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Décès de Mohamad Bakri, témoin et passeur du récit palestinien

Acteur palestinien habité, metteur en scène engagé, homme de conviction et de parole, Mohamad Bakri s’est éteint à l’âge de 72 ans, à l’issue d’un long combat contre une maladie cardiaque. Il laisse derrière lui une œuvre dense, exigeante et profondément humaine, traversée par une constante : le refus de l’effacement du récit palestinien.

À l’annonce de son décès, les hommages ont afflué en Tunisie comme à l’international, saluant un artiste qui, sans jamais transiger, a porté la voix palestinienne sur les scènes, les écrans et dans l’espace public. Ami déclaré de la Tunisie, Mohamad Bakri avait marqué sa proximité avec le pays par sa présence aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC) en 2023, une édition finalement annulée par décision des autorités, en plein massacre à Gaza. Il avait alors critiqué ouvertement cette annulation, estimant que la tenue d’un festival consacré à la cause palestinienne constituait en soi une forme de lutte. Pour lui, la confrontation avec Israël ne se limitait pas au champ militaire : « Il s’agit d’une guerre de récit… On cherche à interdire notre récit », disait-il, rappelant que la culture est un front à part entière.

Né le 27 novembre 1953 dans le village galiléen de Biina, Mohamad Bakri a grandi dans un environnement marqué par les fractures de l’histoire et les silences imposés aux Palestiniens d’Israël. Très tôt, il comprend que l’art peut être un refuge, mais aussi un levier de résistance morale. Formé au théâtre à l’Université de Tel-Aviv, il s’impose rapidement comme l’un des visages majeurs de la scène théâtrale, se produisant notamment au théâtre Habima, au théâtre de Haïfa et au théâtre Khan.

Sa carrière cinématographique prend un tournant décisif dans les années 1980 avec Beyond the Walls (1984), film multiprimé qui lui ouvre les portes d’une reconnaissance internationale. Il enchaîne ensuite des rôles marquants dans Hanna K. de Costa-Gavras, The Scar de Haim Buzaglo, Cup Final ou encore On a Clear Day You Can See Damascus d’Eran Riklis. Sur scène, il s’illustre également dans Saison de la migration vers le Nord, adaptation du roman de Tayeb Saleh, rôle pour lequel il reçoit le prix du meilleur acteur au Festival de théâtre de Saint-Jean-d’Acre en 1993.

Mais Mohamad Bakri n’a jamais dissocié son art de sa responsabilité politique. Jenin, Jenin (2002), son documentaire le plus emblématique cristallise cette posture. Récompensé au Festival de Carthage, le film donne la parole aux habitants du camp de réfugiés de Jénine après une offensive militaire israélienne. L’œuvre déclenche une tempête judiciaire et politique sans précédent : interdictions, poursuites, campagnes de diffamation et marginalisation culturelle. Bakri n’a pourtant jamais prétendu livrer une vérité judiciaire ; il revendiquait la préservation d’une mémoire, fragile et menacée.

Pendant plus de deux décennies, il a porté ce combat avec une constance inflexible, convaincu que l’art n’est ni un luxe ni un ornement, mais un acte de survie collective. Avec la disparition de Mohamad Bakri, s’éteint une voix indocile, un artiste pour qui le théâtre et le cinéma étaient des espaces de résistance. Son héritage s’inscrit dans la longue mémoire des peuples qui refusent l’effacement. Il laisse une œuvre, mais surtout une leçon : celle du courage de dire, contre vents et censures.

N.J

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Commentaire

  1. maheryounsi1

    24 décembre 2025 | 18h20

    Allah yarhmou .