Depuis plus de 5 000 ans, l’olivier est enraciné dans le sol tunisien, témoin silencieux des civilisations qui ont façonné ce pays. Plus qu’un arbre, il est un symbole de résilience, de paix et de longévité. Il est au cœur de l’économie rurale, mais aussi de la culture, des traditions et de la gastronomie tunisienne.
Les origines méditerranéennes : Phéniciens et Carthaginois
Introduit par les Phéniciens puis cultivé par les Carthaginois, l’olivier a rapidement occupé une place centrale dans la vie quotidienne. L’huile d’olive servait à la fois à nourrir, éclairer et soigner. Elle était utilisée dans les rituels religieux, la cosmétique et pour éclairer les foyers avec des lampes à huile. Les anciens racontent que chaque village possédait ses oliviers, transmis de génération en génération, véritables gardiens de prospérité et de protection.
Certaines oliveraies du Sahel et du nord tunisien sont encore aujourd’hui considérées comme héritages directs de cette époque, leurs troncs noueux et racines profondes racontant cinq millénaires d’histoire.

L’âge d’or romain : innovation et exportation
Avec l’arrivée des Romains, l’olivier devient un véritable moteur économique. Les techniques de pressage évoluent avec des presses à levier plus efficaces et des huileries plus nombreuses. L’huile tunisienne voyage alors dans tout l’Empire, vers Rome, Alexandrie ou Carthage.

Les vestiges de moulins et presses à Dougga, Carthage ou Thysdrus témoignent de cet âge d’or. L’huile d’olive tunisienne était déjà considérée comme un produit de luxe, exporté dans des amphores gravées, symbole de prestige et de savoir-faire ancestral.
Héritage arabe et berbère : traditions et résilience
Après la chute de Rome, les dynasties arabes et berbères perpétuent la culture de l’olivier. L’huile d’olive reste au cœur de l’économie rurale, consommée localement et exportée vers l’Espagne, l’Italie et le bassin méditerranéen.
La récolte est un événement communautaire : familles et voisins se rassemblent, les enfants jouent sous les branches, tandis que les anciens transmettent leurs secrets. Les olives sont soigneusement sélectionnées et l’huile stockée dans des amphores pour préserver sa qualité. Ces pratiques ont traversé les siècles et continuent de rythmer la vie des villages.

Les oliveraies légendaires de Tunisie
Certaines oliveraies tunisiennes sont presque mythiques. Dans le Sahel, les Chemlali donnent des huiles douces et fruitées, tandis que dans le nord, autour de Béja et Siliana, les Chetoui offrent une huile plus corsée et parfumée. À Sousse et Monastir, certains arbres centenaires produisent encore des olives, témoins vivants de l’histoire.
Mais l’un des trésors les plus impressionnants se trouve à Echraf, dans le nord de la Tunisie : l’une des plus anciennes oliveraies du monde. Certains de ses oliviers sont âgés de plusieurs milliers d’années et continuent de produire des olives. Cet endroit unique est un véritable symbole de la résilience de l’olivier et du lien millénaire entre les Tunisiens et cet arbre sacré.

Chaque arbre a sa personnalité. Certains offrent une huile douce malgré la chaleur, d’autres une intensité unique selon le vent et l’ensoleillement. Pour les producteurs, chaque récolte est un dialogue avec la nature, un art qui demande patience, respect du terroir et savoir-faire ancestral.
Festivals et traditions vivantes : Tebourba et au-delà
Les festivals de l’olive rythment l’automne tunisien. Tebourba, près de Tunis, organise chaque année son festival emblématique, célébrant la récolte avec des spectacles folkloriques, des expositions artisanales et des dégustations d’huile fraîchement pressée. Les habitants montrent aux visiteurs les différentes étapes de production, de la cueillette manuelle à la presse traditionnelle, partageant leurs secrets et histoires familiales.
À Nabeul, les festivités mettent en avant le savoir-faire local avec des danses, des chants et des ateliers de dégustation. À Zaghouan, les producteurs présentent leurs huiles biologiques et haut de gamme, tandis que les visiteurs découvrent les recettes traditionnelles et les méthodes de fabrication centenaires. Ces festivals permettent de transmettre le patrimoine aux jeunes générations et de rapprocher habitants et visiteurs autour de l’huile d’olive.

Gastronomie : l’huile d’olive au cœur de la cuisine tunisienne
L’huile d’olive sublime la gastronomie tunisienne. Elle relève le couscous, parfume les tajines, accompagne les salades de poivrons grillés et même certaines pâtisseries. Chaque région a sa signature : les huiles légères et fruitées du Sahel diffèrent des huiles plus corsées et intenses du nord.
Dans les marchés locaux, les habitants discutent des saveurs, comparent les récoltes, échangent sur les méthodes de pressage et débattent sur la qualité des différentes variétés. L’huile d’olive est alors bien plus qu’un ingrédient : c’est un langage, un vecteur culturel et un lien entre générations.
Portraits de producteurs passionnés
À Nabeul, la famille Ben Amor cultive des oliviers centenaires avec des méthodes traditionnelles, pressant les olives à froid pour préserver toutes les qualités de l’huile. Chaque automne, les enfants participent à la cueillette, apprenant à reconnaître le fruit parfait et à comprendre le rythme des saisons.
À Zaghouan, la famille Mhiri combine traditions et modernité, produisant des huiles biologiques exportées dans plus de 100 pays. Elles sont reconnues pour leur goût unique, alliant notes fruitées et intensité aromatique, véritable ambassade de la Tunisie à l’international.
L’olivier, symbole universel et héritage tunisien
L’olivier n’est pas seulement un arbre économique ou gastronomique : il incarne la paix, la résilience et la longévité. Chaque arbre raconte l’histoire d’une famille, d’un village ou d’une région. Les festivals, les traditions et l’artisanat liés à l’huile d’olive permettent de préserver ce patrimoine vivant et de le transmettre aux générations futures.
Aujourd’hui, lorsque l’on verse une goutte d’huile d’olive tunisienne dans son assiette, on savoure non seulement un produit de qualité, mais aussi 5 000 ans d’histoire, de patience et de passion. L’olivier est un trait d’union entre passé et présent, tradition et modernité, terroir et monde, et continue de faire rayonner la Tunisie bien au-delà de ses frontières.











