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PLF 2026 – Où va-t-on ?

Par Houcine Ben Achour

Les débats budgétaires de cette année entreront dans l’histoire des marathons budgétaires depuis la première Loi de finances adoptée par la Tunisie indépendante en 1961. Jamais projet de Loi de finances et de Budget général de l’État n’aura été aussi malmené que cette fois-ci.

Les débats budgétaires de 2012, portant sur le projet de Loi de finances 2013, avaient déjà marqué les esprits. Les députés s’en étaient donné à cœur joie, au point d’écœurer Elyes Fakhfakh, alors ministre des Finances. La cerise sur le gâteau fut la création du Fonds d’indemnisation des victimes de l’ère Ben Ali, alors même que le projet de budget de l’État ne prévoyait qu’une enveloppe de 150 MD pour cette indemnisation. Malgré cela, la portée des débats de cette année est d’une ampleur inédite.

Jamais le Parlement n’a enregistré un nombre aussi élevé d’amendements et d’articles additifs à un projet de Loi de finances comme celui portant sur l’exercice 2026.

La première mouture du projet de Loi de finances 2026, élaborée par le ministère des Finances, a été largement modifiée par la présidence de la République. Ces changements ont obligé le département des finances à de multiples acrobaties pour adapter les ressources et les emplois du projet de budget de l’État 2026 aux nouvelles dispositions fiscales. Fallait-il, en plus, que nos parlementaires en rajoutent une couche et laissent au ministère des Finances le soin de trouver des solutions budgétaires aux mesures qu’ils proposent ?

Un précédent relativement futile

Curieusement, le parallèle entre la situation de 2012 et celle d’aujourd’hui ne s’arrête pas là. En décembre 2012, on avait laissé Elyes Fakhfakh seul ferrailler avec les députés. Ali Laârayedh, chef du gouvernement, n’avait pas levé le petit doigt pour venir au secours du ministre des Finances et ramener à la raison des députés survoltés. Michket Slama Khaldi, l’actuelle ministre des Finances, est tout aussi seule à affronter la surenchère des élus de l’Assemblée des représentants du peuple, mais aussi celle des membres du Conseil national des régions et districts. Sarra Zaâfrani Zenzri, cheffe du gouvernement, n’a pas daigné, jusqu’à ce jour, elle non plus, venir au secours de sa ministre des Finances.

En tout cas, l’alerte lancée mardi dernier, le 2 décembre 2025, aux députés par la ministre des Finances – « si nous continuons ainsi, la loi de finances ne pourra pas être appliquée ! » – ne semble pas avoir atteint les parlementaires, ni la Présidence du gouvernement, ni la Présidence de la République.

Une mécanique institutionnelle sous tension

Plus d’une centaine d’amendements ont été déposés par les parlementaires. Il y a de quoi paniquer. D’autant que le projet qui serait adopté par les élus de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) ne correspond nullement à celui ayant la préférence des représentants du Conseil national des régions et districts. Il faudra réunir une Commission paritaire pour dégager un terrain d’entente, sinon le texte devra revenir à l’ARP pour un vote définitif.

Et quand bien même cette procédure irait à son terme, c’est le contenu même du projet de Loi de finances tel qu’il serait adopté par l’ARP qui poserait problème. Car on assisterait à une véritable dérive des finances publiques, avec des prévisions de recettes et de dépenses totalement escamotées, ce qui ferait replonger le solde budgétaire dans les abysses du déficit, après des années d’efforts pour redresser, tant bien que mal, les comptes publics.

Des amendements ouvertement démagogiques

Il faut bien voir que les amendements proposés par les élus des deux assemblées sont totalement à contre-courant de la politique économique envisagée par le gouvernement pour l’année prochaine. On s’achemine, une fois de plus, vers des difficultés économiques et financières, laissant entrevoir le pire.

