L’Europe est aujourd’hui confrontée à ce qu’elle redoutait sans jamais vouloir l’admettre : un président américain qui ne se contente plus d’imposer son agenda stratégique, mais qui revendique, sur la place publique, son mépris des dirigeants européens. Ce n’est plus une tension. Ce n’est plus un désaccord. C’est un renversement de hiérarchie assumé, orchestré, répété, et qui ne rencontre, en face, qu’un silence poli, presque résigné.
La crise ukrainienne et la politique migratoire forment désormais le théâtre d’une relation transatlantique fracturée. Et Donald Trump, sûr de sa force, joue la partition d’un chef d’alliance qui n’a plus besoin d’alliés. Il est carrément dans l’humiliation de ses « alliés »
Londres : les Européens murmurent, Trump crie
Depuis Londres, le 8 décembre, Keir Starmer, Friedrich Merz, Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky ont tenté une mise au point. Leur message : l’Ukraine ne pliera pas devant les exigences russes et le soutien européen « ne faiblira pas ». Une déclaration ferme en apparence, surtout après la révélation d’un « plan de paix » américain aligné sur les demandes de Moscou.
Mais derrière ces mots, une réalité demeure : les Européens ont été tenus à l’écart. Le plan Washington-Moscou leur a été communiqué a posteriori. Et Donald Trump, dans sa logique habituelle, martèle que Zelensky « n’a pas les cartes » et doit se soumettre.
Dans ce rapport de force asymétrique, les Européens réagissent du bout des lèvres. Ils rappellent qu’ils existent, mais ne contestent rien. Ni la méthode. Ni l’humiliation.
Politico : « Je pense qu’ils sont faibles »
L’interview publiée mardi 9 décembre par Politico marque un tournant. Le média américain – l’un des titres politiques les plus influents à Washington et à Bruxelles, réputé pour son accès privilégié aux décideurs – sert ici de caisse de résonance à l’attaque la plus frontale jamais lancée par un président américain contre ses alliés européens.
Donald Trump y lâche une phrase appelée à devenir un marqueur de la relation transatlantique : « Je pense qu’ils sont faibles. »
Ce n’est pas une provocation improvisée. C’est une ligne politique assumée, exposée dans un entretien long, structuré, offensif, dans lequel Politico présente Trump comme « la personnalité la plus influente en Europe ».
Jamais un président américain n’avait parlé de ses partenaires européens avec un tel mépris.
Donald Trump déroule ensuite un réquisitoire d’une violence inédite contre le Vieux Continent :
– des dirigeants « politiquement corrects », « indécis », « incapables » ;
– des gouvernements qui ont laissé « entrer des millions de personnes », dont, affirme-t-il sans preuve, « des prisonniers du Congo » ;
– des capitales « transformées » et « en déclin » ;
– une Europe menacée dans son identité, sa sécurité et sa cohésion par la migration.
Il s’en prend nommément à Paris, Londres, Stockholm. Insulte le maire de Londres, Sadiq Khan, le qualifiant d’« horrible, vicieux, dégoûtant ». Réécrit l’histoire de la guerre en Ukraine. Accuse Zelensky de ne pas organiser d’élections, insinuant que l’Ukraine n’est plus une démocratie.
L’interview est une démonstration de force. Et un message sans détour : Trump ne considère plus les dirigeants européens comme des partenaires, mais comme des acteurs secondaires.
Une Europe humiliée… et silencieuse
Face à cette avalanche de mépris, l’Europe s’en remet à une « réaction feutrée ». Pas de rupture, pas de confrontation, pas même une mise au point coordonnée.
Comme si l’Union européenne avait intégré une idée désormais récurrente à Washington : le Vieux Continent ne pèse plus dans les négociations stratégiques.
Le message envoyé est terrible :
– l’Europe n’a pas été consultée pour le plan de paix ;
– elle n’est pas écoutée lorsqu’elle proteste ;
– et elle n’ose pas affirmer qu’elle pourrait, un jour, se passer de la tutelle américaine.
Pire encore, Trump ironise : « L’OTAN m’appelle papa », dit-il dans l’interview de Politico à propos de la dépendance européenne à la protection militaire américaine.
