L’actualité économique se focalisera ces jours-ci sur les banques et les établissements de crédit et de financement. Tous sont en train de publier leur bilan et l’état de leurs résultats. Bien évidemment, chacun ira de son commentaire, s’érigeant en expert-comptable et financier. Le spectre des avis sera large : de ceux qui dénoncent nos établissements de crédit comme des sangsues dégageant des profits indécents à ceux qui saluent la bonne gestion de nos banques, parmi les plus gros contributeurs fiscaux du pays. Bref, on n’échappera pas à la controverse.
Ce faisant, rares sont ceux qui s’intéresseront à un autre bilan comptable, celui de la banque des banques : la Banque centrale de Tunisie (BCT). Pourtant, elle aussi dégage des bénéfices. Ses résultats cumulés des trois dernières années dépassent les 3,6 milliards de dinars.
Des bénéfices substanciers à comparer
Pour la seule année 2024, la BCT a engrangé un bénéfice de 1,4 milliard de dinars. Les banques de second rang n’ont qu’à aller se rhabiller, d’autant que l’institut d’émission, contrairement aux banques, est totalement exonéré d’impôts sur les bénéfices et de prélèvements sur dividendes. La banque des banques ne fait pourtant pas preuve d’exemplarité : elle s’interdit de distribuer des dividendes comme elle l’impose aux établissements de crédit. Pourquoi faire lorsque, in fine, l’État prendra tout ou presque ? En 2023, la part des bénéfices de la BCT revenant à l’État a été fixée à près de 1,1 milliard de dinars sur un résultat net d’environ 1,5 milliard. Visiblement, le resserrement de la politique monétaire par l’augmentation du taux directeur en 2022 a davantage profité à l’État qu’à l’économie réelle. Sacré paradoxe : cet ajustement visait à freiner la demande de financement des agents économiques — notamment de l’État — pour éviter toute tension inflationniste. Réuni le 25 mars 2025, le Conseil d’administration de la BCT a approuvé la répartition de l’exercice 2024 en affectant un peu plus d’un milliard de dinars de bénéfice à l’État. Il reste donc quelques 500 millions de dinars à trouver pour atteindre l’objectif fixé par la loi de finances 2025, qui prévoit des recettes de 1,6 milliard de l’État-actionnaire.
Il n’y a pas de doute, la BCT fait bonne affaire, bien que tel ne soit pas son but. Le produit de ses interventions sur le marché monétaire lui a rapporté près de 1,3 milliard de dinars. Ce n’est pas tout : la Banque effectue même des placements en devises, qui lui ont rapporté près de 489 millions en 2024.
Fonds phares et dynamique post-Covid
Le bilan comptable de la BCT éclaire aussi le climat général de l’investissement à travers la gestion de deux fonds phares : le Foprodi (Fonds de promotion du développement industriel) et le Fonapra (Fonds de promotion de l’artisanat et des petits métiers). Alors qu’il s’élevait à environ 40 millions de dinars, l’incertitude post‑Covid a fait chuter le montant de ses interventions à 30 millions en 2022, puis à 11 millions en 2023. L’année 2024 enregistre un redressement spectaculaire : le Foprodi a mobilisé 27 millions, exploitant toutes ses ressources, tandis que le Fonapra — très sollicité — n’a dépensé que 18 millions sur 43 millions mobilisés (contre 40,9 millions et 58 millions en 2023).
Pièces de monnaie toujours en circulation
Publié le 15 mars 2025 sur le site de la BCT, ce bilan apporte d’autres éclairages parfois cocasses, comme la circulation des pièces. À cet égard, ceux qui croient que les pièces de 1, 2 et 5 millimes ont disparu méritent de réviser leur opinion : en 2024, plus de 60 millions de pièces de 1 millime, 36,6 millions de pièces de 2 millimes et 440,5 millions de pièces de 5 millimes étaient encore en circulation. Ça en bouche un coin.