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Les prix augmentent pour tout le monde, sauf pour la télé et l’INS

Par Raouf Ben Hédi

Le taux d’inflation est officiellement en baisse constante ces derniers mois. En dépit de cette baisse, le Tunisien constate que son pouvoir d’achat est en chute libre. Cette différence entre les chiffres officiels et la réalité perçue du Tunisien a plusieurs explications dont la première est que le taux d’inflation ne reflète pas le pouvoir d’achat et que le panier de l’INS est vieux de dix ans et est devenu obsolète.

L’inflation suit une tendance baissière, passant sous la barre des 6 % pour la première fois depuis 2021. En lisant les chiffres de l’Institut national de la statistique (INS), il y a de quoi se réjouir. Pourtant, ces statistiques semblent en contradiction avec la réalité perçue par de nombreux Tunisiens, dont le pouvoir d’achat est en constante baisse.

La raison de ce paradoxe est simple : l’inflation dont parlent l’INS et plusieurs médias propagandistes n’a rien à voir avec le panier de consommation réel du Tunisien en 2025. Cet indicateur ne mesure ni le coût de la vie, ni le niveau de vie, ni même le pouvoir d’achat.

Une baisse de l’inflation célébrée par les médias officiels

Plusieurs médias propagandistes se sont félicités cette semaine du repli du taux d’inflation, qui a atteint 5,7 % en février 2025. Ils insistent sur la tendance baissière : 6 % en janvier 2025, 6,2 % en décembre 2024, 6,7 % en octobre 2024 et 7 % en juillet 2024, selon les dernières statistiques publiées par l’Institut national de la statistique (INS).

Cependant, malgré ces chiffres prometteurs en apparence, la perception des Tunisiens est bien différente. Une écrasante majorité affirme que les prix ne cessent d’augmenter, et ils n’ont pas tort.

Des hausses de prix bien réelles

« Aux chiffres, on peut faire dire ce que l’on veut », dit l’adage. Ce que mettent en avant les médias officiels, c’est le chiffre global de l’inflation. Mais ces mêmes médias se gardent bien de mentionner que plusieurs produits alimentaires connaissent une inflation à deux chiffres.

La viande d’agneau et de mouton : +21,4 %

Les légumes frais : +18,7 %

Les fruits secs : +14,2 %

Le poisson frais : +13,4 %

La volaille : +10,5 %

D’autres produits de consommation courante ont également connu des hausses notables :

La viande bovine : +9,7 %

Les fruits frais : +8,3 %

Les chocolats et confiseries : +7,3 %

Les sels et condiments : +6,3 %

Face à ces augmentations, comment expliquer l’écart entre les chiffres officiels et la réalité vécue par les citoyens ?

Un indice d’inflation obsolète et peu représentatif

L’une des explications tient dans la méthodologie de calcul de l’INS. Même si l’inflation suit un trend baissier, elle reste supérieure aux augmentations salariales légales, entraînant inévitablement une perte de pouvoir d’achat.

Surtout, le panier de consommation utilisé par l’INS pour calculer l’inflation repose sur 720 produits. Or, aucun Tunisien ne peut acheter ces 720 produits chaque mois.

Ces produits sont répartis en douze catégories, dont les pondérations sont loin de refléter la réalité de la consommation tunisienne en 2025. Par exemple :

Les produits alimentaires et boissons : 26,2 %

Les boissons alcoolisées et le tabac : 2,8 %

Le logement et les factures : 19 %

Les communications : 4,6 %

Les restaurants et hôtels : 4,6 %

Ce panier de référence date de 2015. Non seulement il ne correspond plus aux habitudes de consommation des Tunisiens d’aujourd’hui, mais les pondérations attribuées à chaque catégorie ne sont plus adaptées.

Un indicateur mal compris et politiquement instrumentalisé

L’INS lui-même reconnaît que l’indice des prix à la consommation (IPC) ne mesure ni le coût de la vie, ni le niveau de vie, ni le pouvoir d’achat. Il est conçu pour :

–      Mesurer l’inflation globale,

–      Orienter la politique monétaire,

–      Analyser la conjoncture économique,

–      Indexer les contrats socio-économiques,

–      Servir d’outil de calcul pour la comptabilité nationale.

L’INS applique une méthodologie scientifique rigoureuse et ne peut être tenu responsable de la politisation de ses chiffres. En revanche, il est responsable du maintien d’un panier obsolète, qui devrait être mis à jour d’urgence pour refléter la consommation actuelle des Tunisiens.

Une communication biaisée au service du pouvoir

En évoquant régulièrement la baisse de l’inflation, c’est le président de la République lui-même qui contribue à politiser cet indicateur. En corrélant directement l’inflation au pouvoir d’achat, les médias à la solde du régime entretiennent un discours trompeur pour légitimer les choix économiques en place.

Mais les Tunisiens ne sont pas dupes. Beaucoup constatent chaque jour le fossé entre le discours officiel et leur réalité quotidienne. Leur pouvoir d’achat diminue inexorablement, car les produits qu’ils consomment le plus subissent des hausses à deux chiffres, tandis que leurs salaires stagnent.

Loin des annonces optimistes relayées par les médias pro-régime, la réalité économique est implacable : les Tunisiens voient leur pouvoir d’achat s’effondrer sous le poids de hausses de prix conséquentes sur les produits de première nécessité.

L’INS doit revoir son mode de calcul pour proposer un panier représentatif de la consommation actuelle. Mais au-delà des chiffres, la seule réalité qui compte pour les citoyens est celle de leur portefeuille. Et celle-ci est sans appel.

Raouf Ben Hédi

Cliquer ici pour la méthodologie détaillée de l’INS dans son calcul de l’inflation

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