L’Amérique contourne l’Europe : un partenariat à réinventer
Le plus inquiétant n’est pas ce que Trump dit, mais ce qu’il fait.
L’administration américaine :
– pousse l’Ukraine à céder l’intégralité du Donbass,
– adopte une stratégie de sécurité qui critique les « attentes irréalistes » de l’Europe,
– soutient ouvertement les partis d’extrême-droite européens,
– envoie des signaux d’ouverture à Moscou,
– n’exclut pas des opérations militaires au Venezuela, au Mexique ou en Colombie.
L’alliance transatlantique n’est plus un cadre stable. C’est un champ de forces mouvantes, où Washington agit unilatéralement et où l’Europe s’accroche à un partenariat qu’elle n’ose plus interroger.
Une Europe sans plan B, un Trump sans frein
Les Européens refusent d’imaginer le scénario qu’ils redoutent : une Amérique qui tournerait la page de son engagement européen.
Il reste dans l’idée que tout cela n’est qu’un mauvais moment. Un incident diplomatique. Une irritation passagère.
Pourtant, les faits s’accumulent :
– un mépris répété,
– des décisions stratégiques prises sans l’Europe,
– un soutien affiché aux partis anti-européens,
– un alignement américain sur les exigences russes.
Ce n’est plus une entorse. C’est une doctrine.
Les États-Unis ne sont plus le partenaire qui protège l’Europe. Ils sont le partenaire qui lui parle comme à un subalterne. Et l’Europe, lucide mais paralysée, tarde à construire le plan B que tout le monde évoque mais que personne n’ose lancer.
La nouvelle donne transatlantique est brutale : Trump agit avec mépris, l’Europe répond avec un assujettissement désarmant. L’écart se creuse.
Maya Bouallégui











2 commentaires
Gg
Comment donner tort à Trump?
Il est d’une implacable lucidité, et pressé de parvenir à ses fins.
Son problème aujourd’hui n’est pas la Russie, mais la Chine. Et l’Europe ne l’aide pas!
HatemC
Les États-Unis ont historiquement montré une préférence pour des interlocuteurs uniques capables de parler au nom d’un ensemble régional cohérent.
Cette logique, qui facilite la négociation et la stabilité des engagements
Pour le cas Ukraine combien d’interlocuteurs face à Trump ??? 28 avec l’Ukraine et un seul de l’autre côté Poutine ….l’équation est simple, il a une ligne direct avec Poutine et plusieurs lignes avec l’Europe …. La France tire la couverture l’Angleterre aussi, l’Italie, L’Espagne, La Pologne, etc etc ….
L’Union européenne reste un espace fragmenté, où les décisions stratégiques nécessitent des négociations complexes entre États membres.
Cela se vérifie aussi avec l’Afrique Trump ne parle à aucun dirigeant, l’Afrique c’est encore le Far West, le Moyen Orient c’est MBS son interlocuteur pour les Arabes, et pour l’Asie le Japon éventuellement …
Résultat : Washington doit composer avec vingt-sept voix au lieu d’une pour la seule Europe … c’est du temps perdu et de l’énergie …. Du coup Trump pour notre cas prend ses décisions avec Poutine et les imposent aux autres … c’est à prendre ou à laisser
Pour les États-Unis, la diplomatie est plus simple lorsqu’il existe un acteur dominant qui parle au nom d’un ensemble géopolitique.
En Asie, Washington traite principalement avec Pékin ou New Delhi ; pour la Russie, l’interlocuteur est clairement identifié : Poutine.
Le reste des pays est souvent perçu comme un paysage fragmenté, difficile à mobiliser et sans ligne stratégique unifiée.
C’est exactement le problème européen : faute d’un leadership unique, l’UE apparaît pour Washington comme un “magma” d’États aux intérêts divergents, bien moins lisible qu’une puissance centralisée …
Le Maghreb Uni doit lui aussi converger vers un espace unique et des états fédérés …. avec une gouvernance politique claire, serait bien plus audible sur la scène internationale.
Face aux grandes puissances, un interlocuteur unique pèse toujours davantage qu’une mosaïque de pays aux intérêts dispersés…. HC