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LF 2026 : fiscalité du patrimoine, régime forfaitaire et amnistie fiscale, les éclairages de Bounenni

Par Imen Nouira

Houssem Bounenni, vice-président du Conseil national de l’Ordre des Comptables de Tunisie (CCT), est longuement revenu, mardi 16 décembre 2025, sur la Loi de finances 2026 (LF 2026), définitivement adoptée et promulguée. Il a détaillé les principales dispositions fiscales, les mécanismes d’amnistie, les changements liés au régime forfaitaire, ainsi que les enjeux économiques et sociaux plus larges que soulève ce texte.

Une loi adoptée malgré les divergences et un enjeu majeur de compréhension

Houssem Bounenni a rappelé au micro de Hatem Ben Amara dans l’émission Sbeh El Ward sur Jawhara FM que, malgré les divergences et les débats ayant marqué son examen au sein de l’Assemblée des représentants du peuple, la version finale de la Loi de finances 2026 est désormais celle qui s’impose à tous les contribuables. L’enjeu principal, selon lui, réside aujourd’hui dans la compréhension correcte des nouvelles dispositions et surtout dans leur mise en œuvre effective à travers les textes d’application attendus.

Régime forfaitaire, amnistie fiscale et relations avec l’administration

Parmi les mesures les plus commentées figure le retour du régime forfaitaire optionnel. Selon le vice-président du CCT, ce régime vise à simplifier la situation de nombreuses petites activités, après le basculement forcé de certains opérateurs vers le régime réel ces dernières années.

Le régime forfaitaire redevient accessible sous conditions strictes, notamment un plafond de chiffre d’affaires fixé à 100.000 dinars. Certains secteurs restent toutefois explicitement exclus. Pour les activités éligibles, le régime se caractérise par une fiscalité simplifiée, avec des montants d’imposition forfaitaires variant, selon l’activité et le niveau du chiffre d’affaires, entre quatre mille et cinq mille dinars par an. Les personnes exerçant dans des zones rurales bénéficient, quant à elles, d’un abattement de 50% sur ces montants.

Houssem Bounenni a insisté sur le fait que, bien que plus simple que le régime réel, ce dispositif demeure strictement encadré afin d’éviter les abus et les distorsions de concurrence.

La Loi de finances 2026 introduit également un nouveau mécanisme d’amnistie fiscale, mais dans une forme plus restrictive que par le passé. Contrairement aux anciennes amnisties globales, celle-ci est limitée aux pénalités et majorations liées aux impôts et taxes fiscales, à l’exclusion des droits et sanctions douaniers.

Les contribuables ayant des retards de déclaration fiscale dont l’échéance est arrivée au plus tard le 31 octobre 2025 peuvent régulariser leur situation en s’acquittant du principal sans pénalités. Pour ceux faisant l’objet de contrôles fiscaux ou de sanctions administratives, la loi prévoit la possibilité d’un rééchelonnement des dettes, sous réserve du paiement avant le 30 juin 2026, avec des échéanciers pouvant s’étendre sur plusieurs années.

En revanche, les contribuables ayant déjà bénéficié d’anciens plans de rééchelonnement non honorés ne peuvent prétendre à une nouvelle reprogrammation automatique. Ils doivent déposer une nouvelle demande auprès des services du receveur des finances.

Houssem Bounenni a salué l’esprit de ce dispositif, tout en soulignant la nécessité de revoir, à l’avenir, le niveau jugé excessif de certaines pénalités fiscales, qui finissent parfois par décourager les contribuables de régulariser leur situation.

Impôt sur la fortune, véhicules et textes d’application attendus

Autre mesure phare de la LF 2026 : l’instauration d’un impôt sur la fortune. Celle-ci s’applique aux patrimoines dont la valeur dépasse trois millions de dinars, avec des taux progressifs au-delà de ce seuil.

Selon Houssem Bounenni, cet impôt vise avant tout un objectif de justice fiscale et l’intégration des grandes fortunes dans l’effort national. Certains actifs, notamment les biens utilisés dans une activité économique productive, peuvent toutefois être exonérés afin d’encourager l’investissement et l’intégration dans le cycle économique.

Il a néanmoins pointé plusieurs limites, notamment la faible rentabilité attendue de ce type d’impôt et la difficulté d’en élargir l’assiette dans un contexte marqué par l’importance de l’économie informelle. À ses yeux, l’intégration de cette dernière dans le circuit officiel demeure un levier bien plus efficace que la multiplication des taxes sur les acteurs déjà visibles fiscalement.

La Loi de finances 2026 comporte également des dispositions relatives à l’importation de la voiture familiale, avec l’introduction d’un quota d’au moins 10%. Une formulation qui, selon Houssem Bounenni, a suscité des interrogations quant à son interprétation réelle, certains y voyant une erreur de rédaction susceptible d’ouvrir la voie à des taux plus élevés.

Là encore, le vice-président du CCT a insisté sur le rôle central des décrets et décisions conjointes entre les ministères concernés, ainsi que la Banque centrale de Tunisie, pour clarifier les modalités d’application, notamment en ce qui concerne les allocations en devises et les conditions de financement.

État social, pression fiscale et efficacité économique

Au-delà des aspects strictement fiscaux, Houssem Bounenni a élargi le débat à la question de l’État social. Il a rappelé que la Tunisie revendique un modèle fondé sur la solidarité, avec des dépenses importantes dans les domaines de la santé, de l’éducation, du transport et du soutien aux catégories vulnérables.

Toutefois, ce modèle nécessite des ressources importantes et une économie performante. Selon lui, les aides ponctuelles ou les exonérations fiscales accordées aux entreprises publiques ne suffisent pas à résoudre leurs difficultés structurelles. Une réforme en profondeur de leur gouvernance, de leur organisation financière et de leur stratégie industrielle reste indispensable pour restaurer leur rentabilité et soulager durablement le budget de l’État.

Houssem Bounenni a enfin souligné que la pression fiscale globale en Tunisie demeure élevée, atteignant, selon certaines estimations, jusqu’à 35% si l’on inclut les cotisations sociales. Il a appelé à une plus grande stabilité des règles fiscales, estimant que la multiplication des changements annuels fragilise la visibilité des entreprises et freine l’investissement.

Pour lui, la priorité doit être donnée à l’élargissement de l’assiette fiscale, à la lutte contre l’économie parallèle et à la modernisation de l’administration, plutôt qu’à l’introduction répétée de nouvelles taxes.

En conclusion, Houssem Bounenni a estimé que la Loi de finances 2026 comporte des orientations importantes, tant sur le plan fiscal que social. Toutefois, son efficacité dépendra largement de la rapidité et de la clarté des textes d’application, ainsi que de la capacité de l’État à concilier justice fiscale, soutien à l’activité économique et préservation du modèle social.

I.N.

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