Le meurtre tragique d’un enfant à Kasserine a provoqué une onde de choc dans la population tunisienne. L’émotion, légitime, s’est muée en indignation, et certains n’ont pas tardé à exploiter le drame pour ressusciter des fantasmes punitifs d’un autre âge. Parmi eux, une députée s’est particulièrement distinguée par son zèle vengeur. Rima Maachaoui, membre de l’Assemblée des représentants du peuple, n’a pas seulement plaidé pour l’application de la peine de mort, elle a carrément réclamé la lapidation sur les places publiques.
« La peine de mort n’apaise pas la colère contre les violeurs et meurtriers d’enfants. Je suis pour la lapidation à mort sur une place publique, et les droits de l’Homme n’ont aucun sens pour celui qui a perdu toute humanité », a-t-elle asséné dans une déclaration ahurissante.

Ainsi donc, à la douleur collective, elle ajoute la surenchère sanguinaire. La justice ? Supplantée par la vengeance. L’État de droit ? Jeté aux oubliettes, remplacé par une parodie de tribunal médiéval où la foule exécuterait la sentence sous les applaudissements. À quoi bon s’embarrasser d’un système judiciaire quand une corde et quelques pierres suffisent ?
Mais il y a pire encore. Ce n’est pas seulement l’appel au meurtre qui choque, c’est aussi le mépris affiché pour les principes fondamentaux des droits humains. « Les droits de l’Homme n’ont aucun sens », affirme la députée Maachaoui avec une légèreté qui glace le sang. Comme si le pacte social pouvait être réécrit à la convenance des instincts les plus primitifs. Comme si la justice devait céder le pas à la loi du talion, comme si un État pouvait se réclamer de la civilisation tout en appelant à des exécutions publiques.
Que les criminels soient châtiés, c’est une évidence. Mais faut-il pour autant répondre à la barbarie par une barbarie plus grande encore ? Faut-il, sous prétexte de justice, dégrader la société au point de la faire ressembler aux pires dystopies ?
En réalité, les propos de la députée Maachaoui ne relèvent pas d’un simple égarement. Ils témoignent d’une dérive inquiétante où l’émotion sert d’alibi à toutes les transgressions, où le rejet des droits fondamentaux devient une posture politique assumée. Aujourd’hui, c’est un meurtrier d’enfant qu’on veut lapider, et demain ? Jusqu’où ira cette logique ?
Une députée qui renie les droits humains, c’est une députée qui trahit sa mission. La justice, la vraie, ne se rend ni à coups de pierres ni dans la fureur collective. Si l’Assemblée des représentants du peuple se targue d’être une institution digne de ce nom, elle devrait se désolidariser sans équivoque de ces appels aux exécutions d’un autre âge. À moins, bien sûr, qu’elle ne soit déjà en train de basculer dans l’obscurantisme qu’incarnent si bien les déclarations de Rima Maachaoui ou, d’ailleurs, d’autres élus qui ne cachent pas leurs penchants sanguinaires.
I.L