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Le courroux présidentiel peut être terrible

 

Les fusibles sautent à intervalles réguliers en Tunisie. Le président se fâche, il vire les hauts responsables via de brefs communiqués sur les réseaux sociaux. Il humilie ses subordonnés les uns après les autres sans ménagement aucun. Ils sont jetés en pâture aux masses zakafounisées, qui les taillent allégrement en pièces, donnant libre cours aux plus viles frustrations les animant. Ils ont choisi de participer à la mésaventure, qu’ils assument donc, c’est bien mérité.  

La ministre de l’Industrie est la dernière de la longue liste des responsables qui ont été éjectés sans ménagement. L’après-midi, elle révélait que le programme de réformes (celui proposé au FMI) était presque fin prêt, que la levée des compensations était actée et qu’on saura bientôt la date de l’augmentation des prix des carburants. Le soir même, bim !, le président la limogeait.

 

Pas content le président. Il l’a dit depuis un moment : non au FMI, on doit compter sur nos propres moyens. Alors comment expliquer que ce même gouvernement qu’il a nommé en personne ne suive pas ses directives ? Comment justifier que des ministres se soient rendus à Washington pour participer aux réunions du printemps ? Et comment se fait-il que le gouvernement n’ait pas eu le réflexe de demander l’annulation des négociations avec le FMI ? Et comment analyser le fait que le responsable de l’institution en région Mena ait affirmé que le dossier de la Tunisie est dans sa phase finale ?

L’exécutif tunisien continue d’envoyer des signaux contradictoires qui seraient compréhensibles si nous étions dans une situation de cohabitation. Mais, il n’en est rien et on dira même que nous sommes bien loin du fonctionnement habituel d’un gouvernement.

 

Faut-il le rappeler, l’équipe de Najla Bouden a été installée dans le cadre du décret 117 qui organise les mesures exceptionnelles. Les ministres n’ont pas de véritable pouvoir, ils ne font pas de politique, ils ne prennent pas de décisions… Ils sont tenus d’exécuter des ordres et de se taire. Ils sont sous tutelle présidentielle et lui sont redevables. Aucun écart n’est toléré. La nouvelle constitution n’a pas dérogé à cette ligne. C’est donc au président d’exercer la fonction exécutive, de fixer la politique générale de l’État et de définir ses choix fondamentaux. Et c’est au gouvernement d’assurer la mise en œuvre de la politique générale de l’État « dans le respect des orientations et des choix fixés par le président de la République ». Le gouvernement est responsable de ses actes devant le président et le chef du gouvernement n’a d’autre rôle que de coordonner le travail de son équipe en disposant des rouages de l’administration.

Kaïs Saïed a été on ne peut plus clair en rédigeant sa constitution : le pouvoir, le vrai, est entre les mains du président et personne n’a le droit d’outrepasser ses prérogatives. Gare à ceux qui agissent contrairement à ses politiques, gare à quiconque pense encore agir sous l’ancienne constitution, gare à ceux qui veulent siéger sur deux sièges. Le courroux présidentiel peut être terrible pour ses subalternes, mais aussi pour le pays.

 

Comment donc analyser cette divergence entre le président et ses subordonnés. Les analystes s’en arrachent les cheveux. Les férus de complotismes primaires s’en délectent, eux. Le flou règne tellement que plusieurs théories sont échafaudées pour expliquer le quiproquo autour de la question FMI : Le président est en train de manœuvrer pour mieux négocier avec le FMI à ses conditions en jouant la pression et sur l’aspect géopolitique, et la ministre est venue lui couper l’herbe sous les pieds… Le président n’a pas intérêt à revenir sur ses discours souverainistes qui lui valent le soutien du peuple, il laisse faire en douce jouant sur deux registres, et la ministre est venue dévoiler le plan… Au sein même du gouvernement, il y a des sous-marins qui manœuvrent contre la volonté présidentielle et font ami-ami avec les parties étrangères, le président s’en est rendu compte et il a sévi… Le président ne veut pas des diktats du FMI et pense pouvoir débloquer la situation financière à l’aide de la conciliation pénale, des entreprises communautaires, de l’argent spolié, des richesses retrouvées etc. et il atermoie en attendant que ça se réalise…

On pourrait continuer à noircir des pages avec les différentes supputations, le fait est que les contradictions entre la tête de l’exécutif et son outil d’exécution se poursuivent depuis des mois. En cela, on a dépassé les sommets de l’absurde et de l’ubuesque pour atteindre le tragique, parce qu’il est ici question du devenir d’un pays.

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