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L’Ordre des médecins alerte contre la promotion de la tradithérapie dans les médias 

Par Nadya Jennene

La tradithérapie — médecine traditionnelle, phytothérapie, pratiques alternatives — conserve une forte audience en Tunisie, portée par un mélange de besoins réels, de traditions et de désarroi face aux limites du système de santé. Toutefois, ce recours massif est désormais perçu comme un risque pour la santé publique, soulevant des inquiétudes sur le plan sanitaire, éthique et déontologique.

Le débat autour de la tradithérapie en Tunisie a pris une ampleur nouvelle alors qu’une chaîne de télévision privée est accusée de promouvoir la tradithérapie perçue comme un danger pour la santé des citoyens. 

Le Conseil national de l’ordre des médecins a d’ailleurs réagi fermement à la question dans un communiqué publié mardi 9 décembre 2025. Dans ce texte, la présidente du Conseil a dénoncé vigoureusement la diffusion, dimanche soir sur la chaîne El Hiwar, « de contenus promouvant la tradithérapie comme une alternative ou un substitut à la médecine fondée sur les preuves ». 

Selon elle, « ces interventions, souvent présentées sans encadrement scientifique et dépourvues du moindre avertissement, induisent le public en erreur, banalisent des pratiques non validées et risquent d’entraîner des retards diagnostiques ou thérapeutiques graves ». 

Le communiqué rappelle également qu’un tel contenu contrevient « aux principes essentiels de la médecine basée sur les données probantes ainsi qu’aux obligations déontologiques prévues par le Code de déontologie médicale, notamment en ce qui concerne la protection du public et la lutte contre le charlatanisme ».  

Le Cnom a signalé aussi qu’il déposerait officiellement une plainte contre l’émission ayant diffusé les contenus controversés « laissant entendre qu’il serait possible de traiter le cancer par la tradithérapie et l’usage de plantes médicinales, présentés par une personne n’ayant aucun lien avec la profession médicale, en raison du danger que cela représente pour la santé des citoyens tunisiens ».

Cette prise de position officielle intervient dans un contexte où la tradithérapie connaît un regain considérable d’intérêt dans le pays. Les Tunisiens, confrontés à un système de santé en tension et aux coûts parfois élevés de certains traitements, se tournent de plus en plus vers les pratiques traditionnelles ou alternatives. 

Pour une partie de la population, ce choix est motivé, selon certaines études, par la déception face à la médecine moderne, qu’ils estiment parfois incapable d’apporter des solutions rapides ou satisfaisantes. Pour d’autres, il s’agit d’un réflexe culturel profondément ancré, nourri par la transmission familiale et par la perception rassurante d’une médecine naturelle, supposée dépourvue d’effets secondaires.

Mais derrière cette popularité croissante se cachent des enjeux complexes et des risques réels pour la santé publique. Les spécialistes alertent depuis plusieurs années sur l’absence de validation scientifique de nombreuses pratiques proposées par des tradipraticiens, souvent sans qualification et sans cadre réglementaire. L’un des principaux dangers réside dans le retard ou l’abandon d’un traitement médical nécessaire, notamment pour les patients atteints de maladies chroniques ou graves. Lorsque les individus privilégient une thérapie non prouvée au détriment d’un protocole clinique établi, les conséquences peuvent être irréversibles, allant de la dégradation de l’état de santé à la perte de chances de guérison.

La question de la sécurité des substances utilisées dans certaines préparations demeure également préoccupante. Les remèdes administrés peuvent être dosés de manière approximative, contaminés ou mal identifiés, entraînant des risques d’intoxication, d’interactions dangereuses avec des médicaments conventionnels ou d’effets secondaires non maîtrisés.

La médiatisation croissante de la tradithérapie contribue également à la complexification du phénomène. Dans un paysage audiovisuel en quête permanente d’audience, plusieurs émissions n’hésitent pas à offrir une vitrine complaisante à des intervenants non qualifiés, présentés comme des experts capables de résoudre des problèmes de santé que la médecine moderne n’aurait pas su traiter. 

Cette exposition médiatique, souvent dépourvue de tout cadre scientifique ou contradictoire, confère à ces pratiques une légitimité artificielle qui brouille les repères du public. Le communiqué du Conseil de l’ordre des médecins met d’ailleurs en garde contre cette dérive, estimant que les médias portent une responsabilité majeure dans la protection des citoyens contre les discours trompeurs.

Pour autant, la tradithérapie ne peut être rejetée d’un bloc. Des chercheurs tunisiens insistent sur la nécessité de distinguer entre les pratiques dangereuses ou non fondées et les connaissances traditionnelles susceptibles de contenir un potentiel thérapeutique réel. Plusieurs plantes médicinales utilisées localement pourraient, à terme, faire l’objet d’études cliniques rigoureuses. Mais sans validation scientifique, sans essais contrôlés, sans standardisation et sans surveillance, aucune de ces pratiques ne peut être considérée comme une alternative crédible à la médecine moderne.

N.J 

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