À cet égard, l’exemple le plus frappant est le refus des députés d’abaisser les droits de douane grevant l’importation des panneaux photovoltaïques, sous le fallacieux prétexte de protéger nos entreprises fabriquant de tels panneaux. Le pays ne compte que trois entreprises de fabrication de panneaux solaires. Leurs productions suffiront-elles à rattraper le considérable retard pris par le pays dans le développement des énergies alternatives ? Alors qu’ailleurs on parle déjà de gigawatts installés, ici, nous nous satisfaisons de quelques petites centaines de mégawatts, entre ce qui est installé et ce qui ne l’est pas encore.

La transition énergétique n’est plus simplement une exigence écologique et environnementale, elle est devenue une exigence économique de développement. Sans énergie alternative, l’IA, activité énergivore, ne pourra se développer, compte tenu des contraintes écologiques, que par le recours massif aux énergies renouvelables. Or notre potentiel en la matière est considérable. Malheureusement, il demeurera encore en hibernation après le refus des parlementaires.

Dans les pays qui disposent du même potentiel que le nôtre, la concurrence fait rage pour attirer les investisseurs. Chez nous, on regarde ailleurs : augmentations salariales, exonérations de toute sorte, voiture FCR pour les familles tunisiennes, amnistie fiscale (encore une), abrogation du dispositif de traçabilité des transactions immobilières. Et, cerise sur le gâteau, un amendement au régime de retraite des députés leur permettant de bénéficier du régime à taux plein au bout de trois législatures et non plus quatre.

Vers où ira-t-on avec ce projet de Loi de finances remanié ? Telle est la véritable inconnue.

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2 commentaires

  1. jamel.tazarki

    5 décembre 2025 | 10h56

    @Mr. Ben Achour,

    A) vous écrivez ci-dessus: « Plus d’une centaine d’amendements ont été déposés par les parlementaires. Il y a de quoi paniquer. D’autant que le projet qui serait adopté par les élus de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) ne correspond nullement à celui ayant la préférence des représentants du Conseil national des régions et districts. Il faudra réunir une Commission paritaire pour dégager un terrain d’entente, sinon le texte devra revenir à l’ARP pour un vote définitif. »

    je résume la citation: « Il faudra réunir une Commission paritaire pour dégager un terrain d’entente, sinon le texte devra revenir à l’ARP pour un vote définitif. »
    –>
    – Non, Monsieur Ben Achour, dans le cas où la commission paritaire ne parvient pas à une solution ou si les assemblées générales des deux chambres n’approuvent pas la solution proposée par la commission, le projet de loi est transmis au président de la République pour promulgation. Le projet de loi passe donc sans ou avec le consentement du Parlement. La constitution de KS a été conçue pour une dictature parfaite et non pour une démocratie parfaite, en l’absence de Cour constitutionnelle et de CSM!

    – D’après les faits, la majorité des membres du Conseil national des régions et des districts sont plutôt des marionnettes de Carthage.

    –>
    Je donne la procédure prévue par la constitution de KS de 2022 en en cas de désaccord entre l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et le Conseil national des régions et des districts (CNRD):
    1) Commission mixte paritaire : En cas de désaccord sur un projet de loi, une commission commune composée de dix membres (cinq de chaque chambre) est créée pour tenter de trouver une solution dans un délai de sept jours.
    2) Renvoi aux chambres : Si la commission parvient à un accord, la solution proposée est soumise à l’approbation de l’assemblée générale de chaque chambre.
    3) Transfert au Président : C’est seulement si la commission ne parvient pas à une solution, ou si les assemblées générales des deux chambres n’approuvent pas la solution proposée, que le projet de loi est transmis au Président de la République pour promulgation.
    Dans ce scénario spécifique, le Président KS reçoit le texte en l’état après l’échec de la conciliation parlementaire, son rôle reste celui de la promulgation de la loi, selon les termes définis par le processus parlementaire et le décret-loi régissant les relations entre les deux chambres.
    Question : quel est le rôle de la Cour constitutionnelle dans ce processus ? Aucun, car nous n’en avons pas (KS nous la refuse). C’est le président de la République KS qui joue ce rôle, à la suite d’un désaccord entre l’Assemblée des représentants du peuple et l’ARP !

