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Moez Soussi :  l’État efface les dettes de l’Office du commerce pour lui permettre de respirer 

Par Myriam Ben Zineb

L’économiste et professeur à l’Université de Tunis, Moez Soussi, était l’invité de la matinale de Jawhara FM, lundi 20 octobre 2025. Il est revenu sur les principales dispositions du projet de loi de finances 2026, en particulier celles concernant l’Office tunisien du commerce (OTC).

Selon lui, l’article 42 du projet prévoit l’annulation de plusieurs dettes accumulées par l’Office — notamment celles dues à la douane, les amendes, les pénalités de retard et les contentieux liés à la non-régularisation de certaines déclarations douanières avant le 1ᵉʳ janvier 2025.

« L’État ne lui versera pas de liquidités, mais il va lui effacer ses dettes, ce qui permettra à l’Office de respirer », a expliqué l’universitaire, estimant que cette mesure constitue une bouffée d’oxygène pour une institution essentielle mais affaiblie par la hausse des coûts d’importation et l’alourdissement de ses charges.

Moez Soussi a rappelé que l’Office du commerce joue un rôle stratégique dans l’approvisionnement du pays en produits de base comme le sucre, le café ou le riz, qu’il importe et vend à des prix subventionnés. Il a toutefois souligné que cette structure publique subit de plein fouet la flambée mondiale des prix des denrées et les pressions sur les réserves en devises.

« Les difficultés de l’Office reflètent celles de l’État et de l’économie mondiale. Le sucre, le café ou les céréales ont vu leurs prix exploser », a-t-il noté.

Concernant les importations, il a rappelé que l’OTC détient encore le monopole sur plusieurs produits stratégiques, pour préserver les équilibres extérieurs du pays. « On ne peut pas tout libéraliser, car chaque importation pèse sur nos réserves en devises. Il faut trouver un équilibre entre ouverture du marché et protection de nos capacités financières », a-t-il expliqué.

Le projet de Loi de finances 2026 prévoit, en effet, un soutien ciblé aux entreprises publiques et aux secteurs stratégiques, dans une logique de redressement économique sélectif.

Selon le texte, plusieurs établissements bénéficient de mesures exceptionnelles. La Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) obtient une exonération totale des droits de douane et de TVA sur ses importations et achats locaux, afin d’alléger ses coûts de production et de relancer une activité minée par les difficultés structurelles.

L’Office du commerce de la Tunisie et la Société tunisienne de sucre profitent, pour leur part, d’un effacement de dettes et de pénalités fiscales, signe d’une volonté de l’État de consolider leurs équilibres financiers et d’assurer la continuité des approvisionnements stratégiques.

Enfin, la filière oléicole est élevée au rang de priorité nationale, avec une suspension de la TVA et des droits de douane sur les intrants d’embouteillage, sous la supervision directe de la présidence de la République.

L’économiste Moez Soussi a poursuivi son intervention en revenant sur les difficultés rencontrées par l’Office du commerce et la Société tunisienne du sucre, deux établissements publics expressément cités dans le projet de Loi de finances 2026.

Il a d’abord évoqué la situation du thé noir, produit stratégique pour la consommation nationale. Selon lui, l’Office du commerce de la Tunisie connaît actuellement de fortes perturbations d’approvisionnement, notamment pour le thé noir, largement consommé dans les foyers et les milieux ruraux. « C’est un véritable problème économique et social, a-t-il estimé, car le thé noir est devenu rare alors que le thé vert, lui, est disponible mais boudé par les consommateurs ».

S’agissant du sucre, Moez Soussi a confirmé que la Société tunisienne du sucre traverse une crise profonde, aggravée par les retards douaniers et les pénalités fiscales. Il a précisé que l’article 43 du projet de Loi de finances 2026 prévoit une mesure exceptionnelle : l’effacement de 2,757 milliards de dinars de dettes et de pénalités, en faveur de l’entreprise publique. Cette opération, a-t-il noté, permettra un assainissement financier partiel, mais devra être complétée par des réformes techniques et structurelles, notamment la relance de la culture de la betterave sucrière.

Selon lui, le retour à la production locale de betterave constituerait une étape clé pour réduire la dépendance aux importations et assurer un approvisionnement régulier en matières premières. « C’est une culture essentielle, à la fois pour la diversification agricole et pour la durabilité des sols. Elle a besoin d’eau, certes, mais elle s’inscrit dans une rotation bénéfique avec les céréales », a-t-il expliqué, estimant que des signes encourageants laissent entrevoir une reprise progressive de cette filière.

L’économiste a également salué les mesures prévues en faveur de la Compagnie des phosphates de Gafsa, qui bénéficiera d’une exonération de la TVA et des droits de douane sur l’importation de ses équipements et matériels. Il s’agit, selon lui, d’un signal fort de soutien à l’un des piliers économiques du pays, destiné à relancer la production et améliorer les conditions sociales des travailleurs, notamment à travers la déduction des dépenses liées au transport du personnel.

L’économiste est également revenu sur une disposition controversée du texte, l’article 57, qui abroge le plafonnement des paiements en espèces instauré par la loi de finances 2019. Cette mesure interdisait jusqu’ici tout achat de voiture ou de bien immobilier supérieur à cinq mille dinars en cash. Sa suppression, a-t-il expliqué, permettra désormais d’effectuer ces transactions en espèces. Moez Soussi a toutefois mis en garde contre les risques liés à cette libéralisation, soulignant qu’elle pourrait favoriser le blanchiment d’argent, notamment dans le secteur immobilier.

Enfin, Moez Soussi a tenu à rassurer sur deux points essentiels : aucune hausse des prix des produits de base ni des carburants n’est prévue, et les augmentations salariales seront bien appliquées, selon des modalités qui feront l’objet de décrets ou de négociations.

M.B.Z

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