Les échanges commerciaux de la Tunisie avec l’extérieur au cours des onze premiers mois de l’année 2025 confirment une dynamique contrastée, marquée par une progression modérée des exportations et une accélération plus prononcée des importations, conduisant à un creusement significatif du déficit commercial. Les données publiées par l’Institut national de la statistique (INS) mettent en évidence une dégradation des équilibres extérieurs par rapport à 2024, après une année déjà caractérisée par une croissance limitée des flux commerciaux.
Une évolution différenciée entre 2024 et 2025

Aux prix courants, les exportations tunisiennes ont atteint 57 916,6 millions de dinars (MD) durant les onze premiers mois de 2025, contre 57 056,9 MD à la même période de 2024, soit une hausse de 1,5 %, légèrement inférieure à celle enregistrée en 2024 (+1,7%). À titre de comparaison, la progression des exportations avait été nettement plus soutenue en 2023 (+7,6%), traduisant un ralentissement progressif de la dynamique exportatrice sur les deux dernières années.
Les importations ont, quant à elles, connu une évolution plus marquée en 2025, atteignant 78 085,1 MD, contre 73 815,4 MD durant les onze premiers mois de 2024, soit une augmentation de 5,8%, bien supérieure à celle observée en 2024 (+1,6%). Cette divergence entre les rythmes d’évolution des exportations et des importations constitue le principal facteur explicatif du déséquilibre commercial observé en 2025.
Un déficit commercial en nette aggravation
Sous l’effet de cette dynamique asymétrique, le déficit commercial s’est établi à –20 168,5 MD à fin novembre 2025, contre –16 764,5 MD à la même période de 2024 et –16 539,2 MD en 2023. En l’espace d’un an, le déficit s’est ainsi creusé de plus de 3,4 milliards de dinars, reflétant une pression accrue sur les comptes extérieurs.
Le taux de couverture des importations par les exportations s’est, dans ce contexte, replié à 74,2% en 2025, après avoir atteint 77,3% en 2024, année au cours de laquelle il avait légèrement progressé par rapport à 2023 (+0,1 point). Cette baisse du taux de couverture confirme une détérioration de la capacité de l’économie tunisienne à financer ses importations par ses recettes d’exportation.

Exportations : recomposition sectorielle entre 2024 et 2025
L’analyse sectorielle révèle des évolutions structurelles notables entre 2024 et 2025. En 2024, la croissance des exportations (+1,7%) avait été largement tirée par les industries agroalimentaires (+23,7%), soutenues notamment par la bonne performance des exportations d’huile d’olive, ainsi que par le secteur de l’énergie (+9,4%) et les industries mécaniques et électriques (+1,5%). À l’inverse, les exportations des mines, phosphates et dérivés avaient fortement reculé (–24,2%), tout comme celles du textile, habillement et cuirs (–4,5%).
En 2025, la structure de la croissance des exportations s’est sensiblement modifiée. Les mines, phosphates et dérivés ont enregistré une reprise notable (+12%), tout comme les industries mécaniques et électriques (+7,8%), confirmant leur rôle moteur dans les exportations tunisiennes. En revanche, les industries agroalimentaires ont connu une baisse significative (–11,2%), principalement en raison de la diminution de la valeur des exportations d’huile d’olive, passées de 4 456,2 MD en 2024 à 3 470,7 MD en 2025.
Le secteur de l’énergie a, pour sa part, enregistré une contraction marquée de 29,6%, en lien avec la chute des exportations de produits raffinés, tandis que le textile, habillement et cuirs a poursuivi sa tendance baissière (–1,8%), confirmant les difficultés persistantes de ce secteur traditionnel.

Importations : une accélération portée par l’investissement et la consommation
En 2024, la hausse modérée des importations (+1,6%) résultait principalement de l’augmentation des importations de produits énergétiques (+8,2%), de biens d’équipement (+4,8%) et de biens de consommation (+6,1 %), partiellement compensée par le recul des matières premières et demi-produits (–3,5%) et des produits alimentaires (–7,3%).
En 2025, la dynamique s’est nettement accélérée. Les importations de biens d’équipement ont progressé de 14,6%, traduisant un regain de l’investissement productif, tandis que celles des matières premières et demi-produits ont augmenté de 6,6%. Les biens de consommation ont également enregistré une hausse soutenue (+11%), reflétant la vigueur relative de la demande intérieure. En revanche, les importations de produits énergétiques (–4,2%) et de produits alimentaires (–7,7%) ont reculé, atténuant partiellement l’impact global de la hausse des importations.
Orientation géographique : stabilité européenne et recomposition régionale
L’Union européenne demeure le principal partenaire commercial de la Tunisie sur les deux périodes. En 2024, les exportations vers l’UE, représentant 69,4% du total, avaient légèrement reculé (–0,6%), sous l’effet de la baisse des ventes vers la France et les Pays-Bas, malgré des hausses vers l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne.

En 2025, les exportations vers l’UE ont renoué avec la croissance, atteignant 40 813,3 MD (+3,1%), soit 70,5% du total, portées par les performances enregistrées avec l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, malgré des reculs persistants avec l’Italie et l’Espagne.
Les échanges avec les pays arabes ont également évolué de manière différenciée. Après une forte hausse des exportations vers l’Algérie et l’Égypte en 2024, les ventes tunisiennes ont continué de progresser en 2025 vers ces marchés, ainsi que vers le Maroc et la Libye, confirmant leur importance croissante dans la diversification géographique des exportations.
Un déficit structurel dominé par l’énergie
En 2024, le déficit commercial s’élevait à –16 764,5 MD, largement imputable aux échanges avec la Chine, la Russie, l’Algérie et la Turquie, tandis que des excédents étaient enregistrés avec plusieurs partenaires européens et maghrébins. Le déficit hors énergie se limitait alors à –6 952,5 MD, contre un déficit énergétique de –9 812 MD.
En 2025, le déficit global s’est aggravé à –20 168,5 MD, sous l’effet conjugué de l’élargissement du déficit énergétique (–10 308,4 MD) et de la persistance des déséquilibres sur les autres groupes de produits. Hors énergie, le déficit demeure élevé (–9 860,1 MD), confirmant le caractère structurel du déséquilibre commercial tunisien.

Une trajectoire à surveiller
L’évolution comparée des échanges commerciaux sur les périodes 2024 et 2025 met en évidence une fragilité persistante de la balance commerciale tunisienne, caractérisée par une croissance insuffisante et volatile des exportations face à une dynamique importatrice soutenue. Dans ce contexte, la consolidation des capacités exportatrices, la montée en gamme industrielle et la maîtrise de la facture énergétique demeurent des enjeux centraux pour la soutenabilité des équilibres extérieurs à moyen terme.
D’après rapport










