La Tunisie compte aujourd’hui 28 ambassades et 12 consulats sans titulaires. Un vide inédit qui contraste avec les discours enflammés du président sur le rôle des diplomates dans la « construction et l’édification nationales ».
Le 19 juin dernier, en recevant son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, le président Kaïs Saïed a rappelé ce qu’il appelle « les constantes de la diplomatie tunisienne » : indépendance du pays, diversification des partenariats, défense des intérêts nationaux. Il a ajouté que « la guerre de libération que mène le peuple tunisien à l’intérieur doit être accompagnée d’un travail diplomatique intensif », exhortant les ambassades à « redoubler d’efforts pour défendre la Tunisie », et les consulats à « offrir les meilleurs services aux Tunisiens de l’étranger ».
Des paroles fortes qu’il ne dit pas la première fois, puisqu’il a répété la même chose dans d’autres rencontres avec M. Nafti, mais également ses prédécesseurs Nabil Ammar et Othman Jerandi. Sur le terrain, cependant, la réalité est bien différente du discours présidentiel officiel.
Selon une enquête publiée cette semaine par le journal d’investigation Al Qatiba, 28 ambassades tunisiennes sont aujourd’hui sans ambassadeur et douze consulats sans consul, soit quarante postes vacants dans le réseau diplomatique. Même dans des capitales sensibles comme Alger, Tripoli, Berne, Rome ou Washington, la Tunisie n’a plus de représentant officiel. Autre capitale importante sans ambassadeur, Rabat, et ce depuis août 2022 quand la Tunisie a rappelé, dans un accès de colère, son ambassadeur.
La situation n’est pas meilleure du côté des consulats. Là encore, Al Qatiba dresse un tableau inquiétant : des dizaines de postes vacants, des fonctionnaires livrés à eux-mêmes, et des citoyens tunisiens à l’étranger — les fameux TRE — qui peinent à obtenir des papiers ou des rendez-vous.
Une diplomatie sans capitaine, un pays sans voix
Le président avait pourtant déclaré que les consulats devaient être « proches des Tunisiens », rapides et efficaces. En réalité, ils sont souvent désorganisés, sans direction claire ni moyens. Sans consul, c’est toute la chaîne administrative qui se désagrège.
Pour mesurer l’ampleur du phénomène, rappelons que la Tunisie dispose de 91 représentations diplomatiques dans le monde, dont 64 ambassades. Autrement dit, près d’une ambassade sur deux est aujourd’hui dépourvue d’ambassadeur. Une proportion vertigineuse qui illustre l’état d’abandon de notre diplomatie.
Ce vide diplomatique — du jamais-vu — prive le pays de relais essentiels au moment même où le chef de l’État appelle à « diversifier les marchés » et à « défendre les intérêts économiques de la Tunisie ».
Dès lors, comment conquérir de nouveaux marchés sans ambassadeurs ? Comment défendre une position tunisienne à Genève ou à Washington quand personne n’est habilité à parler au nom du pays ? Comment se fait-il qu’il n’y ait pas d’ambassadeurs chez nos deux voisins frontaliers ? Comment venir au secours de nos TRE quand le premier responsable, le consul, n’est pas là ?
Aucune considération pour l’humain
Traditionnellement, les mouvements diplomatiques se préparent l’été, période qui permet aux nouveaux ambassadeurs et consuls de s’installer dans leur pays d’affectation, d’inscrire leurs enfants dans leurs nouvelles écoles, et d’organiser la logistique d’un départ à l’étranger. Cette temporalité n’est pas un détail : elle garantit la stabilité familiale, la continuité du travail et la disponibilité psychologique nécessaire à une mission souvent lourde et solitaire.
Avec l’arrivée de Kaïs Saïed, cette logique a disparu. Les nominations tombent à n’importe quel moment, parfois sans préavis, parfois après des mois d’attente. Des diplomates restent bloqués à Tunis, d’autres apprennent leur mutation alors que la rentrée scolaire est déjà entamée. Ce dérèglement administratif, s’il peut sembler anodin, a des effets concrets : des familles éclatées, des postes qui restent vacants plus longtemps, et des représentants qui arrivent épuisés avant même de commencer leur mission.
Même si les quarante postes vacants étaient pourvus demain, les diplomates concernés partiraient seuls, sans leurs proches, contraints de gérer à distance leur vie familiale. Ce qui devait être une promotion devient alors une contrainte, voire une pénalité déguisée.
Ce désordre n’est pas isolé : il traduit une gouvernance improvisée, déjà observée dans d’autres secteurs de la fonction publique, où la planification a cédé la place à la décision instantanée. Le même désordre prévaut, par exemple, pour les magistrats, dont les affectations éloignées se font désormais au fil de l’année sans tenir compte du calendrier ni des réalités humaines.
