Heure de Tunis :
Plus de prévisions: Meteo 25 jours Paris
Light
Dark

« Avancée, mais dangereuse » : l’analyse tranchée de Chkoundali sur l’ouverture de comptes en devises

Par Imen Nouira

Le professeur universitaire en économie, Ridha Chkoundali, a livré, dans un post Facebook daté de mardi 9 décembre 2025, une lecture critique de l’article 81 de la Loi de finances 2026, qui permet désormais aux résidents tunisiens d’ouvrir des comptes en devises auprès des intermédiaires agréés, et ce, sans l’aval préalable de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Dans une analyse structurée, l’économiste expose les opportunités de cette mesure mais alerte également sur ses risques potentiels pour la stabilité macroéconomique du pays.

Un cadre macroéconomique fragile

Selon lui, cette disposition doit être replacée dans un contexte marqué par des fragilités persistantes. Il rappelle que la Tunisie souffre d’un déficit commercial élevé résultant d’exportations insuffisantes, auquel s’ajoute un déficit budgétaire malgré une pression fiscale accrue. Le pays enregistre également une baisse notable de ses réserves en devises, en dépit de l’amélioration des recettes touristiques et des transferts des Tunisiens à l’étranger. À cela s’ajoute l’absence de ressources naturelles stratégiques : la production pétrolière et gazière est en chute continue, tandis que la production de phosphate, bien qu’en hausse sur les neuf premiers mois de l’année, reste en deçà de son niveau habituel de huit millions de tonnes.

Des avantages indéniables… sous conditions

Dans ce contexte, Ridha Chkoundali reconnaît que l’article 81 présente de potentiels bénéfices, à condition que son application soit strictement encadrée. Il estime notamment que l’accès facilité aux comptes en devises pourrait réduire le recours au marché parallèle, devenu une source majeure de devises pour les particuliers et les entreprises. « Lorsqu’une opération en devises passe par une banque, l’État peut suivre les flux financiers, ce qui améliore la transparence et renforce les capacités de contrôle », explique-t-il. Il ajoute que ce mécanisme pourrait inciter les citoyens à déposer leurs devises dans des circuits officiels plutôt que de les conserver chez eux, d’autant plus que les intérêts générés sont soumis à une fiscalité faible, de l’ordre de 0,01%.

L’économiste estime également que la mesure constitue « un pas vers une plus grande flexibilité du marché de change », susceptible de renforcer la confiance des investisseurs et de simplifier certaines opérations, notamment les paiements à l’étranger ou les dépenses liées au voyage, en diminuant la bureaucratie. Elle pourrait aussi, selon lui, attirer davantage l’épargne de la diaspora tunisienne, compte tenu des taux d’intérêt plus attractifs en Tunisie que dans les banques européennes. Enfin, M. Chkoundali souligne que l’apport de devises renforcerait la liquidité en monnaies étrangères au sein des banques locales, facilitant ainsi le financement de certaines importations sans exercer de pression supplémentaire sur les réserves nationales, tout en favorisant l’intégration progressive de la liquidité informelle dans le système financier officiel.

… mais des risques majeurs pour la stabilité financière

Toutefois, ces avantages potentiels sont contrebalancés par des risques importants si le dispositif n’est pas accompagné de garde-fous stricts. L’économiste avertit qu’un accès trop large aux transferts vers l’étranger pourrait accroître la demande locale en devises et mettre en péril les réserves du pays. « Si les comptes sont alimentés par de la devise achetée sur le marché parallèle, cela peut accentuer la pression sur les réserves et renforcer l’économie informelle », écrit-il. Il estime par ailleurs que certains particuliers pourraient être tentés de transférer leurs économies hors du pays dans un contexte d’incertitude économique, politique et sociale.

L’augmentation de la demande pour les devises pourrait également affaiblir la confiance dans le dinar et entraîner une dépréciation de sa valeur, alimentant ainsi l’inflation, surtout si la Banque centrale ne dispose pas d’un flux suffisant de devises pour stabiliser la situation. De plus, la multiplication d’opérations de change échappant au contrôle direct de la BCT pourrait réduire l’efficacité de la politique monétaire et limiter la capacité de l’institution à lutter contre l’inflation. Dans le scénario où des retraits ou transferts massifs et imprévus seraient effectués, M. Chkoundali prévient que la solidité du secteur financier pourrait être compromise.

Pour réduire ces risques, l’économiste énumère plusieurs conditions essentielles à respecter. Il recommande notamment d’interdire l’alimentation de ces comptes en devises via des achats effectués sur le marché local, que ce soit auprès de la Banque centrale ou de la sphère informelle. Il préconise aussi la fixation de plafonds clairs pour les retraits et transferts à l’étranger, le suivi étroit des mouvements sur ces comptes, l’octroi de taux d’intérêt plus attractifs sur les dépôts en devises, la réduction du coût des transferts de devises depuis l’étranger, l’octroi d’avantages réels aux déposants (crédits facilités ou services additionnels), et enfin la digitalisation des opérations de change pour renforcer la transparence.

Ridha Chkoundali considère que l’article 81 représente « une avancée en matière de modernisation financière, de libéralisation et d’encouragement de l’épargne en devises ». Il avertit néanmoins que cette disposition pourrait fragiliser les réserves et le taux de change si elle n’est pas encadrée par des mesures strictes et un contrôle accru de la Banque centrale. À ses yeux, cette évolution s’apparente à « une libéralisation partielle » aux effets potentiellement ambivalents : stimulante pour l’épargne en devises, mais porteuse de tensions pour la stabilité monétaire.

Le mardi 2 décembre 2025, le parlement tunisien a adopté un article de la Loi de finances 2026 permettant aux Tunisiens résidant en Tunisie d’ouvrir et de gérer des comptes en devises auprès d’intermédiaires financiers agréés, sans autorisation préalable de la Banque centrale. Initiée par Mohamed Ali Fennira et soutenue par treize députés, la mesure encadre l’ouverture, l’alimentation et le fonctionnement de ces comptes, qui peuvent recevoir des fonds provenant de comptes en devises ou en dinars convertibles, de la prime touristique annuelle, ou d’autres devises. Les dépôts peuvent générer des intérêts soumis à un taux symbolique de 0,01%, les comptes ne pouvant être débiteurs. Les titulaires bénéficient également d’une flexibilité pour les paiements à l’étranger, les retraits pour voyages ou l’approvisionnement d’autres comptes en devises, simplifiant ainsi les opérations internationales des résidents tunisiens.

I.N.

Subscribe to Our Newsletter

Keep in touch with our news & offers

Commentaire

  1. Citoyen_H

    10 décembre 2025 | 21h43

    SI

    les ânes, les amateurs de la lokma el Bérre’da et les incultes étaient exportables sans aucune contrainte, je mettrai ma main à couper, que la Tunisie deviendrait en à peine quelques mois, une puissance économique et industrielle, égalant la Chine !!!