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Entre souris et ne souris pas, il y a la Tunisie en clignotant

Par Ilyes Bellagha

par Ilyes Bellagha*

La Tunisie est ce pays étrange où tout s’annonce et rien ne commence. Un pays en clignotant permanent, hésitant entre l’élan et l’immobilisme, entre le rire et la résignation. Ici, même les sourires sont politiques. Ils servent à dire sans dire, à feindre sans mentir tout à fait. Sourire, c’est survivre ; ne pas sourire, c’est se dévoiler.

Le sourire comme réflexe d’État
Depuis des années, la scène politique ressemble à un théâtre de gestes figés. Les dirigeants sourient pour rassurer ; les citoyens pour ne pas effrayer. Le pays tout entier a appris à performer la sérénité. Mais derrière ce visage tranquille se cache une crispation nationale : celle d’un peuple qui ne sait plus s’il doit applaudir ou pleurer.

Le sourire tunisien est devenu une stratégie de respiration : un moyen d’exister dans une société où parler expose et se taire… Entre le selfie politique et la grimace quotidienne, il reste ce demi-sourire — celui de la pudeur blessée.

Le clignotant comme métaphore politique
Clignoter, c’est prévenir sans agir. C’est signaler un virage qu’on ne prendra jamais. La Tunisie, depuis une décennie, fait exactement cela : elle annonce des réformes, promet des ruptures, et reste immobile.

Chaque discours allume un feu orange. Rien n’est rouge, rien n’est vert : tout hésite. Le clignotement est devenu la pulsation même de la République.

Entre façade et vérité
Le sourire est aussi une politique de façade. Il dissimule la fatigue d’un peuple qui continue de faire semblant de croire. Dans les cafés, les taxis, les ministères, chacun joue sa partition : la comédie du calme, le drame du quotidien.

Mais derrière les vitres, la réalité clignote : chômage, dévalorisation, exil, corruption… Autant de signaux que le système choisit d’ignorer, comme si l’aveuglement collectif tenait lieu de stabilité.

L’humour comme résistance
Heureusement, le peuple tunisien a fait de l’humour une arme. Pas l’humour cynique des écrans, mais celui des terrasses, des files d’attente, des conversations de trottoir. Rire, ici, c’est une manière de respirer. Une façon de dire : « Je ne crois plus à vos promesses, mais je continue d’exister. »

Dans chaque blague, il y a un soupir et un sursaut. Le rire tunisien, c’est le cœur du pays qui bat encore, malgré tout.

Clignoter, c’est vivre
La Tunisie en clignotant n’est pas morte : elle cherche encore sa vitesse. Elle oscille, elle doute, elle ironise — et c’est cela même qui la sauve. Car entre souris et ne souris pas, il y a cette vibration fragile : celle d’un peuple qui n’a pas renoncé à la lumière, même vacillante.

Entre souris et ne souris pas, il y a la Tunisie en clignotant — un pays suspendu entre l’ironie et la lucidité.


*Architecte et écrivain – Architectes Citoyens

« Joindre l’agréable à l’utile : l’architecture du sens commence par le plaisir d’exister. »

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