Silence d’État et gâchis de talents
Autre signe du dysfonctionnement diplomatique actuel : le mutisme total du corps diplomatique. Ni les diplomates, ni leurs syndicats, ni même les anciens ambassadeurs n’osent dénoncer la situation. Pas un mot, pas une fuite, pas une indignation publique.
Certes, le devoir de réserve fait partie du métier. Mais ce silence dépasse la prudence : il illustre la peur qui paralyse tout le pays. Cette peur rampante n’épargne aucun secteur — administration, magistrature, médias, entreprises publiques — où chacun préfère se taire plutôt que risquer une sanction ou une disgrâce.
Au-delà du silence, il y a le gâchis. Dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères, au Nord-Hilton, plusieurs hautes compétences diplomatiques sont littéralement mises au frigo. Des profils aguerris, souvent polyglottes, cultivés, expérimentés, et d’une présentation irréprochable. Certains ont représenté la Tunisie dans des forums internationaux, d’autres ont négocié des accords bilatéraux complexes. Aujourd’hui, ils pointent chaque matin sans mission, sans bureau défini, sans feuille de route.
Ce capital humain est laissé en jachère, alors qu’il aurait pu servir le pays dans ses capitales les plus stratégiques : Washington, Rome, Alger, Riyad ou Bruxelles. C’est une perte sèche pour la diplomatie tunisienne et un signal inquiétant envoyé à tout le corps des fonctionnaires : la compétence n’est plus un critère, la loyauté au pouvoir en place est devenue la seule boussole.
L’absence d’un ambassadeur coûte plus cher qu’une mauvaise nomination
L’absence d’un ambassadeur coûte souvent plus cher qu’une mauvaise nomination, dit-on très souvent dans le milieu diplomatique. Une erreur, on peut la corriger. Le vide, lui, s’installe et se nourrit de lui-même. Pendant que d’autres nations avancent, la Tunisie reste immobile, muette, absente là où elle devrait parler, défendre, convaincre.
Un ambassadeur n’est pas un simple fonctionnaire chargé de recevoir des cartes de vœux. C’est un capteur politique, un relais économique, un éclaireur culturel. Il incarne la présence du pays, son image et parfois son influence.
Le général Charles de Gaulle, ancien président français, avait coutume de dire qu’« un pays sans diplomatie, c’est un pays sans destin ». Il avait compris que la grandeur d’une nation se mesure autant à la qualité de ses usines qu’à celle de ses représentants à l’étranger. Habib Bourguiba avait bien compris cela et prenait grand soin de nommer les meilleures compétences du pays (parfois d’anciens ministres) dans les chancelleries à l’étranger. Idem pour Ben Ali, lui-même ancien ambassadeur avant de devenir Premier ministre, puis président de la République.
Or aujourd’hui, la Tunisie de Kaïs Saïed semble pratiquer une nouvelle forme de diplomatie : la diplomatie du vide. Pas de nominations, pas d’initiatives, pas de relais. Un effacement progressif qui traduit moins un oubli qu’une volonté : celle d’un pouvoir qui redoute la compétence, se méfie de l’autonomie, et préfère l’immobilisme au risque du talent.
Ce choix du silence diplomatique n’est pas anodin. Il révèle un État qui n’ose plus déléguer, qui se replie sur lui-même et se prive de sa voix dans le concert des nations. Et dans ce monde où tout va vite, se taire revient souvent à disparaître.
Maya Bouallégui











Commentaire
Citoyen_H
QU’Y A-T-IL DE SI ÉTONNANT ????
Les gardiens de chèvres et d’étables, post-2011, avaient, dès leur arrivée au pouvoir, appliqué la politique de la « terre brulée », sur tout ce qui pouvait leur faire de l’ombre.
Ils s’étaient appliqués méthodiquement à étêter toute menace potentielle à leur QI de dégénérés afin d’assoir leur autorité, pensant s’éterniser au pouvoir.
Ils firent, volontairement, table rase sur toutes les promotions montantes, qui allaient, dans la logique de leur préparation, remplacer leurs prédécesseurs.
Du coup, les bagal-liha transformèrent le paysage politique nationale en un désert dans lequel, ils entamèrent le carnage dont tout le monde connait le résultat.
Galou, on a le meilleur gouvernement de l’univers, dixit les nullards, les rois de la médiocrité, les Bouchleka, Abbou & Abbou, Marzoukiki et l’ensemble de la cour des miracles des chameliers imposteurs traitres à la NATION. !!!!
Allah yéhlik’hom, eux et leurs descendances !!
Qu’ils grillent à jamais en enfer.