Face aux critiques récurrentes sur les retards des chantiers publics, Abdelfatteh Brahem, membre du bureau exécutif de la Fédération nationale des entrepreneurs de bâtiment et des travaux publics (FNEBTP), remet les pendules à l’heure. Invité jeudi 11 décembre 2025 par Hatem Ben Amara dans Sbeh El Ward sur Jawhara FM, il explique que les lenteurs observées ne relèvent pas uniquement des entrepreneurs, mais résultent d’un ensemble de facteurs administratifs, climatiques, techniques ou liés aux moyens disponibles. Selon lui, si certains ouvrages avancent difficilement, « des raisons objectives existent », notamment pour les grands ouvrages nécessitant des technologies ou des compétences que les entreprises locales ne maîtrisent pas toujours, d’où le recours à des consortiums étrangers pour permettre une montée en compétence progressive.
Un regain d’activité depuis la Loi de finances 2025
Abdelfatteh Brahem a souligné que les années précédentes ont été particulièrement difficiles pour les entrepreneurs, en raison notamment des retards de paiement de l’État, qui ont plongé de nombreuses sociétés dans de graves difficultés financières.
Il a rappelé que « près de cinq années de créances impayées ont entraîné la disparition d’un nombre important d’entreprises » et des situations critiques pour d’autres, parfois confrontées à des procédures bancaires.
Toutefois, il estime que la Loi de finances 2025 a apporté un « souffle nouveau » au secteur, grâce à des mesures d’allégement, des exonérations et une amélioration des délais de paiement. Cette dynamique encourage, selon lui, les entrepreneurs à mieux planifier et à terminer les chantiers dans de meilleures conditions.
Chantiers routiers : avancées notables et échéances annoncées
S’agissant du projet de l’entrée sud de la capitale, Abdelfatteh Brahem a affirmé que « l’achèvement est prévu pour l’été 2026 », incluant le pont et l’ensemble de l’infrastructure associée.
Il a également évoqué l’avancement des travaux de plusieurs tronçons d’autoroutes :
- L’autoroute du Centre (Sousse–Kairouan–Sidi Bouzid–Jelma) progresse, avec un taux d’avancement de 35% pour certaines sections selon les informations relayées.
- L’autoroute du Nord-Ouest, destinée à relier la Tunisie à la frontière algérienne, est en phase de préparation des appels d’offres. Le lancement des travaux est attendu en 2026, sachant que les terrains accidentés du Nord-Ouest rallongent naturellement les délais de réalisation.
M. Brahem a rappelé que la Tunisie, comme tous les pays, procède à des opérations de maintenance régulière sur les autoroutes, ce qui explique la présence fréquente de chantiers.
Il précise que « l’éclairage complet des autoroutes n’est pas envisageable pour des raisons de coût », et que même en Europe seuls quelques pays, comme la Belgique, disposent d’un éclairage quasi total.
Des emplois et un PIB en baisse
Abdelfatteh Brahem a alerté sur la baisse des emplois dans le secteur. Autrefois comparable au secteur agricole, le BTP offrait près de 150.000 emplois, mais le taux d’employabilité a chuté d’au moins 20%. Le secteur représentait avant la révolution 25% du PIB, puis il est descendu à 15% pour atteindre aujourd’hui entre 5% et 6%. Cette régression souligne selon lui la nécessité d’une relance structurée et durable, afin de préserver l’emploi et le tissu économique national.
Un frein supplémentaire : le manque de matières premières
Abdelfatteh Brahem a également attiré l’attention sur le problème de l’approvisionnement en matières premières, dont le manque ralentit certains chantiers. Selon lui, cette situation n’est pas uniquement liée à une pénurie sur le marché, mais découle en grande partie de lenteurs administratives et de procédures bureaucratiques complexes. Ces retards affectent la planification et la continuité des travaux, obligeant parfois les entreprises à recourir à des solutions alternatives ou à adapter leurs calendriers, ce qui contribue à l’allongement global des délais de réalisation.
Des entreprises affaiblies malgré les efforts de redressement
Interrogé sur l’exonération des pénalités de retard inscrite dans le projet de Loi de finances, Abdelfatteh Brahem a estimé que « cette mesure est justifiée ».
Il a rappelé que les difficultés financières cumulées depuis 2016 ont gravement affecté les entrepreneurs : paiements irréguliers, endettement, contentieux bancaires et disparition de nombreuses sociétés du secteur.
Selon lui, l’amélioration actuelle doit s’accompagner de « mesures complémentaires pour préserver ce tissu économique essentiel aux travaux publics et au développement des infrastructures nationales ».
I.N.











