la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam).
Dans un communiqué publié le même jour, le Spot affirme que, malgré la poursuite des négociations avec la Cnam, « aucune vision claire ni engagement officiel ne garantit la continuité de la relation contractuelle », ce qui amène les pharmaciens à exprimer « de sérieuses interrogations quant à l’avenir de cette relation ». Le syndicat évoque « une situation grave et sans précédent » menaçant la stabilité du secteur.
Un secteur sous pression financière
Le Spot rappelle que la crise financière touchant la profession pharmaceutique s’est aggravée ces dernières années et qu’elle s’est intensifiée après le blocage des négociations avec les grossistes répartiteurs, eux-mêmes confrontés à « une situation économique critique menaçant la continuité de leurs activités ».
Le communiqué souligne également les difficultés rencontrées avec les banques, entraînant une fragilisation de l’ensemble de la chaîne de distribution du médicament : des fabricants locaux à la Pharmacie centrale, en passant par les grossistes et jusqu’aux officines.
Selon le syndicat, un nombre croissant de pharmaciens se retrouvent désormais incapables de continuer à délivrer les médicaments, en raison de pressions financières « étouffantes ». Les officines des régions intérieures et des zones à priorité économique seraient particulièrement touchées, au point que « la capacité d’assurer l’approvisionnement en médicaments est directement menacée », avec un risque de priver « des milliers de citoyens de leur droit aux soins ».
Le Spot estime qu’il est devenu impossible pour les officines de continuer à fournir des services aux assurés de la Cnam « en l’absence des garanties financières et juridiques nécessaires pour exercer dans des conditions normales et sûres ».
Face à cette situation, le bureau national a adressé des correspondances à plusieurs hauts dirigeants de l’État. Ces correspondances visent à « alerter sur la gravité de la situation » et à demander « une intervention urgente pour sauver un secteur entier responsable de l’accès des citoyens aux soins ».
Une suspension jusqu’à la satisfaction de trois conditions
À l’issue de sa réunion du 3 décembre 2025, le bureau national du Spot a décidé de suspendre à partir du 8 décembre la délivrance des médicaments en tiers payant pour les assurés de la Cnam, et ce jusqu’à :
- Le règlement des dettes de la Cnam envers les pharmaciens,
- La clarification du cadre juridique régissant l’activité des officines à la lumière des récents développements,
- La mise en place de mesures urgentes pour sauver la chaîne de distribution du médicament, notamment à travers l’instauration d’un financement exceptionnel pour la Cnam dans la Loi de finances 2026.
Rappel des tensions financières antérieures
Le 10 novembre 2025, le Spot avait dénoncé une décision de la Caisse nationale d’assurance-maladie de ne pas régler une partie des créances dues aux pharmaciens, malgré la disponibilité des fonds après l’encaissement des cotisations trimestrielles.
Depuis plusieurs mois, les pharmaciens évoquent des difficultés financières liées au retard de paiement de leurs dus. Selon le Spot, les délais de paiement ont atteint entre 120 et 150 jours, alors que l’accord initial prévoyait un délai de quatorze jours. En 2024, les pharmaciens avaient accepté, à titre exceptionnel, un délai de soixante jours.
Ces retards ont fragilisé les finances des officines, qui peinent désormais à régler leurs fournisseurs et la Pharmacie centrale tunisienne (PCT). Certaines pharmacies, notamment dans les régions de l’intérieur, sont même menacées de faillite.
Le Spot souligne enfin que « contrairement à ce que certains croient, les marges bénéficiaires des pharmaciens sont faibles » et rappelle que la marge appliquée sur les médicaments est restée inchangée depuis 1996.
Un dernier avertissement
Le Spot affirme que son communiqué est publié « pour protéger le droit du patient et garantir la continuité des soins dans un cadre légal et organisé ». Il s’agit, selon le syndicat, d’un « dernier avertissement avant l’effondrement d’un système entier », considéré comme l’un des piliers de la sécurité sanitaire nationale.
Le bureau national conclut en soulignant que les structures professionnelles restent ouvertes à toute initiative sérieuse et responsable permettant d’aboutir à des solutions urgentes et durables, dans le respect de la dignité du pharmacien, des droits du patient et de la stabilité du système de santé.
I.N.












