L’Association des magistrats tunisiens (AMT) a exprimé son indignation face à l’arrestation, le lundi 2 décembre 2025, de l’avocat et militant des droits humains Ayachi Hammami, interpellé à son domicile, et placé en détention. Cette décision survient dans le cadre de l’affaire dite de « complot contre la sûreté de l’État », dans laquelle Me Hammami faisait l’objet d’un jugement en appel. La Cour d’appel l’avait condamné à cinq ans de prison et deux ans de surveillance administrative, contre huit ans en première instance.
L’AMT exprime son indignation et défend Me Hammami
Dans un communiqué officiel daté du vendredi 5 décembre 2025 et signé par son président Anas Hmaidi, l’AMT condamne fermement la détention de Me Hammami, soulignant qu’aucun crime concret ne lui a été reproché et que son arrestation constitue une violation flagrante des droits de l’Homme et de la justice indépendante.
L’Association rappelle que l’avocat s’est retrouvé confronté à l’absence des conditions minimales d’un procès équitable : aucune confrontation, aucun interrogatoire adéquat, absence de plaidoiries, et refus de permettre aux accusés de se défendre et d’être présents lors des audiences. Dans ce contexte, Ayachi Hammami avait choisi de refuser d’être entendu, en solidarité avec les prévenus privés de leur droit à une défense équitable.
Le communiqué insiste sur plusieurs points clés :
- Me Hammami est un homme de droit et de justice sociale, militant pour la liberté et la démocratie depuis plus de 45 ans, avant même la révolution, et reconnu pour sa capacité à rassembler différentes forces civiles, politiques et de la société civile.
- L’arrestation survient dans un contexte où le pouvoir exécutif exerce une mainmise sur la justice, notamment après la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature, l’éviction de certains juges, et la prise en main directe par l’exécutif des carrières judiciaires, créant un climat de peur inédit dans la magistrature.
- Me Hammami avait joué un rôle majeur en tant que coordinateur de la défense des magistrats injustement révoqués, dénonçant les irrégularités et les mesures arbitraires à leur encontre, ce qui avait déjà entraîné des poursuites injustes et des pressions à son encontre.
- L’AMT affirme que la répression de Me Hammami s’inscrit dans une stratégie visant à réduire au silence les défenseurs des droits, les militants démocratiques et ceux qui dénoncent les injustices, et que cette démarche accentue l’influence de l’exécutif sur le judiciaire au détriment de l’État de droit.
Le communiqué appelle enfin à une solidarité nationale : toutes les forces civiles, droits-de-l’hommistes et acteurs politiques sont invitées à se mobiliser pour protéger Ayachi Hammami et, à travers lui, les droits de tous les citoyens et la justice en Tunisie. L’AMT rappelle que Me Hammami a déclaré entamer une grève de la faim en prison, poursuivant ainsi son engagement en faveur des droits et de la liberté depuis l’intérieur du lieu de détention.
Les avocats de Tunis et de Sousse dénoncent les atteintes au droit de la défense
Le Conseil de l’Ordre régional des avocats de Tunis a réagi avec vigueur à l’arrestation d’Ayachi Hammami. Il a dénoncé des atteintes au droit de la défense et l’exécution précipitée du jugement. Un comité spécial a été créé pour suivre le dossier sous tous ses aspects, un boycott des chambres pénales concernées est prévu dès le 8 décembre, et un registre a été lancé pour documenter les irrégularités procédurales.
Le mouvement de protestation s’étend à d’autres barreaux, notamment à Sousse, où le conseil régional a tenu une assemblée générale exceptionnelle le 3 décembre 2025. Le président, Zouheir Belhaj Amor, a dénoncé des atteintes graves au droit de la défense et affirmé que l’arrestation de Me Hammami constitue une attaque contre tous les défenseurs des libertés et de la démocratie.
L’assemblée a adopté plusieurs mesures concrètes :
- Mobilisation générale pour défendre tous les avocats poursuivis pour opinion ou opposition au pouvoir.
- Publication d’une liste noire des juges accusés de violations graves du droit de la défense.
- Boycott des audiences pénales à distance.
- Pression pour des réformes institutionnelles (Conseil supérieur de la magistrature et Cour constitutionnelle).
- Actions de solidarité avec les confrères détenus, incluant sit-in, port du brassard rouge, grèves et coordination avec la société civile nationale et internationale.
Une figure emblématique du militantisme démocratique
Ayachi Hammami, ancien coordinateur du Comité national de défense des détenus politiques, a toujours dénoncé cette affaire comme montée de toutes pièces et à finalité politique. Son arrestation survient dans un climat de tensions croissantes entre les autorités et la société civile, marquée par une répression ciblée contre les défenseurs des droits humains et les militants démocratiques.
La détention et la grève de la faim de Me Hammami sont désormais suivies de près par la communauté juridique et les organisations de défense des droits humains, en Tunisie et à l’international, comme un symbole des atteintes répétées à l’État de droit et aux libertés fondamentales dans le pays.
I.N.