    B) vous écrivez ci-dessus: « à cet égard, l’exemple le plus frappant est le refus des députés d’abaisser les droits de douane grevant l’importation des panneaux photovoltaïques, sous le fallacieux prétexte de protéger nos entreprises fabriquant de tels panneaux. Le pays ne compte que trois entreprises de fabrication de panneaux solaires. Leurs productions suffiront-elles à rattraper le considérable retard pris par le pays dans le développement des énergies alternatives ?  »
    –>
    Je résume la citation: « Le pays ne compte que trois entreprises de fabrication de panneaux solaires »
    –>
    Ce que je pense:
    Ces trois industriels fabriquent en effet des panneaux photovoltaïques en Tunisie, mais avec des cellules importées, c’est-à-dire avec des technologies importées. En réalité, on ne produit presque rien en Tunisie! On va forcément importer des cellules photovoltaïques de Chine et prétendre que nos industriels fabriquent des panneaux photovoltaïques. 🙂

    – Pour pouvoir affirmer que nous produisons des panneaux photovoltaïques sans importation, il faudrait d’abord essayer de produire des cellules photovoltaïques avec une forte efficacité (rendement). Tout le reste n’est que bla-bla-bla !

    – En efet, Il est très difficile de fabriquer des cellules photovoltaïques en raison de la technologie de pointe nécessaire, du savoir-faire requis et de la nécessité d’obtenir du silicium de très haute pureté. Ces cellules sont un composant stratégique des panneaux solaires et leur fabrication implique des procédés complexes, comme la purification du silicium et la gravure de microstructures.

    – Pour fabriquer des panneaux solaires en Tunisie, il est nécessaire d’importer les cellules photovoltaïques auprès de fabricants étrangers. De ce fait, l’importation est inévitable.

    –>
    Il ne faudrait pas que la Tunisie se lance à l’aveuglette dans la production là où nous ne sommes pas compétitifs. Même l’entreprise allemande Bosch a renoncé à la production de cellules photovoltaïques, car elle n’est plus compétitive face aux producteurs chinois dans ce domaine !

    Bonne journée

    PS: La Tunisie, installée dans la caverne de Platon, s’y attarde obstinément

    • jamel.tazarki

      5 décembre 2025 | 14h10

      Je donne des exemples de leaders de l’énergie photovoltaïque qui ont fait faillite ou subi d’immenses pertes dans ce domaine.

      Je cite:
      1) Le leader de l’énergie photovoltaïque en Allemagne Q-Cells a annoncé lundi son dépôt de bilan, laissant plus de 2.000 salariés dans l’incertitude et illustrant la débâcle de toute une industrie, passée en quelques années du boom à la faillite généralisée. Q-Cells, qui explique dans un communiqué que « les perspectives d’existence de l’entreprise n’étaient plus suffisamment garanties », doit déposer mardi son bilan au tribunal administratif de Dessau (est).

      2) Fin octobre/début novembre 2025, les sociétés Sun Contracting Austria GmbH, Sun Contracting Norica Plus GmbH, Sun Contracting Engineering GmbH, Sun Contracting Projekt GmbH et Sun Contracting Solutions GmbH sont devenues insolvables et ont déposé une demande de mise en faillite auprès du tribunal régional de Linz. La liquidation est prévue plutôt que la restructuration, pour un total de dettes estimé à environ 47 millions d’euros.

      3) C’est arrivé à la fin de l’été 2024 : la société américaine SunPower Corporation s’est déclarée en faillite.

      4) La nouvelle est tombée le 25 juillet dernier : le développeur d’énergies renouvelables EverWatt a été placé en liquidation judiciaire par le Tribunal des activités économiques de Paris. Cette faillite marque l’arrêt brutal du Groupe EverWatt, spécialisé dans le solaire, ainsi que de sa filiale BoucL Énergie, dédiée à l’autoconsommation.

      5) L’insolvabilité de Meyer Burger et la fin de l’industrie solaire européenne – 645 emplois perdus

      etc., etc., etc.

      Et que fait la Tunisie? Oui, nous voudrions nous engager à produire nos panneaux photovoltaïques à partir de notre propre production de cellules photovoltaïques. Quelle connerie !